Afrique : les financements de la lutte contre le VIH-sida en berne

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Afrique : les financements de la lutte contre le VIH-sida en berne
Afrique : les financements de la lutte contre le VIH-sida en berne

Par Sylvie Rantrua

Africa-Press – Guinee Bissau. RAPPORT. Les bouleversements récents aussi bien sanitaires que géopolitiques ont fortement entravé les moyens de lutte contre l’épidémie de sida. États des lieux.

Le rapport « Triple dividendes : les gains sanitaires, sociaux et économiques du financement de la riposte au VIH en Afrique » publié le 12 avril met en exergue les bénéfices d’un investissement dans la lutte contre le VIH-sida en Afrique. Réalisé par Economist Impact du groupe de presse anglais The Economist et soutenu par l’Onusida, ce rapport présente les résultats d’une étude menée dans 13 pays africains*. Il évalue ensemble les impacts sanitaires, démographiques, sociaux et économiques. Ses résultats sont d’autant plus intéressants que ces 13 pays représentent près de 50 % des cas de nouvelles infections au VIH dans le monde en 2021.

Les résultats différents selon les scénarios scrutés

Le rapport compare deux scénarios : d’abord, celui d’un financement intégral de la lutte contre le VIH-sida avec pour objectif de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030 comme menace pour la santé publique, ensuite celui où les niveaux de financement seraient maintenus à leurs niveaux actuels (Business as usual – BAU).

Les résultats sont frappants :

– « Sur le scénario d’un financement intégral de la riposte contre le VIH, des millions de vies seront sauvées et les répercussions positives seront considérables sur la santé, bien sûr, mais aussi sur l’éducation et la croissance économique », souligne le rapport. Selon les pays, de 40 à 90 % des nouvelles infections au VIH pourraient être évitées, précise le rapport qui ajoute que les investissements alloués à l’épidémie de VIH favoriseraient également l’éducation, en particulier celles des jeunes femmes et des filles, réduiraient les inégalités hommes/femmes et stimuleraient la croissance économique.

Du fait que ce sont les jeunes filles et les femmes qui courent un risque plus élevé de contracter le VIH, ce sont aussi elles qui bénéficieront potentiellement plus d’un investissement accru dans la riposte au VIH. Dans un scénario de financement à 100 %, la mortalité maternelle et infantile baisse tout comme le nombre d’enfants orphelins, ce qui augmentera également par la suite le nombre d’enfants et de jeunes scolarisés, explique le rapport.

Cumulés, les progrès en termes de santé et d’éducation ruissellent en cascade sur l’économie et permettent d’augmenter la productivité des générations actuelles et futures, ce qui contribuerait à des avantages économiques plus larges. Selon les estimations du rapport, la réalisation de ces objectifs de financement se solderait, par exemple, par une augmentation de 2,8 % supplémentaire du PIB en Afrique du Sud et de 1,1 % au Kenya en 2030.

– En revanche, sur un scénario BAU le prix est lourd. Les effets ruisselant aussi en cascade, mais en termes négatifs !

Un rapport qui sonne comme une piqûre de rappel

« Ce rapport arrive à un moment crucial. Les preuves qu’il fournit devraient servir de catalyseur à des décisions politiques visant à garantir un financement total du VIH », insiste la directrice exécutive de l’Onusida, Winnie Byanyima. « C’est le bon moment pour le rappeler aux gouvernements et aux investisseurs internationaux, comme la Banque mondiale et le FMI », ajoute-t-elle lors de la conférence organisée à l’occasion du lancement du rapport.

Le contexte actuel est loin d’être favorable. Depuis la pandémie de Covid-19, les financements pour la lutte contre le VIH-sida ont en effet chuté et peinent à redécoller. Les crises se succèdent : la guerre en Ukraine a provoqué une crise de l’énergie et une déstabilisation des marchés mondiaux avec une crise alimentaire, une inflation généralisée et la remontée des taux d’intérêt… Tous ces bouleversements majeurs ont pesé sur les financements en faveur de la santé et entravé les efforts pour lutter contre l’épidémie de VIH et plus largement sur le financement du secteur de la santé.

Winnie Byanyima, pointe la menace d’un contexte devenu très difficile lié à l’endettement des pays africains : « Le service de la dette a englouti les investissements dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection sociale ». L’an dernier, le Kenya a dépensé 53 % de ses revenus dans le service de la dette. Ce chiffre s’élève à 70 % pour le Malawi et la Zambie. Invité à participer à la table ronde, Mthuli Ncubele, ministre des Finances du Zimbabwe, insiste : « Les dépenses de santé ne sont pas seulement des dépenses mais aussi des investissements, ajoutant que dans les pays les plus touchés d’Afrique, le retour sur investissement s’élève à 20 %. »

L’Onusida estime que les pays à revenu faible et intermédiaire devront investir 29 milliards de dollars chaque année pour atteindre les objectifs visant à mettre fin au sida comme menace pour la santé publique d’ici à 2030. L’organisation prévoit plus de 7 millions de décès dus au sida, mais la moitié peut être évitée si la riposte est intégralement financée et s’appuie sur des politiques efficaces. Un financement à hauteur des objectifs fixés « aura de vastes répercussions socio-économiques et sera un pas pour les pays africains vers la mise en place de systèmes de santé plus résilients et mieux préparés pour prévenir les futures pandémies », argumente Winnie Byanyima.

Le VIH, un marqueur à suivre

« L’épidémie de VIH n’est pas un problème isolé et doit être considérée dans le contexte plus large des programmes sanitaires et sociaux des gouvernements. Par exemple, l’investissement dans la riposte au VIH peut remédier aux inégalités dans les résultats scolaires, comme le démontre cette étude. Inversement, les inégalités d’accès à l’éducation peuvent engendrer une vulnérabilité au VIH. Comprendre ces liens complexes est important pour créer un engagement politique plus large », détaille le rapport, qui espère, de par ses conclusions, jouer un rôle catalyseur dans le financement de la lutte contre le VIH. À la fin du rapport, un bilan graphique est donné pour chaque pays étudié. L’écart de financement entre les deux scénarios – 100 % de couverture et BAU – varie aussi significativement d’un pays à l’autre, de seulement 17 % pour le Botswana, il s’élève à 91 % pour le Cameroun, 48 % pour le Ghana et 31 % pour la Côte d’Ivoire. Des chiffres qui montrent aussi la disparité des situations.

* Liste des 13 pays étudiés : Afrique du Sud, Botswana, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana, Kenya, Malawi, Mozambique, Nigeria, Ouganda, Tanzanie, Zambie, Zimbabwe.

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