« Pour le FMI, développement et stabilité macroéconomique vont de pair »

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« Pour le FMI, développement et stabilité macroéconomique vont de pair »
« Pour le FMI, développement et stabilité macroéconomique vont de pair »

Viviane Forson

Africa-Press – Guinee Bissau. ENTRETIEN. Luc Eyraud, chef des études régionales pour l’Afrique subsaharienne au Fonds monétaire international, dresse un état des lieux sans concession des pays de la région.
L’Afrique subsaharienne sur la corde raide ? La réponse est affirmative, et c’est peu de le dire. D’après le dernier rapport du Fonds monétaire international présenté officiellement ce jeudi 27 octobre à Dakar, au Sénégal, les perspectives économiques régionales sont préoccupantes. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la croissance a ralenti, passant de 4,7 % en 2021 à 3,6 % cette année. Mais ce n’est pas le seul indicateur qui inquiète fortement l’institution qui s’est rendue indispensable ces dernières années, avec les chocs mondiaux de la pandémie de Covid-19 et plus récemment la guerre en Ukraine et ses conséquences.
Luc Eyraud, actuellement chef de Mission pour le Botswana, et de la division chargée des études régionales au sein du département Afrique du FMI, supervise les études sur les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne, publiées deux fois par an. Avec ses équipes présentent sur le terrain, il propose un regard acéré sur l’état de l’économie dans cette région, où les déséquilibres macroéconomiques, l’inflation ou la dette publique ont fait leur retour au grand dam des gouvernements. Comment appréhender cette période de fortes turbulences ? Remet-elle en cause la notion même de développement ? Comment se prépare l’avenir dans une institution comme le FMI ? Entretien.

Le Point Afrique : L’insécurité alimentaire a atteint des records dans le monde, notamment en Afrique. Quelle est concrètement la situation ? De quoi parle-t-on, et avez-vous des chiffres précis et des explications qui aideraient à mieux cerner la problématique ?

Luc Eyraud : Il y a beaucoup d’informations et les concepts qui circulent sur la crise alimentaire. Aujourd’hui, sachez que plus de 123 millions de personnes sont en insécurité alimentaire aiguë en Afrique subsaharienne. C’est plus de 12 % de la population, soit une personne sur dix. Un tiers l’est devenu depuis le début de la pandémie, avec les hausses des prix des denrées alimentaires qui ont doublé, voire triplé.
Lorsqu’on dit d’une crise alimentaire qu’elle est aiguë, cela traduit une situation dans laquelle la survie des personnes est en jeu. D’après le Programme alimentaire mondial, la Corne de l’Afrique, les pays du Sahel et aussi une partie du Nigeria et de la République démocratique du Congo sont concernés.
Plusieurs facteurs, comme la pandémie et surtout la crise actuelle des prix des produits alimentaires depuis l’invasion de l’Ukraine, ont vraiment aggravé la situation.
Mais le plus alarmant est la sécheresse qui perdure depuis quatre saisons maintenant dans la Corne de l’Afrique, et qui est historiquement inhabituelle. D’après les chiffres, au moins 40 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire aiguë dans cette région. Certains disent qu’il s’agit de la plus forte sécheresse depuis 40 ans.

Et là, on ne parle même pas des pays qui sont en guerre. Comment fait-on la distinction ?

Globalement, il est difficile de savoir précisément si l’insécurité alimentaire est liée aux prix de l’énergie, aux problèmes dans les chaînes d’approvisionnement, ou des produits alimentaires en eux-mêmes. Chaque pays a une situation un peu particulière. Cependant, il est clair que, dans des pays comme l’Éthiopie, les problèmes alimentaires ne sont pas uniquement liés à la hausse des prix. Il y a aussi le conflit en cours dans le Tigré depuis deux ans, dont il faut tenir compte. Au Sahel, c’est un ensemble de causes, dont le terrorisme et d’autres conflits, qui étaient en cours bien avant la pandémie.

