Africa-Press – Gabon. Els Hertogen, directrice de 11.11.11Milan Augustijns, journaliste sportif, Hans Vandeweghe, journaliste sportif et Thijs Zonneveld, journaliste sportif et cycliste, expriment leur inquiétude et leur indignation face à la participation de la Belgique aux Championnats du monde de cyclisme au Rwanda.
Le cyclisme belge envoie des cyclistes belges au Rwanda cet automne. Un championnat du monde de cyclisme sur route au Rwanda, tandis que des corps tombent à terre dans l’est du Congo, que des gens se cachent et que des familles vivent dans une peur bleue? Alors que ce même Rwanda a rompu toutes ses relations diplomatiques avec la Belgique et expulse des défenseurs des droits humains? C’est une déclaration. Un hochement de tête, une approbation silencieuse.
Quiconque suit ce conflit depuis un certain temps sait comment se joue le jeu. Les rebelles du M23 avancent, armes rwandaises à la main et ordres rwandais à l’oreille. Des villes comme Goma et Bukavu sont sous le choc des violences, et les gens fuient et meurent.
Certes, des pourparlers de paix ont eu lieu – un signe d’espoir prudent après trente ans de guerre. Mais cela n’efface ni les crimes ni la violence. L’impunité ne doit jamais être la solution.
Les rapports faisant état de torture dans des centres de détention non officiels, d’exécutions extrajudiciaires dans les rues et de persécutions contre les militants congolais sont rares dans les médias étrangers. Il ne s’agit pas d’un vague problème géopolitique ni d’une zone grise, mais d’une guerre dont les auteurs, les commanditaires et les millions de victimes sont clairement identifiés.
Le Parlement européen a appelé à juste titre à des sanctions et à l’annulation de la Coupe du monde. Les députés belges ont pris l’initiative, un signal fort. Le Parlement fédéral a également suivi à l’unanimité. Le ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a plaidé pour des sanctions coordonnées. Mais sans action de la Commission européenne, peu de choses changeront. La Commission condamne la violence, mais conclut en même temps des accords avec le Rwanda. Cette hypocrisie est effroyable. Pendant ce temps, à Kigali, on pavage des routes et on accroche des banderoles, financées par le butin de guerre et le prix du sang.
Après l’invasion de l’Ukraine, la Russie est devenue un paria dans le monde du sport. Pas de drapeau olympique, pas de tournois. Même la fédération cycliste n’a pas cédé à Poutine. Mais à Kigali, les drapeaux sont autorisés à flotter. Le Rwanda finance et arme un groupe rebelle qui sème la terreur dans un pays voisin, et pourtant, il est récompensé par un Championnat du monde. Deux poids, deux mesures.
Le sport n’est jamais apolitique. Le président rwandais Paul Kagame le sait mieux que quiconque. Il utilise le sport comme une mascarade. Une Coupe du monde à Kigali, « Visitez le Rwanda » sur les maillots de football européens, un projet de course de Formule 1: tout est soigneusement mis en scène. Non pas pour plaire aux supporters, mais pour masquer la réalité. Car une image se vend, une réputation peut être édulcorée et les crimes de guerre sont plus facilement dissimulés dans les coulisses d’événements sportifs prestigieux.
En attendant, comment garantir la sécurité des coureurs, du personnel et des spectateurs? Cette question est d’autant plus pressante pour les Belges. En réponse à l’indignation publique belge face aux violences rwandaises, le Rwanda a brutalement rompu toute relation politique avec le pays. Les diplomates belges ont eu 48 heures pour quitter le territoire rwandais. L’ambassade reste fermée à ce jour. Les projets dans les domaines de la santé, de l’agriculture et de la paix ont été interrompus. Que se passe-t-il lorsqu’un journaliste pose la mauvaise question dans un pays qui ne fait plus la distinction entre diplomatie et menace, travailleur humanitaire et ennemi? Ou lorsqu’un athlète voit plus que ce que le régime veut montrer?
Plus tôt cette année, Gert Van Goolen, de Golazo, coorganisateur des Championnats du monde de cyclisme sur route UCI, a rejeté les critiques concernant l’implication belge dans le programme « De afspraak » (Le Rendez-vous). « Nous ne sommes qu’un sous-traitant », a-t-il déclaré. « L’argent vient de l’Union cycliste internationale, pas d’un dictateur. » Pourtant, chacun sait qui a ouvert la voie et qui organise réellement ces Championnats du monde: Kagame. Cette course n’est pas seulement synonyme de sport et de médailles, elle est aussi synonyme de guerre, de répression et de violation de l’humanité.
Le Rwanda n’est pas un simple spectacle dans l’est du Congo. C’est le leader, le coureur qui trace la voie et dicte le rythme. L’ONU a mis à nu les preuves: armes rwandaises, ordres rwandais, soldats rwandais et contrôle rwandais des ressources. Le sol congolais est pillé. Coltan, or, étain: les matières premières qui font tourner notre économie et rendent notre technologie possible. Elles sortent par le Rwanda, les récoltes de leurs origines, échangées comme si elles provenaient d’un pays stable. C’est un secret de polichinelle, mais le commerce continue. Le monde observe et traite avec Kigali comme s’il s’agissait d’une nation commerçante bien organisée.
Les Congolais ne restent pas passifs. Les manifestations démontrent la résistance des citoyens. Ils exigent que la communauté internationale demande des comptes au Rwanda et refuse de donner l’avantage à un régime qui finance le terrorisme. Pourtant, l’UCI, les pays participants et les entreprises jouent le jeu. Ni neutralité, ni naïveté, mais participation à un discours qui encourage la violence.
Les entreprises peuvent encore fixer des limites. L’UCI peut se redresser. Les pays participants peuvent encore choisir. Ce championnat peut et doit être déplacé. Non par gêne diplomatique, mais par obligation morale. Le cyclisme est synonyme de résilience, de combativité et de caractère. Il ne doit pas devenir le décor de la propagande d’un dictateur.
Et l’Europe? Elle doit prendre ses propres paroles au sérieux. Une condamnation sans action est aussi vaine qu’un événement sportif sans spectateurs. La Commission doit démontrer qu’elle est plus qu’un simple spectateur. Le monde s’est élevé contre la Russie. Il est temps de demander des comptes au Rwanda également.
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