Radiographie Du Gabon À L’Orée Des Élections Couplées

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Radiographie Du Gabon À L'Orée Des Élections Couplées
Radiographie Du Gabon À L'Orée Des Élections Couplées

Africa-Press – Gabon. Un pays obsédé par les questions identitaires. Un peuple en apparence acquis à la débrouillardise comme voie de réalisation individuelle.

Quel est l’état du pays? Comme en juin 2023, nous nous sommes essayés à une radioscopie du Gabon. A la veille des prochaines élections couplées (législatives et locales), nous avons échangé avec des gens d’horizons divers, partout et en tout lieu, sur tous les sujets. Nous avons scrollé, beaucoup et sur toutes les plateformes numériques. Nous avons recueilli puis consigné des témoignages, avis et impressions. Nous les avons croisés. Bien entendu, nous avons confronté cela à notre propre vécu, au cadre juridique et institutionnel et à certaines données. En dépit d’un apparent consensus national, nous avons perçu un pays naviguant en eaux troubles, obsédé par les questions identitaires. Nonobstant le concert de panégyriques, nous avons senti un peuple résigné, en apparence acquis à la débrouillardise comme voie de réalisation individuelle.

À première vue

Loin de tout pessimisme, il faut dire les choses comme elles sont: si la construction d’une nation semble être une ambition partagée, cet objectif peut encore être détourné ou perverti. Comme l’affirme l’universitaire Marc Mvé Békalé, «échaudé par les dérives du régime déchu (le peuple gabonais) est désormais mû par un nationalisme décomplexé». Par un «mécanisme d’auto-absolution», «les Gabonais dits de souche (…) cherchent des bouc-émissaires», soupçonnant leurs «concitoyens venus d’ailleurs ou mariés à de mauvaises personnes» d’être «engagés dans un grand complot». Sans en mesurer la résonance, d’aucuns reprennent la rhétorique de l’extrême-droite française. Forgé par Léon Mba, entendu à l’origine comme une invite à prioriser le Gabon, «Gabon d’abord» est devenu le pendant local de cette «préférence nationale» si chère à Jean-Marie Le Pen. De même, un binational n’est plus une personne disposant de deux passeports peu importe ses origines, mais un citoyen d’ascendance étrangère même quand il a un seul passeport. Du coup, de nombreux compatriotes sont renvoyés aux origines de leurs parents puis sommés d’aller exercer leurs talents dans leurs «pays de rechange».

Des approximations de même acabit sous-tendent la compréhension du jeu politique. À la veille des premières législatives organisées sous l’empire de la nouvelle Constitution, nul n’en cerne l’enjeu. Est-il politique, juridique ou institutionnel? Le président de la République a-t-il besoin d’une majorité quand la loi lui offre des mécanismes pour faire passer les lois, y compris contre l’avis du Parlement? Serait-il plus à l’aise avec une majorité monolithique, issue d’un seul parti, ou avec une autre, constituée autour de lui par diverses forces et consacrée par un accord politique? La composition du futur gouvernement reflètera-t-elle celle du Parlement ou sera-t-elle fonction de la perception du président de la République À ces questions, chacun apporte ses réponses, quitte à raisonner comme si notre pays est toujours sous un régime semi-présidentiel à la française ou à tenter des parallèles avec le régime présidentiel à l’américaine. N’empêche, à première vue, les élections à venir suscitent un réel engouement.

Les Gabonais dissimulent leur mal-être

Ce clair-obscur transparait aussi de l’appréciation de la réalité sociale. Visiblement exténués par l’absence d’eau courante, les coupures d’électricité et la cherté de la vie, les Gabonais dissimulent leur mal-être. «Le pays est en chantier», «on ne peut pas tout faire en deux ans», affirment-ils comme pour éluder le débat sur la pertinence des chantiers en cours. Durant les déguerpissements de juillet dernier, ils se montraient volontiers cyniques: «Les villages sont vides», «faut supporter: c’est le développement», lançaient-ils aux victimes, comme si les citoyens doivent subir sans mot dire. Depuis quelques semaines, ils se disent prêts à s’investir dans toute sorte d’activité. Est-ce le signe d’une volonté de se «réapproprier» l’économie ou l’expression d’une résignation?

Ne nous racontons pas de bobard: le secteur informel ne peut former l’ossature d’une économie et, les petits métiers n’ont jamais permis l’émancipation des peuples. La frénésie des Gabonais résulte-t-elle d’une adhésion? Ou d’une volonté de dissimuler le découplage entre leurs attentes et l’offre des gouvernants? Ou même d’une réaction primesautière, dirigée contre certains immigrés, accusés de faire indûment fortune dans «le pays où coulent le lait et le miel? Sauf à ne pas vouloir aller au fond des choses, il faut se poser les bonnes questions. Pour notre part, nous avons essayé de jeter un regard froid et lucide sur le pays, à la veille d’une double campagne déjà qualifiée d’inédite.

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