Africa-Press – Gabon. Comme l’attitude des militants du Parti démocratique gabonais (PDG), l’audience accordée aux «femmes de Ngouoni» par la «distinguée première dame de la Transition» ravive des souvenirs douloureux.
Dans un pays traumatisé par un règne interminable de plus de 50 ans et davantage par 14 ans de gouvernance hérétique, l’attitude des chantres du régime déchu réveille les fantômes du passé. En cette période d’exception, ils se refusent à toute remise en cause, cherchant absolument à continuer comme avant. Au gouvernement, ils étalent leur incurie, comme en attestent la récente prestation télévisée du ministre de la Fonction publique ou les notes truffées de fautes diffusées par la ministre de l’Éducation nationale. Au Parlement, ils brillent par leur hégémonisme, comme en témoigne la présence de deux d’entre eux à la tête des commissions des lois. Dans la haute administration, il se singularisent par leur je-m’en-foutisme, comme le prouve l’absence au poste du directeur général de la Concurrence et de la consommation. Dans la vie de tous les jours, ils se distinguent par des initiatives visant à flatter l’égo du président de la Transition ou de son épouse.
Des pratiques d’un autre âge
De par leur absence de rigueur, leur infatuation, leur inconséquence et leur esprit de cour, les affidés d’Ali Bongo ravivent des souvenirs douloureux, faisant craindre le pire. On doit, certes, leur reconnaître le droit de participer à la vie publique. Mais on doit, tout autant, les inviter à reprogrammer leur logiciel et à reconsidérer leurs schèmes de pensées. Entre essentialisme, primauté des liens familiaux, repli identitaire et invention de notions inconnues des textes, l’audience récemment accordée aux «femmes de Ngouoni» par la «distinguée première dame de la Transition» doit inciter à tirer la sonnette d’alarme. Comme le dit Etienne Francky Meba Ondo, vice-président de Réagir, il faut mettre le holà à ce «néo-kounabélisme» galopant, cet «enfantillage permanent de l’esprit qui nourrit le culte de la personnalité en lieu et place du culte des institutions fortes». Autrement, ce serait la porte ouverte à toutes dérives, y compris l’imposture, l’usurpation de titre et l’accaparement des pouvoirs.
Jusque-là portée par un fort élan populaire, la Transition est aujourd’hui menacée par des pratiques d’un autre âge. Soutenu par une large frange de la population, son président pourrait être entraîné dans les abysses du désaveu par une parentèle peu respectueuse des principes républicains et des amis pas du tout à la hauteur des enjeux. Ayant accusé Sylvia Bongo d’avoir «gaspillé le pouvoir» de son prédécesseur en faisant «usage de faux» et en donnant «des ordres à sa place», Brice Clotaire Oligui Nguéma ne peut laisser son épouse se draper du fumeux titre de «Première dame de la Transition». Il ne peut s’accommoder de gens lui exprimant leur volonté de l’accompagner dans la restauration des institutions. N’en déplaise aux «femmes de Ngouoni», Zita Oligui Nguéma n’est ni une institution de la Transition ni un membre du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI). Au nom de quoi et en quelle qualité lui feraient-elles des «propositions» ?
Mélange des genres
Dans son tout premier communiqué, le CTRI avait dénoncé une «gouvernance irresponsable, imprévisible», s’engageant à protéger les institutions. Dans le mémorandum sur la Transition, la présidence de la République avait pointé les dérives vers un «Etat de non-droit caractérisé par (…) le mépris des principes démocratiques». Quelques semaines plus loin, les agissements de certains dépositaires de l’autorité publique font craindre une restauration de l’ordre ancien. Pis, les initiatives de la parentèle du président de la Transition rappellent celles des proches d’Ali Bongo. Fussent-ils des citoyens comme les autres, jouissant de leurs droits civils et politiques, les militants du Parti démocratique gabonais (PDG) doivent l’admettre : le coup d’État du 30 août n’était pas seulement dirigé contre Ali Bongo, mais aussi contre une certaine manière de faire. Fussent-elles «battantes, dynamiques et volontaires», les «femmes de Ngouoni» doivent le comprendre : leur «sœur et belle-sœur» n’a aucune responsabilité dans la restauration des institutions.
Ali Bongo n’a pas échoué parce que personne ne lui apportait des idées ou parce qu’il manquait de volonté. Sa famille ne s’est pas crue au-dessus de la loi parce qu’elle n’avait pas de soutien. Son épouse ne s’est pas sentie investie de l’autorité publique parce qu’elle ne pouvait compter sur personne. Tout ceci a été rendu possible par la combinaison de quatre éléments : avidité sans limite de leurs proches, mélange des genres, banalisation des principes républicains et immixtion de la famille dans le jeu politique. Pour donner à la Transition des chances de réussite, il faut nécessairement éviter de retomber dans de tels errements. Au-delà, il faut se montrer intransigeant avec les initiateurs d’opérations de cette nature.
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