Africa-Press – Gabon. Alors que le centre-ville de Libreville resplendit sous les effets des récents aménagements urbains, des éclairages modernisés et des espaces réhabilités par la Ve République – à l’image de la nouvelle aire de jeux située près de la plage du Lycée Léon Mba -, un contraste saisissant vient assombrir ce tableau de renouveau. Au carrefour de l’ancien Hôtel Dialogue, le décor change brusquement: là où les bancs publics offraient jadis un havre de repos aux passants, s’étend désormais une végétation envahissante, symbole d’un déséquilibre entre embellissement central et abandon périphérique.
Il est des images qui en disent plus que mille discours. À Libreville, au cœur du 1er arrondissement, les bancs publics frappés du sceau «Hôtel de Ville» disparaissent lentement sous une épaisse couverture d’herbes folles. Une scène banale pour certains, mais symbolique pour quiconque observe le décalage entre les discours d’embellissement et la réalité du terrain.
La mairie du 1er arrondissement, pourtant si prompte à s’afficher dans les opérations de nettoyage ou à défendre l’image d’une capitale moderne, semble ici avoir perdu le fil de sa propre signature. Ces bancs abandonnés, portant fièrement le nom de l’institution, illustrent mieux que n’importe quelle statistique l’oubli du détail ; ce détail qui, dans une ville, dit tout de l’attention portée à ses habitants.
Fait troublant, plusieurs de ces bancs portent également le logo du Lions Club, symbole d’engagement citoyen et de solidarité. Comment comprendre que des équipements placés sous l’égide d’une organisation aussi respectée soient laissés à l’abandon? En acceptant que leur emblème trône désormais au milieu des herbes folles, les Lions donnent malgré eux l’image d’une bienveillance endormie. Il serait temps que cette organisation, connue pour ses actions humanistes, relève le défi de sa propre visibilité et redonne à ces bancs la dignité qu’ils méritent.
Avec la saison des pluies, la végétation a pris ses aises, avalant les structures, brouillant la frontière entre mobilier urbain et broussailles. Et personne ne s’en offusque: les passants contournent, les commerçants s’habituent, les autorités détournent le regard. À force d’indifférence, le désordre devient paysage.
Or, la beauté d’une capitale ne se mesure pas seulement à ses grandes avenues réhabilitées ni à ses éclairages flambants neufs. Elle se jauge aussi dans ces recoins ordinaires, là où le quotidien se joue. L’herbe qui envahit les bancs du centre-ville n’est pas anodine: elle dit l’abandon, la routine et l’oubli.
Si la Vè République veut réellement incarner le renouveau qu’elle proclame, qu’elle commence par désherber sa propre image. Car lorsqu’une ville laisse pousser l’herbe sur ses bancs, c’est souvent qu’elle a déjà cessé de veiller sur ses citoyens.
Thécia Nyomba (Stagiaire)
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