les zones d’ombre d’un putsch manqué contre Umaro Sissoco Embalo

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les zones d’ombre d’un putsch manqué contre Umaro Sissoco Embalo
les zones d’ombre d’un putsch manqué contre Umaro Sissoco Embalo

Africa-Press – Guinee Bissau. Dans une région qui semble avoir pris un goût immodéré aux coups d’État militaires depuis deux ans, le putsch raté contre le Président Umaro Sissoco Embalo, malgré ses mystères, rajoute aux inquiétudes ambiantes et laisse planer le doute sur un effet domino potentiel.

Le 30 janvier 2022, “heureux” d’assister à l’intronisation du président de l’Union des imams de Guinée-Bissau, Thierno Suleyman Baldé, le Président Umaro Sissoco Embalo n’avait sans doute pas à l’esprit que son pouvoir vacillerait dangereusement 48 heures plus tard. Le 28 janvier, en recevant au palais présidentiel les nouveaux membres du gouvernement issus d’un remaniement ministériel, il ignorait également qu’un putsch se mijotait à son insu.

Dans l’après-midi du 1er février, reclus à l’intérieur du palais du gouvernement situé en périphérie de la capitale, Embalo et ses collaborateurs, qui tenaient un Conseil des ministres, ont dû attendre et prier pour que les forces loyales au régime prennent le dessus sur les auteurs d’une tentative de coup d’État afin de pouvoir quitter les lieux et annoncer la fin de la sédition. Le régime a été sauvé après plus de cinq heures de fusillade et des combats sporadiques en quelques endroits de la capitale. C’est le soulagement pour le Président.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a très tôt “condamné” la tentative dans un bref communiqué. Néanmoins, plusieurs questions restent sans réponse, en particulier sur l’identité, la provenance, les motivations et les commanditaires des putschistes. D’autre part, subsiste un mystère total sur les circonstances dans lesquelles le Président Embalo et ses ministres ont réussi à sortir du palais du gouvernement encerclé par les assaillants. Selon des sources jointes par Sputnik à Bissau au cours des événements du 1er février, les hommes puissamment armés qui ont attaqué l’édifice gouvernemental étaient en partie habillés en civil.

Lors du briefing organisé dans la soirée avec des journalistes, le Président Embalo a lié ces événements aux mesures qu’il a prises dans sa lutte contre la corruption et le trafic de drogue. Mais il est resté muet sur les aspects cités plus haut. Cette affaire n’a peut-être pas révélé tous ses secrets éventuels.

Si les affirmations évasives du Président Embalo sont vraies, le spectre des ennemis qui voudraient l’éliminer est large et serait tapi dans les interstices d’une armée fortement traversée par des considérations ethno-tribalistes. Ainsi, les putschistes pourraient être des fidèles nostalgiques de plusieurs hauts gradés en fonction ou à la retraite frustrés par les orientations réformistes et les politiques de rupture que tente l’ancien général devenu chef de l’État. Ils pourraient aussi être les bras armés de bandes criminelles aux intérêts menacés. Mais les propos du Président Embalo n’aident pas trop à comprendre ce qu’il s’est passé en réalité.

“La récurrence des coups d’État est inquiétante”

Depuis mardi soir, la “reprise en main de la situation” se poursuit. Diverses sources rapportent à Sputnik que des opérations de ratissage ont été lancées par des éléments de l’état-major de l’armée bissau-guinéenne pour retrouver –si possible- des mutins ayant participé aux événements du 1er février et pour sécuriser les bâtiments abritant les principales institutions de la capitale. Des patrouilles des Forces de défense et de sécurité sillonnent la ville, sans doute pour rassurer des populations traumatisées par la récurrence des putschs depuis l’indépendance du pays en 1975.

Même si la stabilisation institutionnelle a fait de grands pas grâce aux progrès de la démocratisation de la vie politique, la Guinée-Bissau reste fragile et n’a pas encore perdu sa réputation de narco-État. Le pronunciamiento manqué du 1er février, mis en parallèle avec le basculement sous régence militaire de la Guinée-Conakry, du Mali et du Burkina Faso en moins de deux ans, pourrait préfigurer d’un effet domino dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Ancien général de l’armée nationale, Umaro Sissoco Embalo est arrivé au pouvoir en janvier 2020 après une présidentielle contestée à travers plusieurs péripéties devant les instances judiciaires et électorales. Ce n’est qu’en avril 2020 que la CEDEAO l’a reconnu comme Président élu, mettant fin au bras de fer engagé par l’opposant Domingos Simoes Pereira arrivé deuxième à l’élection de janvier 2019. Avec les crises malienne, guinéenne et burkinabè, le putsch raté de Bissau ne rend que plus aiguë la question démocratique en Afrique de l’ouest, ainsi que son avenir.

La récurrence des coups d’État inquiète en zone ouest-africaine. “Dans un avenir prévisible, je ne vois pas de solutions pouvant ramener la stabilité dans la région”, souligne le président de l’Arcade. “Les élections organisées dans les conditions que nous connaissons ne peuvent apporter que des répits temporaires. C’est pourquoi il faut de réelles alternatives et non des alternances qui, parfois, sont pires que ce qu’il y avait avant. Donc, nos pays traversent des périodes dont l’issue est difficile à prévoir.”

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