Africa-Press – Gabon. Pour ne pas engager la responsabilité des institutions, on accule les candidats se réclamant du changement. C’est à la fois simple et profitable. Tout aussi commode est cette tendance à raisonner comme si le vote est mécanique.
Au Gabon, l’électorat n’est pas composé de citoyens libres et égaux en droits, mais de deux blocs homogènes et immuables : d’un côté, les militants du Parti démocratique gabonais (PDG) et ses alliés de la majorité présidentielle, de l’autre les partisans de l’opposition. Tel est, de façon schématique, le sous-entendu du débat sur la candidature unique. Telle est aussi l’idée reçue véhiculée de façon subliminale par certains observateurs. Refusant de tirer les leçons du passé, ils ramènent la même antienne. Par parti pris, ils tentent de distiller des prénotions. Par paresse intellectuelle, ils glosent sur les égos des candidats déclarés. Pourtant, en 2009, 11 candidats, notamment Paul Mba Abessole, Jean Eyéghé Ndong, Jean Ntoutoume Ngoua, Mehdi Teale ou Claudine Ayo Assayi, se retirèrent pour se ranger aux côtés d’André Mba Obame. En 2016, Casimir Oyé Mba, Guy Nzouba Ndama et Léon Paul Ngoulakia firent de même, ralliant Jean Ping avec armes et bagages. Les suites ? Tout le monde les connait.
Secret de l’isoloir
Avant d’interroger la stratégie de l’opposition ou de vouloir lui en indiquer une, il faut se garder de faire une lecture partiale ou partielle des faits. Largement documentées, les deux dernières présidentielles furent marquées par quatre invariants : prise en otage de la province du Haut-Ogooué, devenue malgré elle une variable d’ajustement ; manipulation des résultats par les entités en charge de leur centralisation ; recours à la force et ; fraude à la loi perpétrée par la Cour constitutionnelle. Evidemment, d’aucuns se gardent de le relever. Le faire reviendrait à ruiner leur discours sur la désunion de l’opposition, malicieusement présentée comme le principal frein à l’alternance. Pour ne pas engager la responsabilité des institutions, on accule les candidats se réclamant du changement. Pour ne pas mettre les gouvernants en cause, on indexe les gouvernés. C’est à la fois simple et profitable.
Tout aussi commode est cette tendance à raisonner comme si le vote est mécanique. Comme si les citoyens n’ont aucune liberté d’action et de conscience. Comme si leur quotidien ne signifie rien. Comme si l’affiliation politique l’emporte sur toute autre considération. Comme si toutes les déclarations publiques sont empreintes de sincérité. Comme si le secret de l’isoloir n’existe pas. S’il ne manque ni d’intérêt ni de pertinence, le débat sur la candidature unique n’en demeure pas moins un piège. D’aucuns font comme si le bilan n’a aucune incidence sur le choix des électeurs. Comme si les problèmes d’accès à l’eau potable, les coupures intempestives d’électricité, la faillite du système éducatif, le peu de fiabilité des hôpitaux ou l’état du réseau routier ne sont pas des déterminants du vote. Au lieu de réduire les Gabonais à du bétail électoral, il faut les considérer comme des citoyens libres et égaux, en quête de mieux-être.
Ni précipitation ni manipulation insidieuse
Certes, comme le dit le proverbe : «L’union fait le force.» Certes, une candidature unique accroit forcément les chances de l’opposition. Témoins privilégiés ou acteurs des précédentes présidentielles, les candidats déclarés en ont conscience. Comme ils n’ont de cesse de le dire, ils y travaillent et espèrent y parvenir dans le cadre de la plate-forme Alternance 2023. Mais, il ne sert à rien d’en rajouter. Il est contre-productif de faire comme si c’était une panacée, une solution clés en main ou une option jamais expérimentée. N’en déplaise aux bonnes âmes, en 2009, le processus fut bouclé en une nuit, à l’avant-veille du scrutin. En 2016, il fut conduit dans la discrétion, aboutissant en 72 heures, 11 jours avant le vote. Chacun devrait s’en souvenir, au lieu d’entretenir des polémiques oiseuses, susceptibles de servir de prétexte à d’éventuelles manipulations.
Comme dirait Miguel Cervantès, «il faut donner du temps au temps». En d’autres termes, il ne faut céder ni à la précipitation ni à la manipulation insidieuse. Il faut agir par devoir et en tenant compte du contexte. Après tout, aucune candidature n’a encore été officiellement validée. Mieux, la période de campagne n’est toujours pas ouverte. Pourquoi les gens devraient se précipiter à traiter de cette question ? Pour mettre le candidat éventuel définitivement sur orbite ? Si cela avait été fait aussi vite en 2009, personne n’aurait misé sur André Mba Obame. Si tel avait été le cas en 2016, d’autres développements seraient certainement advenus, Jean Ping étant alors menacé de poursuites judiciaires, accusé d’avoir traité une partie de la population de «cafards». Pour toutes ces raisons, les partisans de la candidature unique ne perdent rien pour attendre.
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