Africa-Press – Gabon. À quelques jours du procès très attendu des Bongo-Valentin, prévu pour le 10 novembre, la convocation par le ministre de la Justice de la haute hiérarchie judiciaire suscite une vive controverse. Le Dr Peter Stephen Assaghle, praticien du droit, dénonce une dérive institutionnelle préoccupante.
En prélude aux procès qui s’ouvrent lundi devant la Cour criminelle spéciale, le Dr Séraphin Akure-Davain, ministre de la Justice, a présidé jeudi 6 novembre une réunion visant à en évaluer les préparatifs avec les principales autorités judiciaires appelées à intervenir. Le Dr Peter Stephen Assaghle n’a pas du tout apprécié cette démarche qui brouille les lignes. «Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux n’a pas vocation à superviser la préparation matérielle et judiciaire d’un procès en cours», rappelle-t-il ce vendredi 7 novembre 2025 dans une publication incisive sur Facebook.
Disant intervenir en qualité de praticien du droit, il souligne que cette responsabilité revient aux magistrats du siège et du parquet. Selon lui, la convocation du Premier président de la Cour d’appel, du Procureur général, de l’Inspecteur des services judiciaires et du Bâtonnier dans le cabinet ministériel est une atteinte à la séparation des pouvoirs. «Le ministre brouille dangereusement les frontières entre l’exécutif et le judiciaire», écrit-il, y voyant une tentative de cadrage politique du procès.
Une instrumentalisation du judiciaire?
Dans un contexte marqué par une tradition de soumission du pouvoir judiciaire à l’Exécutif, cette réunion est perçue comme une manipulation de la part du pouvoir en place. «Une telle réunion ne peut être perçue autrement que comme une instrumentalisation du procès», affirme Dr Assaghle, qui s’interroge sur les «correctifs à apporter à quatre jours de l’audience».
«Si c’est judiciaire, alors c’est une violation frontale de l’indépendance du siège», prévient-il, dénonçant une posture de coordination politique contraire à l’esprit même de la justice indépendante. Il juge d’ailleurs «creux» le discours du ministre évoquant «transparence», «impartialité» et «droit lu et justice rendue». «Ces mots, bien que nobles, sont vidés de leur sens dès lors que le même ministre organise la réunion des hauts magistrats autour d’un procès visant la famille de l’ancien président», écrit l’avocat, qui y voit plutôt une «mise en scène politico-judiciaire» destinée à légitimer le procès aux yeux de l’opinion publique.
Une rupture manquée
Alors que le procès devait incarner la rupture du régime d’Oligui Nguema avec le système Bongo, Dr Peter Stephen Assaghle estime que le pouvoir actuel reproduit les pratiques dont les Gabonais veulent se débarrasser et qu’il s’est pourtant engagé à bannir. «En voulant juger le passé, le pouvoir actuel réactive les pratiques qu’il prétend condamner. C’est une forme de continuum de la dictature judiciaire par d’autres moyens», dénonce-t-il, invoquant une justice mise en scène.
En effet, la déclaration du ministre selon laquelle le procès aura lieu, que Sylvia et son fils Noureddin Bongo-Valentin soient présents ou non, est interprétée par le collaborateur de leur avocate comme une affirmation de puissance étatique. «Il aurait été plus rassurant que le ministre se taise sur le fond de la procédure», suggère-t-il avant de lancer en guise de conclusion: «Tant que la justice se réunira autour du ministre pour ‘préparer’ un procès, elle ne rendra pas la justice: elle exécutera une mise en scène du pouvoir.»
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