Africa-Press – Gabon. Le Gabon replonge-t-il dans le culte de la personnalité du chef ? C’est la question que pose un RFI. Trois mois après le putsch, l’aura de «libérateur» de Brice Oligui Nguema, le général qui a déboulonné le clan Bongo, lui vaut déjà les louanges appuyées de certains responsables de la transition, qui n’hésitent pas à le sacrer «messie». Un culte de la personnalité qui rappelle furieusement les heures sombres de la dictature d’Ali Bongo et fait craindre un retour en arrière démocratique. Derrière l’image lisse du sauveur en treillis, le Gabon replonge-t-il dans ses démons du passé ?
Trois mois après la chute du clan Bongo, l’euphorie des lendemains qui chantent se dissipe peu à peu au Gabon. Sous la houlette du général Brice Oligui Nguema, chef de la transition, le pays devait renouer avec ses rêves de démocratie. Las, la lune de miel avec celui que certains opposants avaient salué en «libérateur» semble toucher à sa fin. Car derrière les ors de la «révolution pacifique» couve un populisme rampant qui rappelle les heures les plus sombres du règne d’Ali Bongo.
Sur les ondes de RFI, des responsables de la junte n’ont ainsi pas hésité à encenser leur leader du titre ambigu de «messie».
Jean-François Ndongou. Laurence Ndong
Invité en effet sur RFI le 30 novembre, le président de l’Assemblée nationale de transition, Jean-François Ndongou, a été amené à réagir aux propos tenus une semaine auparavant par la ministre de la Communication, Laurence Ndong. Selon cette dernière «beaucoup de Gabonais considèrent le général Brice Oligui Nguema comme un messie, comme un bienfaiteur», ajoutant qu’elle souhaitait le voir candidat à la présidentielle de 2025.
Jean-François Ndongou a pleinement validé cette analyse. «Oui, le président Oligui Nguema est notre messie puisqu’il a procédé à un changement de régime sans effusion de sang», a-t-il déclaré. Un putsch accueilli par des scènes de liesse populaire, preuve s’il en fallait une de son caractère «providentiel» aux yeux des Gabonais. «Donc, c’est un messie. Sans effusion de sang, c’est quelque chose de remarquable», a expliqué président de l’Assemblée nationale de transition.
Jean-Valentin Leyama: indignation et holà !
Un qualificatif lourd de sens dans un pays meurtri par des décennies de culte du chef sous la coupe des Bongo. «Ce qui se manifeste aujourd’hui, c’est quoi ? C’est une déification de ce compatriote, pratiquement un culte excessif de la personnalité», s’alarme Jean-Valentin Leyama, député d’opposition interviewé par François Mazet sur RFI.
Car si «l’armée a pris ses responsabilités avec ses pairs» pour destituer l’ancien président, elle ne saurait accaparer seule les fruits de la révolution aux dépens des acteurs civils. «Le général est là, il a fait son devoir (…). Mais on doit savoir raison garder», tempère l’élu.
Derrière cette mise en garde perce la crainte de voir l’histoire bégayer et basculer dans «la même euphorie laudatrice» qui prévalait naguère envers Ali Bongo. Au risque de ramener le Gabon à la case départ. Dans ce contexte incertain, la personnification du pouvoir autour de la silhouette martiale d’Oligui Nguema sonne comme un dangereux recul démocratique. Un revival du messianisme tropical qui rappelle, s’il en était besoin, à quel point le chemin vers une vraie rupture avec le passé est encore long au Gabon.
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