Africa-Press – Gabon. En s’arc-boutant contre les dispositions de la loi organique n° 004/2018 du 30 juillet 2018, certains raisonnent comme si le 30 août n’a jamais eu lieu ou comme si le CTRI était revenu sur sa décision de dissoudre «toutes les institutions».
Sous nos yeux, une grossière mystification s’organise au sujet de la Cour constitutionnelle de la Transition. Avec un rare culot, certains tentent de l’assimiler à la Cour constitutionnelle dissoute le 30 août 2023. Pourtant, l’une fut établie conformément à la Constitution du 26 mars 1991, l’autre l’a été en vertu des dispositions de l’ordonnance n° 0003/PT/2023 du 2 septembre 2023 portant Charte de la Transition. Marie-Madeleine Mborantsuo «présidente honoraire de la Cour constitutionnelle» ? Cette institution a-t-elle été réhabilitée ? Quand, par qui et par quel mécanisme ? N’ayant jamais été membre de la Cour constitutionnelle de la Transition, peut-elle en devenir la figure tutélaire voire la conscience morale ? Dans l’opinion, ces questions nourrissent la polémique.
Une la loi organique inopérante
Certes, l’article 15 b-3 de la loi organique n° 004/2018 du 30 juillet 2018 dispose: «Les anciens membres et les anciens présidents de la Cour constitutionnelle dont la notoriété est reconnue par leurs pairs ou par les autorités de nomination sont membres et présidents honoraires de la Cour constitutionnelle». Mais, la Cour constitutionnelle n’est pas la Cour constitutionnelle de la Transition. Ses anciens membres ne sont pas les «pairs» des juges constitutionnels en poste. Ni les modalités de leur désignation ni la durée de leurs mandats ne permettent d’assimiler les uns aux autres. Sauf à militer pour une gouvernance à la carte, on ne peut convoquer certaines dispositions de la loi et nier d’autres. Les exégèses de l’article 15 avaient-ils appelé au respect de l’article 4 au moment où le président de la Transition nommait les neuf membres ? Avaient-ils demandé le partage de cette prérogative avec les présidents des deux chambres du Parlement ? Peuvent-ils dire si les membres de la Cour constitutionnelle de la Transition ont un mandat «de sept ans renouvelable», comme leurs «pairs» supposés ?
Même avec toute la mauvaise foi du monde, on ne peut ne pas l’admettre: dans le contexte particulier actuel, la loi organique n° 004/2018 du 30 juillet 2018 est inopérante. Même si la Charte de la Transition est muette sur cette question, la Cour constitutionnelle de la Transition est une institution ad hoc et temporaire, sa durée de vie étant liée à celle de la Transition. Ses membres doivent bénéficier d’un statut, d’attributs et avantages adaptés. Sous aucun prétexte, ils ne peuvent être assimilés aux anciens membres de la Cour constitutionnelle dissoute ni tenus pour leurs «pairs». Le faire reviendrait à considérer la première sortie publique du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) comme nulle et de nul effet. Au-delà, cela équivaudrait à nier les effets du coup d’État et à instiller l’idée d’une collusion entre le CTRI et les tenants de l’ordre ancien.
Raisonnements spécieux
En s’arc-boutant contre les dispositions de la loi organique relative à la Cour constitutionnelle, les proches de Marie-Madeleine Mborantsuo raisonnent comme si la Cour constitutionnelle de la Transition a été établie en vertu de ce texte. Au-delà, ils font comme si le 30 août n’a jamais eu lieu ou comme si le CTRI était revenu sur sa décision de dissoudre «toutes les institutions», notamment la Cour constitutionnelle. Que demanderont-ils ensuite ? «Une dotation en moyens roulants prise en charge par le budget général de l’État» pour chacun des anciens membres de la Cour constitutionnelle dissoute ? «Une contribution aux frais de voyage, deux (2) fois par an, à l’extérieur du territoire gabonais» à leur bénéfice ? Ou carrément un statut d’ancien chef de l’État pour Ali Bongo ? Sans recourir à l’argument de la pente fatale, il faut savoir faire la part des choses.
Face à ces raisonnements spécieux, et à cette propension à présenter les organes de la Transition comme des prolongements des institutions dissoutes, les craintes d’un dévoiement du processus en cours se font entendre. L’élévation de Marie-Madeleine Mborantsuo à la dignité de «présidente honoraire de la Cour constitutionnelle» et les amalgames volontairement servis par ses proches ont achevé d’installer le doute. S’il ne veut pas le laisser s’ancrer, au risque de se couper du peuple, le CTRI doit réitérer ses engagements de départ. Autrement dit, il doit confirmer la dissolution des institutions du régime déchu et établir le distinguo entre elles et les organes de la Transition. Cette clarification semble être l’urgence du moment.
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