Africa-Press – Guinee Bissau. Ils sont treize chefs d’État et deux Premiers ministres à avoir accepté l’invitation du président turc et à honorer de leur présence ce rendez-vous d’Istanbul des 17 et 18 décembre. Ainsi, deux mois après son Forum économique, centré sur les investissements et les échanges, le président Recep Tayyip Erdogan a accueilli une quarantaine de hauts responsables africains, Ce nouveau rendez-vous devrait cette fois être centré sur les questions de sécurité, la Turquie promouvant ses équipements militaires à moindre coût – et assortis de conditions souples – auprès des pays africains. En attendant d’aller plus loin sur ce terrain, Ankara dispose déjà d’une base militaire en Somalie.
Une coopération de défense agressive
« Nous accordons de l’importance au secteur de la défense et à nos relations avec l’Afrique », a dit à l’AFP Nail Olpak, le président du Conseil des relations économiques internationales de Turquie, une organisation indépendante influente qui a mis sur pied le Forum économique d’Istanbul en octobre. « Mais limiter ce secteur aux ventes d’armes, de roquettes, de fusils ou de chars serait une erreur », assure-t-il, citant l’exemple des véhicules de déminage turcs au Togo, qui appartiennent aussi à l’industrie de défense. Federico Donelli le confirme : il fait valoir le plan de modernisation de l’armée togolaise réalisé avec le soutien de la Turquie, qui fournit entraînement et véhicules blindés en plus des armes et d’autres équipements. De fait, la Turquie a progressivement étendu son emprise en Afrique avec un réseau de 37 bureaux militaires sur le continent, pour accompagner l’objectif du président Erdogan de tripler le volume commercial annuel des échanges avec le continent, à 75 milliards de dollars dans les années à venir.
L’Éthiopie, un marché qui intéresse Ankara
Dans cette logique, la Turquie a signé en août un accord de coopération militaire avec le Premier ministre d’Éthiopie, Abiy Ahmed, englué dans une guerre contre les rebelles du Tigré. L’éventualité d’un contrat avec l’Éthiopie a soulevé des interrogations étant donné la brutalité du conflit au Tigré qui a fait des milliers de morts civils et des centaines de milliers de déplacés, selon l’ONU. D’après une source occidentale, plusieurs appareils ont bien été livrés, mais Ankara a dû s’incliner devant les pressions occidentales et cesser ses livraisons au régime d’Abiy Ahmed. Un porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères a évacué les questions à leur sujet, soulignant qu’il s’agit de deux nations « souveraines » et donc habilitées à sceller leurs propres accords. Vers l’Éthiopie, les exportations turques en matière de défense et d’aéronautique ont atteint 94,6 millions de dollars entre janvier et novembre, contre 235 000 dollars environ au cours de la même période l’année précédente. Les statistiques officielles turques ne détaillent pas les ventes d’équipements militaires, n’affichant que leurs montants mensuels. Et ceux-ci ont grimpé en flèche au cours de l’année écoulée.
Les drones, un produit phare
Parmi les équipements qui ont la cote, il y a les drones de combat. Le Maroc et la Tunisie ont pris livraison de leurs premiers drones de combat turcs en septembre. L’Angola, à son tour, a récemment exprimé son intérêt pour ces aéronefs sans pilote au cours de la première visite officielle de M. Erdogan dans ce pays pétrolier d’Afrique australe en octobre. « Le secteur de la défense, c’est un nouvel atout : la Turquie l’a beaucoup poussé, surtout celui des drones », remarque Federico Donelli, chercheur en relations internationales à l’université de Gênes, en Italie, interrogé par l’AFP. Ankara « ne propose pas seulement ses équipements, mais aussi une formation, comme en Somalie », ajoute-t-il. Le modèle de drone TB2 de la société privée Bayraktar – dirigée par un des gendres du président – est le plus demandé après ses succès vantés ces dernières années en Libye et en Azerbaïdjan.
« Partout où je vais en Afrique, tout le monde me parle des drones », se félicitait M. Erdogan après sa tournée en Angola, au Nigeria et au Togo cet automne. Les chiffres présentés par l’Assemblée des exportateurs turcs témoignent d’augmentations similaires pour l’Angola, le Tchad et le Maroc. Les drones turcs ont été remarqués pour la première fois en 2019, après qu’Ankara a signé deux accords de défense avec le gouvernement libyen reconnu par l’ONU. Tripoli a alors lâché ces appareils sur la zone de conflit, freinant l’avancée des forces rebelles de l’est soutenues par les rivaux régionaux de la Turquie et ouvrant la voie à une transition progressive vers un processus électoral. La Turquie a continué d’asseoir la réputation de ses drones l’an dernier en aidant l’Azerbaïdjan à reprendre le contrôle de la plupart des territoires perdus face aux séparatistes arméniens il y a près de trente ans. « Désormais, avec ses drones, la Turquie a davantage d’atouts dans sa manche quand il s’agit de négocier avec d’autres pays », reprend Federico Donelli.
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