Africa-Press – Gabon. Le média en ligne Gabon Media Time (GMT) est à nouveau dans la tourmente. Dans le viseur d’un membre du gouvernement, il fait face à une menace de fermeture après une plainte déposée auprès de la Haute Autorité de la Communication (HAC). L’affaire, rendue publique le 25 août, fait peser une inquiétude sourde sur la liberté de la presse au Gabon.
Dans un éditorial au ton grave, le rédacteur en chef de GMT, Morel Mondjo Mouega, dénonce des méthodes d’intimidation devenues récurrentes. Contacté par GabonReview, il affirme qu’une plainte a été adressée à la HAC, reprochant au média la publication d’articles ‘’anonymes’’ censés «salir l’image» et «remettre en cause la légitimité» d’un membre du gouvernement.
«Ce n’est pas la première fois que ce ministre saisit la HAC à notre sujet. Et là, malheureusement, nous ne connaissons même pas les motifs exacts de la saisine», a-t-il fustigé.
Le journaliste souligne l’absurdité d’une convocation sans base précise: aucune référence aux articles incriminés, aucune indication claire. «Dans sa saisine, on nous accuse d’avoir rédigé des articles anonymes, ce qui est curieux puisque nous sommes un média parfaitement identifié. On prétend aussi que nous aurions porté atteinte à son image, sans jamais citer un seul texte.» Et de préciser: depuis le départ de cette personnalité du gouvernement, GMT n’a plus publié un seul article la concernant.
Les motifs selon la HAC
Face à cette situation qu’il juge «kafkaïenne», Mondjo Mouega a demandé un report d’audience, étant en mission professionnelle, et attend désormais que les motifs réels soient enfin dévoilés.
La convocation de la HAC, datée du 18 août, évoque en effet clairement des «articles à charge, souvent anonymes, visant à salir l’image ou à remettre en cause la légitimité du plaignant, publiés par Gabon Media Time». S’appuyant sur l’article 39 alinéa 2, l’institution prévoit d’entendre les parties, leurs représentants et «toute personne dont l’audition paraîtrait utile», dans l’espoir de lever le voile sur cette affaire.
Réactions politiques et appel à la protection de la presse
L’affaire a provoqué une onde de choc dans la sphère politique. Le parti Ensemble pour le Gabon (EPG) a réagi dès le 26 août par un communiqué au ton offensif. Exprimant sa «plus vive inquiétude», il interpelle le gouvernement sur ce qu’il qualifie de «dérives totalement inacceptables».
Pour l’EPG, la liberté de la presse n’est pas négociable: elle est un droit fondamental, inscrit dans la loi, et demeure un pilier de toute démocratie véritable. Le communiqué rappelle avec force que «le Code de la communication de 2016 interdit toute forme de censure et proscrit les peines d’emprisonnement contre les journalistes». Et d’ajouter: «Ces principes ne se discutent pas, ils s’appliquent.»
Un paradoxe face au classement mondial de RSF en 2024
Comment, s’interroge l’EPG, un gouvernement qui se glorifie d’un bon classement dans l’index de Reporters sans frontières (RSF) peut-il tolérer de telles menaces contre la presse nationale? Ce paradoxe, martèle la formation politique, fragilise la crédibilité des institutions et envoie un signal dangereux à l’opinion publique.
L’EPG condamne en tout cas «toutes les formes d’intimidation» et appelle les autorités à se ressaisir: «La liberté de la presse ne se menace pas: elle se protège.» Une déclaration qui n’est pas sans rappeler la célèbre citation «On n’emprisonne pas Dreyfus» est plutôt associée à cette rhétorique de Georges Clemenceau.
Selon une source de GabonReview, digne de foi, le plaignant ne serait autre «qu’un ancien ministre de la Communication». Le «quatrième pouvoir», sommé de se taire, rappelle qu’il ne réclame qu’une chose: le droit de se défendre avant d’être condamné. La bataille autour de la parole libre est donc loin d’être close…
Auteur: Thécia Nyomba
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