Africa-Press – Gabon. Les chiffres qu’il faut avoir sur les migrants au Gabon… Dans la foulée de la controverse sur l’immigration, générée par les conclusions du Dialogue national inclusif (DNI) d’avril dernier, une enquête relativement récente de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) jette une nouvelle lumière sur la réalité de la présence étrangère dans le pays. Entre mythes et réalités, ce rapport chiffré déconstruit les idées reçues et interroge la pertinence des mesures envisagées par les délégués au DNI. Plongée dans les données qui révèlent le vrai visage de l’immigration au Gabon.
Dans un contexte post Dialogue national inclusif où l’immigration a cristallisé les débats politiques au Gabon, il est crucial d’examiner les données factuelles pour dresser un portrait objectif de la situation. Une enquête menée en décembre 2023 par l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) offre un précieux éclairage sur le profil et les conditions de vie des migrants dans le pays, bien qu’il se concentre principalement sur les migrants originaires d’Afrique de l’Ouest et centrale, tels que les Maliens, les Camerounais et les Béninois, qui représentent une part significative des migrants au Gabon.
Profil démographique et répartition géographique
Contrairement aux idées reçues d’une immigration massive, le Gabon compte une population totale de 1,8 million d’habitants (chiffe de l’OMI), dont une fraction constituée de migrants. Ceux-ci représentent environ 5% de la population totale du Gabon. Parmi ces derniers, l’étude de l’OIM révèle une nette prédominance masculine: 81% sont des hommes, essentiellement âgés de 30 à 39 ans (34%).
La diversité de leurs origines est notable, avec une prépondérance de ressortissants d’Afrique de l’Ouest et centrale. Les Maliens représentent 22% des migrants, suivis de près par les Camerounais (20%) et les Béninois (12%). Une répartition qui reflète les liens historiques et économiques du Gabon avec ses voisins régionaux.
L’enquête met également en lumière la concentration géographique des migrants. Grâce à son aéroport international et ses ports, Libreville, la capitale, accueille la majorité d’entre eux avec 58% de la population migrante. Bitam, située au nord pays et proche du Cameroun et de la Guinée Équatoriale, est le deuxième point d’entrée et de résidence majeur. La ville septentrionale regroupe 34% des migrants. Les 8% restants sont répartis dans d’autres localités du pays, soulignant une distribution inégale qui se concentre principalement dans les zones urbaines et frontalières.
Le rapport semble cependant avoir omis la ville de Cocobeach dans l’Estuaire et les villes frontalières du Haut-Ogooué avec le Congo-Brazzaville. Il y a, par ailleurs, qu’environ 8% des migrants ont déclaré avoir voyagé sans documents valides et qu’ils sont souvent confrontés à des procédures administratives longues et coûteuses. Ils optent fréquemment, de ce fait, pour des passeurs pour organiser leur voyage, utilisant des moyens de transport précaires et risquant leur vie pour atteindre le Gabon.
Immigration peu qualifiée ?
L’enquête de l’OMI brise, par ailleurs, le mythe d’une immigration peu qualifiée. 75% des migrants ont été scolarisés. Plus précisément, 27% des hommes ont atteint le niveau collège et 17% le niveau primaire. Chez les femmes, on observe une surreprésentation dans l’enseignement supérieur (15%) et au lycée (26%), suggérant un potentiel de contribution intellectuelle non négligeable.
L’OIM met en lumière les raisons de cette immigration: 65% des migrants sont venus au Gabon en quête de meilleures conditions de vie économiques. Ce chiffre corrobore le profil majoritaire d’hommes en âge de travailler et souligne la perception du Gabon comme un eldorado économique régional.
Malgré les défis que doivent relever les migrants, leur intégration semble globalement réussie: 94% se déclarent bien intégrés, et 71% estiment que leur qualité de vie s’est améliorée depuis leur arrivée. Ces chiffres contrastent avec la rhétorique d’une menace migratoire et suggèrent plutôt une cohabitation largement pacifique.
Intégration, défis et souveraineté: une analyse factuelle
Loin d’être un phénomène récent ou incontrôlé, 77% des migrants résident au Gabon depuis plus de quatre ans. Plus révélateur encore, 91% possèdent des documents de voyage valides, attestant d’une immigration majoritairement légale et régulière.
Malgré ces aspects positifs, l’enquête révèle des difficultés d’insertion professionnelle. Avant leur arrivée, 59% des migrants étaient des travailleurs indépendants, 14% des employés et 13% des étudiants. Au Gabon, beaucoup se retrouvent dans des emplois précaires ou au chômage, soulignant un déclassement professionnel préoccupant.
À la lumière de ces données qui n’ont pas abordé les aspects liés à la délinquance et au banditisme consécutifs d’une frange non négligeable d’immigrants sans qualification ni éducation, l’idée d’une menace migratoire sur la souveraineté gabonaise apparaît largement infondée. Plusieurs éléments étayent cette analyse. La proportion de migrants dans la population totale, bien que non précisée exactement (5% environ), semble modérée au vu des chiffres disponibles.
L’immigration est majoritairement légale (91% de documents valides) et de longue durée (77% présents depuis plus de 4 ans), suggérant un processus contrôlé.
Le haut niveau d’intégration déclaré (94%) indique une cohabitation harmonieuse plutôt qu’une menace sociétale.
Les difficultés d’insertion professionnelle des migrants limitent leur accès à des postes sensibles ou d’influence.
La diversité des origines (pas de groupe dominant à plus de 22%) réduit le risque d’une influence étrangère prépondérante.
L’analyse des données de l’OIM dresse ainsi un portrait nuancé de l’immigration au Gabon, loin des clichés alarmistes. Si des défis d’intégration économique persistent, rien ne permet d’affirmer que les migrants constituent une menace pour la souveraineté nationale. Les récentes recommandations du Dialogue national inclusif, telles que l’interdiction de nommer des étrangers à des postes sensibles, semblent donc disproportionnées au regard des faits. Elles reflètent davantage des perceptions que la réalité chiffrée de l’immigration au Gabon.
Pour l’avenir, une politique migratoire équilibrée, basée sur des données empiriques régulièrement actualisées, permettrait au Gabon de tirer pleinement parti du potentiel de sa population migrante tout en adressant les défis réels d’intégration économique.
Lire l’intégralité du Rapport de l’OMI.
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