Le Fonds monétaire international a mis en place un nouveau guichet dédié aux problèmes alimentaires, quelles réflexions ont mené à créer ce fonds ? Et pourquoi avons-nous l’impression que votre organisation surréagit face à finalement une problématique qui apparaît comme structurelle dans de nombreux États d’Afrique subsaharienne ?

Je ne pense pas que nous ayons surréagi. Nous essayons de réagir de la manière la plus adéquate possible, eu égard de la sévérité de la situation. Nous avons lancé un guichet unique appelé « Chocs alimentaires » qui est une autre catégorie de financements. Au FMI, nous avons des programmes traditionnels de financement avec des conditionnalités, mais nous avons aussi ces financements d’urgence pour lesquels nous donnons de l’argent, sans conditionnalité. Lorsque les pays sont dans des situations d’urgence, nous devons être capable de leur répondre. Le guichet des produits alimentaires vient s’ajouter, c’est un plus. Il s’adresse en particulier aux États qui ne sont pas en programme avec le FMI, et qui souhaitent des financements additionnels d’urgence.

Combien de pays sont concernés précisément ?

La priorité va aux pays affectés par la crise alimentaire et identifiés par le Programme alimentaire mondial. Au total, au moment où nous parlons, 26 pays sont déjà demandeurs ou éligibles, dont le Malawi qui vient de trouver un accord avec le FMI.

Comment cela s’organise ?

Nous devons bien vérifier que le pays rencontre effectivement un problème de balance des paiements et qu’il n’a pas assez de devises pour acheter des produits alimentaires. Une fois ce critère et d’autres validés, nous nous mettons d’accord avec nos équipes pays, avant une présentation à notre conseil d’administration qui approuve officiellement le programme. Et ensuite le décaissement apparaît juste après. Parfois, cela peut être assez rapide.
Il est par définition difficile de se passer de ces financements d’urgence, parce que de nombreux chocs bilatéraux ne peuvent pas être anticipés. Lorsque la crise du Covid-19 s’est déclarée, dès le mois d’avril 2020, nous avions mis en place des programmes innovants de financement.

Aujourd’hui, quelles sont les solutions structurelles que propose finalement le FMI pour parer durablement à ce phénomène de la faim qui ressurgit à chaque crise ?

J’entrevois deux pistes de solutions. Celle qui consiste à parer au plus urgent. C’est-à-dire, soutenir en priorité les populations les plus vulnérables en leur apportant un soutien sous forme de transferts d’argent. Dans ces cas, nous conseillons aux États de cibler au plus près les populations qui en ont le plus besoin. Le problème, lorsque les mesures ne sont pas très bien ciblées, c’est que non seulement elles finissent par coûter très cher mais tout le monde en profite, y compris les couches les plus aisées. Ce n’est pas soutenable.
Le FMI, tout en apportant un appui technique aux pays qui le demandent, a conscience qu’il est très difficile de mettre en place des transferts ciblés, car il faut en amont penser et mettre en place des infrastructures dédiées. Il faut également tenir compte du fait que toute une partie de la population est dans le secteur informel, qu’il n’y a pas suffisamment de données.
Plusieurs pays africains veulent aller plus loin, et innovent dans des systèmes de protection sociale plus développés. Je pense notamment au Togo, où l’État peut transférer des fonds de soutien aux populations par téléphone portable. Il faut que l’Afrique continue dans cette direction.

Y a-t-il un volontarisme des États ? Sont-ils capables de mettre en place ces infrastructures ?

Il y a eu un mouvement très important pendant la crise de la pandémie de Covid-19, durant laquelle la prise de conscience s’est faite. Les derniers chocs mondiaux ont amené les États africains à opérer un changement de perception, ils ont compris qu’ils avaient la capacité de faire des transferts aux plus vulnérables, très rapidement, et plusieurs ont opéré les réformes nécessaires.

Et sur la production alimentaire, il existe un vrai débat sur la productivité dans le secteur alimentaire en Afrique subsaharienne… Quelle est votre vision sur ce qu’il faudrait faire ?

