Le Ravin De L’Enfer Et Les Mosasaures Chasseurs

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Le Ravin De L'Enfer Et Les Mosasaures Chasseurs
Le Ravin De L'Enfer Et Les Mosasaures Chasseurs

Africa-Press – Gabon. Les mosasaures, ces emblématiques reptiles marins de la fin du Crétacé, pouvaient atteindre les 15 mètres de long et étaient équipés de mâchoires garnies d’une double rangée de dents, suffisamment puissantes pour déchiqueter l’équivalent d’une baleine ! De nombreuses espèces sont connues mais jusqu’ici toutes vivaient en eau salée. Cependant, la découverte d’une dent dans la célèbre formation de Hell Creek, dans le Dakota du Nord, change la donne.

Quand la mer devient moins salée

Hell Creek (dont le nom signifie littéralement « ravin de l’enfer ») est célèbre pour le nombre de fossiles de dinosaures qui y ont été mis au jour, dont des spécimens de T.rex bien préservés ou encore le spécimen le plus complet d’hadrosaure jamais retrouvé. La dent qui y a été retrouvée a été mise au jour, en même temps qu’une dent de Tyrannosaurus rex et qu’une mâchoire de crocodilien, dans des dépôts interprétés comme une plaine alluviale associée à un système fluvial, proche d’une vaste mer intérieure et peu profonde qui divisait l’Amérique du Nord en deux. Elle a été analysée par Melanie During, quand elle exerçait à l’Université d’Uppsala (Suède), qui l’attribue au groupe des Prognathodontini, « des mosasaures connus pour se nourrir de poissons et pour être capables de briser des carapaces de tortues », explique-t-elle.

La paléontologue a pu prélever un morceau de cette dent afin d’en faire l’analyse isotopique dont le résultat est publié dans la revue BMC Zoology. Il révèle que les isotopes de l’oxygène, du carbone et du strontium mesurés dans l’émail indiquent un signal clairement compatible avec un environnement d’eau douce. Ces valeurs se rapprochent de celles mesurées chez les crocodiliens et les dinosaures terrestres du même site, et s’éloignent nettement de celles des requins et ammonites provenant des formations marines voisines. La dent ne présente par ailleurs aucune trace de transport ou de remaniement.

Pour confirmer ces résultats surprenants, la chercheuse et son équipe ont analysé deux autres dents de mosasaures légèrement plus anciennes et découvertes sur des sites voisins, elles aussi marquées par des signatures isotopiques d’eau douce. Pour cette dernière, il ne fait plus de doute que des mosasaures ont évolué dans de l’eau douce. Mais ce ne sont pas des animaux intrépides qui s’y sont aventurés, « c’est bien l’environnement autour d’eux, qui est passé de marin à continental, et auquel ils ont su s’adapter ».

Un grand prédateur opportuniste dans un monde instable

Ce basculement écologique s’inscrit dans un contexte bien documenté. À la fin du Crétacé et quelques centaines de milliers d’années avant l’extinction des dinosaures, de l’eau douce continentale a afflué en grande quantité dans la mer intérieure, ce qui a sans doute conduit à la formation « halocline », une couche d’eau douce reposant sur une couche d’eau salée plus dense. Dans ce paysage en recomposition rapide, certains mosasaures auraient exploité des niches comparables à celles des crocodiles marins actuels, capables de fréquenter aussi bien les estuaires que les grands fleuves.

Reste à savoir si cette plasticité écologique était répandue. Pour l’instant, impossible de l’affirmer: « il est difficile d’estimer combien d’autres mosasaures ont été capables de s’adapter à ces conditions environnementales changeantes », reconnaît Melanie During. La présence même de mosasaures dans Hell Creek était inattendue, ce qui incite désormais les chercheurs à réexaminer les collections existantes et à rester attentifs sur le terrain. « Nous espérons que nos collègues travaillant sur Hell Creek garderont un œil ouvert sur d’éventuels restes de mosasaures, qu’ils soient nouvellement découverts ou déjà présents dans les collections ».

La dentition apporte enfin un indice sur le régime alimentaire de ce mosasaure. Elle révèle un signal isotopique compatible avec un régime comprenant du dinosaure au menu ! « Il est possible que ce mosasaure ait aussi consommé occasionnellement de l’hadrosaure ». Hell Creek était effectivement fréquenté par de nombreux Edmontosaurus à l’époque et le prédateur aquatique a pu profiter de quelques cadavres qui flottaient sur l’eau pour agrémenter ses repas.

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