La gymnastique empêche-t-elle vraiment de grandir ?

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La gymnastique empêche-t-elle vraiment de grandir ?
La gymnastique empêche-t-elle vraiment de grandir ?

Africa-Press – Gabon. 1,42 mètre: c’est la taille de l’américaine Simone Biles, reine de la gymnastique artistique, alors que les Américaines mesurent en moyenne 1,62 mètre. Sa principale concurrente, la Brésilienne Rebeca Andrade, affiche 1,55 mètre sur la toise. Quant aux gymnastes hommes médaillés aux Jeux de Paris, ces derniers ne dépassent guère 1,70 mètre… La pratique de ce sport à haut niveau pendant l’enfance empêcherait-elle de grandir ? C’est la crainte de nombreux parents et de jeunes pratiquants. « La taille des gymnastes est une inquiétude fréquente de la part des parents, et même un motif de consultation », confirme Stéphanie Nguyen Boussuge, pédiatre et médecin du sport, référente du pôle gymnastique à l’Insep (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance). Celle-ci finit souvent par rassurer ses patients, tout en réalisant des tests si nécessaire pour évaluer la croissance de l’enfant. La petite taille des gymnastes s’explique plutôt par une aptitude naturelle pour ce sport, à laquelle peuvent s’ajouter les effets délétères du haut niveau sur un corps en pleine croissance.

Prédispositions physionomiques

Les gymnastes sont plus petits que la moyenne avant même de débuter le haut niveau et ont des parents plus petits, rapporte une revue de littérature réalisée en 2013 par le comité scientifique de la Fédération Internationale de gymnastique (FIG). Certes, ils effectuent leur puberté plus tard que la moyenne, mais cela reste dans la variabilité observée dans la population générale. Leur taille adulte ne semble pas non plus affectée par la gymnastique à haut niveau, concluent les scientifiques. Au contraire, ces athlètes sont sélectionnés dès l’enfance par les entraîneurs pour leur petit gabarit et leur puberté tardive (à 11 ou 12 ans, certains enfants sont déjà entrés dans cette période, et c’est l’âge où les jeunes sportifs peuvent être sélectionnés pour entre en pôle, structure d’entraînement approuvée par le ministère des Sports). « Les gymnastes sont petites parce qu’elles ont des prédispositions physiologiques à la pratique de ce sport. Plus on est petit et léger, mieux on tourne dans l’espace », résume Véronique Bricout, chercheur à l’Inserm en physiologie de l’exercice physique. Tout comme les basketteurs ou les nageurs ont plus de facilités en étant grands.

Mais attention: les scientifiques de la FIG pointent tout de même du doigt un manque de données sur le long terme. Surtout, les études (centrées sur les variables biologiques) n’ont pas pris en compte d’autres variables affectant la croissance, comme le volume d’entraînement ou le régime alimentaire des gymnastes.

Les sports esthétiques particulièrement à risque

Ce sont précisément ces éléments qui peuvent avoir un impact sur la croissance des jeunes gymnastes, plus que la gymnastique en elle-même. « La pratique de la gymnastique de haut niveau peut entraîner un retard staturo-pondéral [de taille et de poids, NDLR], mais comme tout sport pratiqué en période de croissance de façon intensive, avec un déficit d’apports énergétiques par rapport aux dépenses », explique Stéphanie Nguyen Boussuge.

Selon un rapport de l’Académie de médecine datant de 2018 et consacré aux athlètes féminines, la pratique sportive présente des risques pour la santé dès 20 heures d’entraînement par semaine, surtout dans les sports esthétiques où l’apparence et le poids occupent une place importante. En gymnastique, les filles concourent d’ailleurs en justaucorps échancré, dévoilant leurs formes. La natation synchronisée ou encore la danse sont également concernées, tout comme les sports d’endurance ou à catégorie de poids.

Les apports caloriques des sportifs doivent en effet suffire à couvrir à la fois leurs besoins biologiques – comme la croissance – et leurs dépenses énergétiques. Si, de manière volontaire ou non, ils n’adaptent pas leur alimentation à leurs besoins, leur corps va « mettre en pause » certaines fonctions. Avec à la clé de nombreuses conséquences comme un retard de puberté ou une altération de la santé osseuse – des symptômes référencés par le Comité international olympique. C’est pour cela que, « plus que la taille, nous surveillons la bonne acquisition du capital osseux des gymnastes », détaille Stéphanie Nguyen Boussuge. « Il s’agit d’éviter l’ostéopénie, une diminution de la densité minérale osseuse qui peut provoquer des fractures de fatigue par exemple », poursuit la pédiatre de l’Insep, qui assure que ce type de pathologie reste rare chez les gymnastes. Elle porte également une attention particulière aux signes de troubles du comportement alimentaire.

Un retard souvent rattrapé

La gymnastique est d’autant plus concernée qu’elle se pratique très jeune, dès 6 ans en compétition. En revanche, malgré des données scientifiques manquantes, les garçons semblent être moins à risque car leur pic d’entraînement survient vers la fin de l’adolescence, soit plus tard que chez les filles. Même si depuis peu, de plus en plus de femmes continuent le haut niveau après 20 ans.

Cette conjugaison de facteurs, associés au stress de la pratique et des compétitions, ne fait alors qu’accentuer les prédispositions génétiques des gymnastes. Le retard de croissance et de puberté des adolescentes finit la plupart du temps par se corriger, mais plus tard que la population générale, selon les médecins. « Il existe de rares cas où des traumatismes importants sur le cartilage de croissance, consécutifs à des chutes, peuvent altérer la croissance d’un os. Mais cela n’est pas spécifique à la gymnastique », nuance toutefois Stéphanie Nguyen Boussuge.

La vigilance de l’entourage, notamment concernant les troubles des conduites alimentaires difficiles à détecter, ainsi qu’un suivi médical pluriel sont indispensables à la bonne santé des athlètes, insiste le médecin. Les mutations du sport et des mentalités pourraient également y contribuer. « Il y a depuis une dizaine d’années une évolution de la morphologie des gymnastes. Les acrobaties sont devenues de plus en plus techniques et il faut donc qu’elles aient davantage de puissance musculaire pour mieux se réceptionner », note Véronique Bricout. Si la petite taille reste une caractéristique commune à toutes les gymnastes, les gabarits plus musclés et donc plus lourds se font une place sur les podiums. On est donc loin des clichés véhiculés par les championnes olympiques des années 1980 telle que l’icône Nadia Comăneci… Qui a grandi d’une dizaine de centimètres dans les années ayant suivi son sacre olympique à 14 ans.

Par Anna Lippert

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