En effet, même si l’Afrique dispose de ressources naturelles extraordinaires, comme les terres arables, il est nécessaire de faire en sorte que les États produisent davantage de produits alimentaires. Si vous prenez le maïs, qui est le produit alimentaire le plus consommé en Afrique, il y a très peu de pays qui sont exportateurs nets. La plupart sont importateurs. L’agriculture africaine est encore traditionnelle et donc la modernisation de l’agriculture est un sujet très important. Comment créer une agriculture qui soit plus résistante aux changements climatiques, avec une meilleure irrigation, des meilleurs drainages et qui va permettre de développer le secteur agricole de demain en Afrique avec une forte productivité, c’est l’équation qui nous est posée sur ce débat.

Plusieurs États se sont tournés vers le FMI pour bénéficier d’un programme traditionnel d’appui. Quels sont ces pays ? Où en sont les négociations ?

Sur 45 pays que couvre notre département, 22 sont actuellement en programme avec le FMI et d’autres ont entamé des discussions.

Comment expliquez-vous le fait qu’un pays comme le Ghana, trois ans après s’être affranchi de l’assistance fournie par le Fonds monétaire international, sollicite, pour la dix-septième fois depuis son indépendance en 1957, un nouveau plan d’aide auprès de l’institution. N’est-ce pas là un aveu d’échec pour un pays tant salué sur la scène internationale pour sa croissance fulgurante ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

Je crois qu’il est important pour mieux comprendre nos rapports avec les pays partenaires de revenir sur la mission du FMI. Notre objectif est d’aider les pays qui rencontrent des déficits de balance des paiements. Certains ont des problèmes dans leurs échanges avec l’étranger, ils n’ont pas assez de liquidité. D’autres ont eu une très forte baisse de leurs exportations ou encore une très forte hausse de leur charge d’importation, par exemple à cause du prix du pétrole et de celui des aliments. Dans plusieurs cas, les pays connaissent des fuites de capitaux, et leurs devises fondent comme neige au soleil, selon l’expression de l’ancien gouverneur de la BCEAO. Or, les devises sont nécessaires pour faire des importations ou investir.
Le cas du Ghana est révélateur. Dans ce pays, le change s’est déprécié depuis le début de l’année de quasiment 50 % par rapport au dollar. Dans ce cas, le FMI est là pour restaurer la stabilité macroéconomique. Et nous pensons vraiment que la stabilité macroéconomique est l’ingrédient premier du développement économique. À ma connaissance, il n’y a pas de pays africain qui s’est développé sans stabilité macroéconomique et je dirais même pas un seul pays au monde.
Nous ne connaissons pas bien les recettes du développement, mais une chose est sûre, aucun pays ne peut se développer en ayant une inflation à 50 % tous les mois ou avec une dette complètement non soutenable.
Nous devons alors travailler avec les banques centrales pour réduire l’inflation et sur le budget pour remettre la dette sur une trajectoire soutenable. Nous travaillons aussi avec les créditeurs internationaux pour obtenir si besoin un allègement de dette.
Le FMI a parfois eu la réputation d’être dur au niveau social, mais je tiens à préciser que nos programmes d’appui comportent tous un volet social important avec un plancher de dépenses sociales minimales afin de protéger les populations. La croissance inclusive fait partie de nos objectifs.

Pourquoi exiger des pays africains qui ne sont pas encore développés qu’ils respectent à tout prix ce dogme de la stabilité macroéconomique ?

