Africa-Press – Gabon. Kidnapping d’un homme d’affaires chinois, rançon, fusillade entre services de sécurité et nom d’un frère du président de la post-transition. Ce qui n’était qu’une rumeur des réseaux sociaux était en réalité une onde de choc politique. Les accusations d’enlèvement d’un homme d’affaires chinois, d’abord relayées par des influenceurs réputés pour leurs outrances, trouvent aujourd’hui un écho troublant dans la bouche même du chargé d’affaires de la Chine au Gabon. Derrière ses mots pesés de diplomate, se profile un scandale d’État.
On avait cru à une farce, un canular de réseaux sociaux gonflé par la verve de figures controversées comme Jonas Moulenda, Thibaut Adzatys et la “Princesse de Souba”. Mais la rumeur qu’ils portaient s’est trouvée soudain rattrapée par la diplomatie. À l’issue d’une audience qu’il a eue avec le ministre gabonais des Affaires étrangères, le chargé d’affaires de l’ambassade de Chine au Gabon a pris la parole à la télévision nationale, en fin de semaine écoulée. Dans un ton mesuré, il a lâché cette phrase lourde de sens: «On a aussi parlé d’un incident qui a eu lieu récemment concernant des ressortissants chinois. Je voudrais remercier la partie gabonaise pour ses efforts en vue de protéger la sécurité de nos ressortissants. On espère que ce genre d’incident ne va pas ternir l’image de l’amitié traditionnelle entre la Chine et le Gabon, ni saboter la bonne collaboration entre nos deux pays.»
Une déclaration diplomatique en apparence anodine, mais qui confirme de façon implicite la véracité des allégations jusque-là rejetées comme de simples élucubrations d’activistes.
Une rumeur devenue réalité
Selon plusieurs sources recoupées, un homme d’affaires chinois du nom de Wang a effectivement été enlevé le 29 septembre 2025 à Libreville. L’opération aurait été orchestrée par un colonel surnommé ‘Power’ et présenté comme un membre de la parentèle du président Oligui Nguema.
Rançon exigée, selon les influenceurs-activistes: 1,5 milliard de francs CFA. La victime aurait été séquestrée au sein même de la Direction générale des Services spéciaux (DGSS), unité relevant de la Garde républicaine. À la manœuvre: un lieutenant-colonel présenté comme chef du Groupement de sécurité rapprochée du chef de l’État, assisté de trois sous-officiers: un adjudant-chef, un sergent-chef major et un sergent-chef.
Tirs croisés et désordre dans la maison militaire
Alors que les kidnappeurs s’apprêtaient à récupérer la rançon, la Direction générale des Recherches (DGR) serait intervenue, déclenchant un échange de tirs entre forces supposées alliées. Une scène surréaliste où des unités de la République s’affrontent pour une rançon d’un milliard et demi. Le journaliste-activiste Jonas Moulenda en a montré des photos de fauteuils maculés de sang.
Cet épisode violent, inédit depuis le coup d’État d’août 2023, révèle un dérèglement profond de l’appareil sécuritaire, où des loyautés parallèles semblent désormais dicter l’action des hommes en armes.
Déjà éclaboussé par des accusations de malversations en 2024, l’officier supérieur en question n’a jamais véritablement quitté les cercles d’influence du pouvoir. Officiellement écarté, il aurait néanmoins conservé un réseau solide au sein des forces de sécurité, où loyautés personnelles et intérêts parallèles se confondent. Son ombre plane encore sur plusieurs dossiers sensibles, mêlant abus d’autorité, enrichissement illicite et règlements de comptes internes.
Aujourd’hui, son implication présumée dans le rapt d’un ressortissant étranger confère à l’affaire une dimension inédite: ce n’est plus seulement la dérive d’un homme, mais la mise à nu des fragilités d’un système. Si les faits se confirment, l’«affaire Wang» marquerait une brèche majeure dans la chaîne de commandement et un revers politique sérieux pour le régime post-transition, déjà scruté pour sa promesse de restauration morale et institutionnelle.
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