Stages: L’Exigence D’Expérience, Un Non-Sens Répétitif

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Stages: L'Exigence D'Expérience, Un Non-Sens Répétitif
Stages: L'Exigence D'Expérience, Un Non-Sens Répétitif

Africa-Press – Gabon. La problématique de l’exigence de l’expérience aux postulants aux stages en entreprise, voire dans des organisations interpelle fortement au point que l’expert en Ressources humaines (RH), Aymar Pambo, analyse la situation dans la tribune ci-dessous. Dans son texte, il relève que «demander de l’expérience à un stagiaire, c’est demander à un élève à qui l’on apprendrait à lire de savoir lire avant même d’ouvrir le livre». Il interpelle autant les autorités que ses paires et les invite à revoir la pratique. Ce, d’autant plus que «dans un pays où l’insertion professionnelle des jeunes demeure un défi majeur, la généralisation de cette pratique nourrit l’exclusion, prolonge le chômage post-diplôme…». Lecture !

D’une entreprise à une autre, les offres de stage exigeant plusieurs années d’expérience se multiplient au Gabon. Une pratique désormais récurrente, qui vide le stage de sa principale vocation: permettre d’acquérir une première expérience.

Une pratique devenue courante dans plusieurs entreprises

Les réseaux sociaux et les plateformes de recrutement voient désormais fleurir un nouveau type d’annonces: des offres de stage assorties d’exigences d’expérience professionnelle préalable. Cette pratique, autrefois marginale, semble être devenue la norme dans plusieurs entreprises au Gabon.

Exemples récents:

Une structure de la place, suivie par des milliers d’abonnés sur Facebook, a récemment publié des offres de stage — Stagiaire Assistant Qualité (Bac +3/4 avec 2 à 3 ans d’expérience) et Stagiaire Assistant RH (Bac +3 en GRH avec 2 ans d’expérience).

Une autre entreprise a, quant à elle, diffusé l’offre suivante: Stage en secrétariat comptable, avec une expérience exigée entre 6 mois et 1 an, pour un niveau académique minimum Bac +2 en gestion administrative et des organisations.

Ces deux cas illustrent clairement que l’exigence d’expérience, pour accéder à un stage, n’est plus un fait isolé, mais une pratique qui tend à se généraliser dans plusieurs secteurs d’activité.

Ce que dit le droit du travail gabonais

Il est important, pour comprendre la problématique que posent ces annonces, de questionner les lois en vigueur qui encadrent le stage en République gabonaise. Le stage, par définition, est un dispositif d’apprentissage.

Le Code du travail gabonais, en son article 118, définit le stagiaire comme un élève ou un étudiant placé en entreprise pour consolider, par la pratique, ses connaissances théoriques.

L’article 119 encadre sa protection sociale, tandis que l’article 120 impose la nécessité de la mise en place d’une convention de stage.

L’esprit du législateur est sans équivoque: le stage relève de la formation, non de l’exécution d’un travail qualifié.

Une exigence juridiquement incohérente

Dès lors, exiger une expérience préalable à un stagiaire, quelle qu’en soit la durée, est juridiquement incohérent et logiquement absurde. Demander de l’expérience à un stagiaire, c’est demander à un élève à qui l’on apprendrait à lire de savoir lire avant même d’ouvrir le livre. Dans un pays où l’insertion professionnelle des jeunes demeure un défi majeur, la généralisation de cette pratique nourrit l’exclusion, prolonge le chômage post-diplôme, installe l’idée dangereuse que le stage serait une forme de main-d’œuvre qualifiée à bas coût.

Le débat n’est donc pas celui du nombre d’années exigées, mais bien celui du principe même d’exiger une expérience à un stagiaire. À force de normaliser cette aberration, on ferme l’accès aux premières opportunités et on compromet l’avenir du capital humain national. Le développement du Gabon passe par une jeunesse à qui on donne réellement le droit d’apprendre, de se former et de faire ses preuves. Un stagiaire n’est pas un travailleur dissimulé, c’est un professionnel en devenir.

Ce que dit la loi (Code du travail gabonais)

Article 118: Le stagiaire est un élève ou un étudiant placé en entreprise pour compléter, par la pratique, sa formation théorique.

Article 119: L’employeur est tenu d’assurer la protection sociale du stagiaire pour les risques professionnels.

Conclusion juridique: Le stage est un cadre de formation, pas un emploi. Toute exigence d’expérience préalable va à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la loi.

Interpellation directe des professionnels RH et des dirigeants d’entreprises

Par cette tribune, j’en appelle à la responsabilité collective de mes pairs, professionnels des ressources humaines. Nous sommes les premiers garants de la cohérence des politiques de recrutement, du respect du droit du travail, de l’éthique dans l’accès à l’emploi.

Exiger une expérience à un stagiaire n’est pas une simple erreur de rédaction d’annonce. C’est un signal de dérèglement de la fonction RH. Il est urgent que les responsables RH, les directions générales et les recruteurs prennent pleinement conscience de l’impact de ces pratiques sur la jeunesse, sur l’image de leurs entreprises et sur la crédibilité même de la fonction Ressources humaines.

Appel aux autorités

Face à la multiplication de ces pratiques, il devient urgent que le ministère du Travail, l’Inspection du travail et les établissements de formation se saisissent pleinement de la question, afin de rappeler le cadre légal, de contrôler les offres diffusées et de protéger les jeunes contre des abus devenus, hélas, légion dans le microcosme gabonais.

Par Aymar Pambo, Expert RH

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