L’Afrique, victime collatérale de la guerre en Ukraine

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L’Afrique, victime collatérale de la guerre en Ukraine
L’Afrique, victime collatérale de la guerre en Ukraine

Par Ibra Pouye

Africa-Press – Guinee Bissau. Si cette guerre perdure, elle pourrait amplifier la famine déjà présente et on reverrait des émeutes de la faim dans certains pays. Quelques démocraties africaines à peine naissantes vacilleront ou seront déstabilisées.

Parler de l’Ukraine, c’est parler de la guerre que livre Vladimir Poutine contre le peuple ukrainien victime des exactions meurtrières de ce dernier. En effet, pour bon nombre d’Africains, la guerre en Ukraine n’a rien à voir avec le continent, mais c’est faire preuve de naïveté face à ce conflit qui risque de nous consumer et surtout l’Afrique, pauvre et vulnérable. Les conséquences directes de cette guerre sont à nos portes et risquent d’y demeurer longtemps encore. Parce qu’elle a déjà forcé à l’exil des millions d’Ukrainiens ; enfants en bas âge, adultes et personnes âgées sans oublier son lot de déchirures familiales profondes. En effet, ce conflit a dézingué l’Ukraine, jadis considérée comme le grenier à blé de l’Europe. Des trains de sanctions à l’encontre de l’envahisseur russe meublent notre quotidien. Et dans ce concert des nations, plus de la moitié des pays africains se sont abstenus de condamner la Russie lors de l’Assemblée générale de l’ONU. En ce moment, les prix des matières premières s’envolent. Celui du blé, de l’orge et du maïs explose. Celui du carburant à la pompe bat déjà des records à peine égalés. Les perspectives de croissance et certains mégaprojets de quelques pays africains sont revus à la loupe. Même les présidentielles en France sur fond de conflit russo-ukrainien sont mises à rude épreuve et Emmanuel Macron, plébiscité dans les sondages, file tout droit vers un second mandat.

L’explosion des prix des matières agricoles

Les conséquences de cette guerre ne se limitent pas seulement à l’Europe, mais s’étend sur le reste du monde. Et ce serait faire la politique de l’autruche que de ne pas en parler. Vu la Covid-19 qui sévit encore, l’Afrique est encore très exposée, voire toujours fragilisée à cause des ratés de la vaccination. En effet, elle risque de payer le prix fort et risque d’en pâtir et les effets commencent à se faire sentir. Parce que la Russie et l’Ukraine fournissent à eux seuls un tiers du blé et 26% de l’orge de la planète. Terres arables et grandes régions de production de blé et d’orge définissent la politique agricole de ces deux pays autrefois frères, mais désormais opposés. La chute des productions du blé et la fermeture des ports de Marioupol et d’Odessa combinées à l’isolement de la Russie sur le plan international ne feront qu’envenimer la situation économique, voire alimentaire, des pays africains, très enclins aux exportations du blé ukrainien et russe. Plus de la moitié du blé importé en Afrique provient de la Russie et de l’Ukraine. Le prix du blé d’octobre 2021 à mars 2022 a bondi de 80% ; ce qui préfigure des lendemains de désenchantement et d’émeutes de la faim en Afrique et dans le reste du monde.

Émeutes de la faim et aides au développement

Face à ce conflit sapant les fondements de la société humaine, des émeutes de la faim risquent de faire tache d’huile sur tout le continent africain parce qu’il en sera des ruptures d’approvisionnement et des pénuries de matières premières dans les zones de conflits ukrainiens. Déjà, en vingt jours de guerre larvée sur fond de combats et de bombardements des tanks et avions de chasse russes, le panier de la ménagère africaine subit quelques soubresauts à cause de la flambée des prix de l’huile de tournesol, l’huile de palme et certaines denrées de première nécessité. Si cette guerre perdure, elle pourrait amplifier la famine déjà présente et on reverrait des émeutes de la faim dans certains pays. Et quelques démocraties africaines à peine naissantes vacilleront ou seront déstabilisées. Les aides au développement devant être allouées par quelques bailleurs de fonds à l’Afrique vont désormais à l’Ukraine. Et l’inflation va en effet réduire les revenus des ménages et les marges de manœuvre de quelques pays africains émergents seront revues à la baisse.

Résilience africaine

Il urge de prendre conscience de la gravité de la crise dans laquelle le président russe a plongé non seulement l’Europe et les États-Unis, mais également l’Afrique. Donc il est urgent pour les populations africaines de réagir face à la naissance d’une crise alimentaire sans précédent corrélée aux risques d’instabilité politique. Pour parer à l’escalade mortifère, les pays européens et les États-Unis d’Amérique doivent prendre des mesures efficaces afin de limiter les embargos sur les exportations alimentaires et augmenter les niveaux d’aide publique au développement. L’Afrique aussi résiliente qu’elle soit, doit s’armer d’un bouclier fondé sur la solidarité et la transparence dans le but de lutter contre l’insécurité alimentaire et les famines que risque de nourrir cette guerre fratricide très éloignée, mais ô combien proche. Un mécanisme permettant de lutter contre l’inflation en sus. Sans ce mécanisme basé sur la solidarité, la transparence et la résilience, le continent africain risque de retrouver ses vieux démons.

Dans cet entrelacs d’idées confuses sur fond de conflit meurtrier, la faim risque de devenir un enjeu très géopolitique. Et c’est dans cette situation de ni guerre ni paix que l’Afrique peut vraiment compter sur ses hommes d’État en exploitant à prix rentable ses énormes richesses naturelles.

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