Élections de la Discorde Et Attente D’une Parole Présidentielle

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Élections de la Discorde Et Attente D'une Parole Présidentielle
Élections de la Discorde Et Attente D'une Parole Présidentielle

Africa-Press – Gabon. Dans cette tribune, Dr Emmanuel Thierry Koumba dénonce les graves irrégularités des élections législatives et locales du 27 septembre 2025 au Gabon, qui ont ravivé les pratiques frauduleuses du passé et plongé la démocratie dans une crise profonde. Enseignant des universités et grandes écoles, il critique le silence du président Brice Clotaire Oligui Nguema face à la contestation populaire et l’implication partisane du vice-président de la République, qui fragilise la crédibilité institutionnelle. Il appelle enfin à un sursaut démocratique, avec l’annulation du scrutin, le maintien provisoire des organes de transition et la création d’un organe électoral indépendant pour restaurer la confiance nationale.
Introduction

Jamais le Gabon n’avait connu un tel abîme démocratique depuis la Libération du 30 août 2023. Les élections législatives et locales couplées de septembre 2025, censées consolider la transition et inaugurer une ère de gouvernance républicaine, se sont transformées en un désastre politique et moral. Fraudes massives, transport d’électeurs, bourrages d’urnes, procurations douteuses et violences en bureaux de vote: le constat est accablant et partagé tant par l’opposition que par la société civile et même certains acteurs du camp présidentiel. Dans cette atmosphère délétère, la nation entière attend désormais une parole forte du président de la République, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, afin de restaurer la confiance et réaffirmer son autorité.

I. Un scrutin qui plonge la démocratie dans la tourmente

Les législatives et municipales de 2025 devaient être l’occasion de tourner la page des pratiques opaques héritées du passé. Or, c’est l’inverse qui s’est produit. Témoignages et rapports d’observateurs convergent: isoloirs absents, électeurs décédés inscrits comme votants, représentants de candidats expulsés des bureaux, bulletins manquants, résultats falsifiés… À Port-Gentil, Oyem, Franceville, Ndendé et à Ngouoni, la situation a pris l’allure d’un drame politique, où le scrutin s’est mué en simulacre.

Cette crise électorale révèle une vérité amère: les vieilles habitudes du pouvoir déchu ont ressurgi, ternissant l’image d’un pays qui se voulait en marche vers une véritable démocratie.

II. Le silence pesant du chef de l’État

Dans un régime présidentiel renforcé par le référendum de 2024, le président incarne l’autorité suprême. Or, depuis le début des contestations, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA, qui est rentré d’une tournée à New-York et La Havane, reste silencieux, se contentant d’écouter de manière originale à l’aéroport de Libreville à sa descente d’avion, les justifications d’Hermann IMMONGAULT, son ministre de l’Intérieur. Ce mutisme interroge et inquiète.

Le peuple, qui avait retrouvé confiance après le coup de libération, réclame des décisions claires: l’annulation pure et simple du scrutin ou, à défaut, une refonte profonde du système électoral avec la mise en place d’un organe indépendant ou incluant partis politiques de la majorité et de l’opposition. Car gouverner, dans ce contexte, ne se résume pas à s’appuyer sur une majorité parlementaire contestée, mais à préserver l’intégrité de l’État et l’unité nationale.

III. La posture ambiguë du vice-président de la République

Plus préoccupante encore est l’attitude du vice-président Séraphin MOUNDOUNGA. Loin de se cantonner à son rôle institutionnel, il s’est engagé publiquement dans la campagne électorale en faveur de Mays MOUISSI, Secrétaire général de l’UDB et ancien pourfendeur du Code électoral du temps de ses critiques au gouvernement de Libreville à partir de la France, avant de soutenir le ministre de l’Intérieur et d’attaquer l’opposition. Or, sa fonction lui confère une responsabilité majeure: assurer l’intérim du chef de l’État en cas d’empêchement.

Son implication partisane jette le trouble sur l’impartialité de la vice-présidence et fragilise encore davantage la crédibilité du processus démocratique. Dans une 5e République où l’homme est le maillon central de la gouvernance, cette dérive alimente les doutes et les crispations.

IV. L’exigence d’un sursaut démocratique

Face à la gravité de la situation, des voix s’élèvent pour réclamer:

1. L’annulation du scrutin sur l’ensemble du territoire et à l’étranger ;

2. Le maintien provisoire du Parlement de transition et des délégations spéciales ;

3. La création d’un organe autonome de gestion des élections ;

4. La tenue de législatives et locales séparées à partir de 2026.

Ces propositions visent à redonner au pays une trajectoire crédible et à couper court aux soupçons d’instrumentalisation.

Conclusion

Les élections couplées de 2025 marquent un tournant critique. Elles ne sont pas seulement un échec organisationnel: elles menacent de ruiner l’espoir suscité par le 30 août 2023. Le Gabon, meurtri par la fraude et le discrédit, a besoin que son président parle et agisse avec fermeté. En restant au-dessus des querelles partisanes, Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA doit rappeler que la légitimité ne s’achète pas dans les urnes truquées mais se construit dans la vérité, la justice et la confiance. L’histoire retiendra sa capacité à redonner au peuple gabonais sa voix confisquée.

Docteur Emmanuel Thierry KOUMBA, Enseignant à l’UOB et à EM-Gabon.

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