Loi sur les Partis Politiques: une Démocratie sous ContrôLe

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Loi sur les Partis Politiques: une Démocratie sous ContrôLe
Loi sur les Partis Politiques: une Démocratie sous ContrôLe

Africa-Press – Gabon. Aucun démocrate ne peut se satisfaire de la prolifération de partis politiques sans ancrage dans la société. Mais, un péril encore plus grand menace désormais notre démocratie: le recul du pluralisme politique et l’atonie du débat public.

Aucun démocrate ne peut se satisfaire de la prolifération de partis politiques sans ancrage dans la société. Sous le régime déchu, l’opposition n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer les manœuvres de la majorité d’alors. Appuyé par des institutions à sa solde et acquises à la logique du «Diviser pour mieux régner», le Parti démocratique gabonais (PDG) n’avait de cesse de créer ou attiser des conflits afin d’affaiblir ses adversaires. En mars 2023, les principales forces de l’opposition en firent l’expérience, chacune d’elles ayant été secouée par une crise interne, très vite qualifiée de scission par une administration prompte à offrir un statut aux dissidents sous des appellations de nature à semer la confusion. Ainsi, à côté de l’Union nationale (UN), du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM) et de Les Démocrates (LD), naquirent l’Union nationale initiale (UNI), le Rassemblement héritage et modernité (RHM) et Les Démocrates libres (LDL).

Prime aux praticiens du péculat

Pour mettre un terme à de telles pratiques, faut-il modifier la loi en vigueur? Pour assainir le jeu politique, faut-il durcir les conditions de création ou de reconnaissance? Adopté mardi dernier par l’Assemblée nationale, le texte transmis au Sénat répond-il à cette exigence? À en croire certaines indiscrétions, on peut en douter. On peut même avoir le sentiment d’une grave atteinte à la liberté d’association, si essentielle au fonctionnement de la démocratie et à l’éclosion de cette «culture de citoyenneté responsable» naguère vantée par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Cherchant à plaire et non à faire leur travail, les députés ont gravé dans le marbre les lubies du Dialogue national inclusif (DNI). Ce faisant, ils ont accouché d’une loi à la fois inefficace, difficilement applicable et attentatoire à une liberté fondamentale.

Pourquoi donner à cette loi un caractère rétroactif? N’est-ce pas une manière de nier l’histoire et minimiser les souffrances endurées tout au long de 35 dernières années? N’eût-il pas été plus honnête de proclamer la dissolution pure et simple des partis politiques? Dans un pays où le fichier d’état-civil n’offre aucune garantie de fiabilité, pourquoi exiger 12. 000 adhérents avec numéros d’identification personnel (NIP)? Est-ce une manière détournée de soumettre la population au flicage ou de domestiquer le personnel politique? Plus prosaïquement et comme le dit le député de la Transition Jean Valentin Léyama, «quels sont les partis qui ont aujourd’hui les moyens (de parcourir le pays pour recueillir ces 12. 000 signatures)»? Ségrégation par l’argent ou prime aux praticiens du péculat? On voudrait réduire le jeu politique à une compétition entre anciens et actuels détenteurs du pouvoir d’Etat, on ne ferait pas autrement.

Loi politicienne

Plus curieux et moins pertinent est le saucissonnage de la classe politique. Si le distinguo entre parti politique et «parti politique représentatif» peut se comprendre, les critères énoncés semblent douteux. Élection majeure par excellence, la présidentielle n’est nullement prise en compte dans cette définition. Pourquoi demander aux partis d’avoir impérativement des élus si le premier d’entre eux, à savoir le président de la République, n’est pas pris en compte? Ne fallait-il pas se limiter à l’exigence de participation? Après tout, selon la Constitution, les partis politiques ont une seule et unique mission: concourir à l’expression du suffrage universel. Autrement dit, ils ont l’obligation de participer aux élections soit en présentant soit en soutenant des candidats. Cette option a, du reste, prévalu lors de la présidentielle du 12 avril dernier, la plupart des partis ayant choisi de soutenir la candidature de Brice Clotaire Oligui Nguéma. Doit-on les blâmer? Nul n’aurait l’outrecuidance de le faire.

Contrairement aux sous-entendus de cette loi d’essence politicienne, les partis politiques ne sont ni des institutions de la République ni des instruments d’exercice du pouvoir. Leur rôle premier n’est ni de conquérir le pouvoir ni de servir de béquille ou de relais aux détenteurs du pouvoir d’Etat, mais de permettre aux citoyens de s’identifier à des courants de pensée, choisir leurs représentants et faire entendre leurs voix. De ce point de vue, ils doivent contribuer à la mobilisation des citoyens et à la formation de l’opinion publique. Si leur prolifération peut paraître préjudiciable, un péril encore plus grand menace désormais notre démocratie: la réduction drastique de leur nombre, synonyme de recul du pluralisme politique voire d’atonie du débat public.

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