Africa-Press – Gabon. L’arrestation de Pascal Ogowè Siffon, intervenue dans la soirée du 16 décembre 2025, quelques heures seulement après sa démission du gouvernement de transition, a fait l’effet d’un séisme politique. Ancien ministre du Tourisme, récemment élu sénateur, il se retrouve au centre d’une affaire de détournement présumé de plus de 10 milliards de francs CFA. Au-delà du fait judiciaire, cette séquence met à nu les fragilités d’une transition gabonaise où la promesse de rupture se heurte à des pratiques, des zones grises et des contradictions institutionnelles persistantes.
La scène a la brutalité des fins de règne mal assumées. Mardi 16 décembre 2025, en soirée, Pascal Ogowè Siffon, tout juste démissionnaire du gouvernement, est interpellé à Libreville par des agents de la Direction générale de la contre-ingérence et de la sécurité militaire (B2), à sa sortie même de la Présidence de la République. Le symbole est lourd: la porte institutionnelle se referme, à peine, que la machine judiciaire s’enclenche.
Une chute brutale aux allures de symbole
Les faits allégués sont d’une gravité exceptionnelle. Le tout juste ex-ministre du Tourisme est soupçonné de détournement de fonds publics portant sur plus de 10 milliards de francs CFA. Si nombreux, proches du dossier et de son cabinet, estiment que le montant est exagéré pour un ministère n’ayant eu en deux ans que 9,075 milliards de budget (fonctionnement et investissements confondus), ces ressources étaient censées financer la relance d’un secteur stratégique, présenté comme l’un des piliers de la diversification économique du Gabon. Les enquêteurs évoquent de «graves irrégularités dans la gestion des finances publiques», une formulation désormais familière dans les dossiers sensibles, mais dont la répétition finit par interroger la solidité des mécanismes de contrôle de l’État.
Cette interpellation n’est pas un coup de tonnerre isolé. Elle s’inscrit dans une séquence déjà entamée fin novembre 2025, lorsque Pascal Ogowè Siffon a été assigné à résidence surveillée pour les mêmes motifs. Entre-temps, l’homme a été élu sénateur, ajoutant une dimension institutionnelle supplémentaire à une affaire déjà politiquement inflammable. La démission ministérielle, présentée comme un acte de responsabilité, apparaît rétrospectivement comme un sas, non comme une issue.
Au-delà du cas personnel, c’est un malaise plus profond qui affleure. Comment expliquer que des montants aussi conséquents aient pu être mobilisés, engagés, voire dissipés, sans que les alarmes administratives ne s’activent plus tôt?
Immunité parlementaire et zone grise institutionnelle
À ce stade, il convient de le rappeler avec rigueur: Pascal Ogowè Siffon bénéficie pleinement de la présomption d’innocence, tandis qu’un point juridique délicat s’impose: élu sénateur sans avoir encore siégé, le concerné bénéficie en principe de l’immunité parlementaire.
La situation interroge à la fois le calendrier de son interpellation et la solidité des garanties procédurales attachées au mandat parlementaire. En creux, que vaut une protection constitutionnelle si son application demeure dépendante de subtilités de procédure ou de temporalités politiques? Cette séquence, au-delà de l’affaire pénale elle-même, met en exergue les fragilités d’un État de droit encore en recomposition, où le droit, la politique et l’urgence sécuritaire semblent parfois avancer à des vitesses discordantes.
Les investigations sont en cours et seules les juridictions compétentes diront le droit. Mais politiquement, le mal est fait. Cette affaire agit comme un révélateur: celui d’un système où la communication précède trop souvent la reddition de comptes, et où la chute des hommes met à nu les failles de la gouvernance. Dans un Gabon en transition, l’arrestation d’un ancien ministre, fraîchement sénateur, ne peut être lue comme un simple fait divers judiciaire. Elle pose une question centrale: la rupture annoncée avec les pratiques du passé sera-t-elle enfin démontrée par les actes, ou restera-t-elle un slogan sacrifié sur l’autel des scandales récurrents?





