Africa-Press – Gabon. Suite à l’écrasante victoire de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB), notre démocratie se retrouve confronté à un risque majeur: la défiance populaire vis-à-vis des institutions et des détenteurs de l’autorité publique.
103 sièges de député sur les 145 à pourvoir. 103 conseils locaux sur 122, laissant entrevoir une mainmise sur le futur Sénat. Au lendemain des élections couplées, le secrétaire général de l’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) a dressé un bilan d’étape. Anticipant le parallèle avec les chambres introuvables des 12ème et 13ème législature, il a indiqué une ambition nouvelle à la prochaine majorité parlementaire: se poser en «force de proposition». Comme s’il découvrait les potentiels effets pervers de cette victoire écrasante, il a dit avoir pris la mesure de «la charge qui est la (leur) à ce tournant particulier de l’histoire». Comme s’il cherchait à consoler les autres soutiens du président de la République, il a exhorté les siens à faire montre d’«esprit d’ouverture afin de fédérer toutes les forces progressistes». Comme s’il voulait rassurer les populations, il a invité les élus de son parti à devenir leurs «interlocuteurs privilégiés».
Fuite en avant
Eu égard au déroulement de ces élections et compte tenu des récriminations entendues jusque dans ses propres rangs, l’UDB est déjà condamnée à se réinventer. Revendiquant un lien ombilical avec le président de la République, elle est certes en position de force, mais se retrouve assimilée au Parti démocratique gabonais (PDG). Une chiffre légitime ce parallèle: sur les 103 personnalités déjà élues député, 95 sont des transfuges du PDG. En clair, dans la prochaine Assemblée nationale, le groupe dominant sera, à plus de 90%, composé d’anciens affidés d’Ali Bongo. Pis, fort de sa moisson électorale, le PDG y sera la deuxième force. Comme un air de surplace voire de recul. Evidemment, une telle conjoncture expose l’UDB aux accusations et dénonciations entendues sous le régime déchu. Quant à notre démocratie, elle se retrouve confronté à un risque majeur: la défiance populaire vis-à-vis des institutions et des détenteurs de l’autorité publique.
Pour conjurer cette menace, Mays Mouissi semble miser sur le travail. À l’entendre, la confiance naîtra des résultats sur le front économique ou social. Venant d’une personnalité naguère présentée comme un ardent défenseur des principes démocratiques, cette lecture ressemble à une fuite en avant. Pourquoi les règles relatives à l’exécution budgétaire, à la commande publique ou la redistribution de la richesse seraient-elles scrupuleusement respectées quand celles régissant les élections ont été superbement foulées au pied? Comment des personnalités acquises au vote mécanique peuvent-elles subitement se muer en «force de proposition»? S’étant, pour la plupart, présentés comme des relais du président de la République, les nouveaux élus ont, durant la campagne, décliné une seule ambition: être en osmose avec lui. «Le président m’a dit qu’il veut son député» a, du reste, en substance révélé le secrétaire général adjoint chargé de la stratégie et de l’idéologie à l’UDB. Eloquent à souhait…
Ajustements politiques et institutionnels
Par ailleurs, les états de service et parcours de nombreux élus laissent dubitatif quant à leur capacité à impulser le renouveau voire à faire le job. Comment évaluer les politiques publiques quand on multiplie les déclarations d’allégeance au chef de l’exécutif? Comment contrôler l’action du gouvernement quand affirme être le porte-voix de son chef? Comment consentir l’impôt si on ne peut comprendre le contenu d’une loi de finances? Comment appréhender des lois sectorielles et y apporter des amendements quand on affiche son mépris pour le savoir au nom d’un prétendu ancrage sur le terrain? Au-delà de la nature, de l’ampleur et de la qualité du débat, de nombreuses questions subsistent, notamment à propos de l’articulation des relations entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. Même en qualité de parlementaire, des militants UDB peuvent-ils critiquer un texte de loi transmis par le président-fondateur de leur parti?
Ces questions suggèrent une réalité: entre une chambre introuvable et un régime politique inconnu des constitutionnalistes, il y a urgence à procéder à des ajustements politiques et institutionnels. Or, sur ce point précis, le secrétaire général de l’UDB s’est montré peu disert, se contentant de lieux communs. Pourtant, des pistes de réflexion existent, nombreuses. Lors de la mise en place du nouveau Parlement, l’opinion sera très attentive à la composition des bureaux et des commissions permanentes. Elle le sera davantage au moment du redéploiement des forces ayant soutenu la candidature de Brice-Clotaire Oligui Nguema à la présidence de la République. Ne pas ressembler au PDG c’est d’abord rompre avec ses pratiques. C’est surtout avoir le courage de faire différemment et de ne reproduire ni les mêmes erreurs ni les mêmes fautes.
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