Donnez-moi un exemple d’un pays africain qui a fait du développement économique très fort, inclusif, avec des normes macroéconomiques complètement déséquilibrées, sans paupériser toute sa population ? Quel pays africain a pu faire des investissements dans l’éducation, dans les infrastructures en ayant une dette à 150 points de PIB ? Aucun.
La stabilisation macroéconomique est une condition nécessaire au développement. Parfois, cela demande de faire d’importants efforts.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que le FMI est une petite pierre dans un grand édifice. Le grand édifice, c’est celui du développement que nous bâtissons avec d’autres acteurs comme la Banque mondiale. Notre rôle est d’assurer que le socle soit stable. Si le socle est instable, il n’y a pas de développement.
Dans les pays où les déséquilibres macroéconomiques sont très forts, avec énormément d’inflation ou des arriérées de dettes, y compris domestiques, il n’y a en général plus d’investissements ni de croissance économique, la crise sociale se fait plus menaçante.
Au niveau des solutions, de nombreuses banques centrales africaines ont suivi le mouvement mondial et augmenté leur taux d’intérêt, mais avec des résultats incertains voir contre-productifs pour l’instant…
La hausse des taux d’intérêt est nécessaire, mais elle doit être très prudente et progressive. Lorsque les pays connaissent une inflation, en partie domestique, il est très important d’augmenter les taux d’intérêt, cela va permettre de réduire les pressions inflationnistes.
Mais ce n’est pas le cas pour l’Afrique subsaharienne qui subit des chocs exogènes…
Il est vrai qu’en Afrique subsaharienne une grande partie de l’inflation est externe, car elle vient des produits alimentaires importés et ceux du pétrole. Mais ces hausses peuvent se transmettre au niveau domestique dans ce qu’on appelle des effets de second tour. Les effets peuvent alors être plus dévastateurs.

Dans ce contexte, quelles perspectives entrevoyez-vous, est-ce que l’inflation va diminuer ?

Nous prévoyons une forte décélération de l’inflation à 5 % en 2023. Mais tout cela dépend de facteurs qui sont très difficiles à prévoir. Le ralentissement mondial qui s’annonce devrait faire un peu pression sur les prix des produits alimentaires et de l’énergie. La grande inconnue, ce sont les taux de change. Parce que vous savez, s’il faut acheter du maïs, au Togo, cela dépend du taux de change entre l’euro et le dollar, le pays étant dans la zone du franc CFA. Si l’euro continue de dévisser par rapport au dollar, même si le prix international du maïs ne bouge pas, il va quand même augmenter au Togo. Sans compter la guerre en Ukraine, dont l’issue est incertaine.

Ces dernières années, des institutions, dont la vôtre, se sont alarmées de l’endettement accéléré des pays africains. Où en est le continent ? Est-on face à une crise systémique ?

Un fait qui doit nous interpeller : en Afrique subsaharienne, la dette a doublé sur la dernière décennie. Elle est passée de 30 points de PIB, en moyenne, à 60 %. Non seulement la dette a augmenté mais sa composition a beaucoup changé. Aujourd’hui, nous avons de moins en moins de bailleurs traditionnels et de plus en plus d’endettement domestique et d’eurobonds. Nous avons observé qu’un certain nombre de pays, notamment de l’UEMOA, je cite la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Bénin, se tournent vers le marché international, c’est un changement considérable de la structure de la composition de la dette, vers des maturités plus courtes et des coûts plus élevés.
Nous avons à peu près la moitié des pays d’Afrique subsaharienne à bas revenus qui sont, d’après notre analyse de la viabilité de la dette, à haut risque, de surendettement ou en surendettement. Il s’agit du même niveau de dette qu’au début des années 2000, au moment de l’initiative de pays pauvres très endettés. Nous constatons une détérioration très nette de la situation budgétaire d’un certain nombre d’États.
Mais à ce stade-là, il n’y a pas de risque de dette systémique. C’est très important de la souligner. Un quart des pays africains ont une dette en dessous de 50 % du PIB. Et certains bénéficient encore d’un espace budgétaire plutôt confortable, je pense au Bénin, au Botswana ou à la Tanzanie.

Quelle est la recette de ces pays ? Comment procèdent-ils ? Que font-ils différemment ?

Ces pays sont prudents. Il y a une forme de prudence budgétaire au Bénin, c’est bien connu. Le Botswana qui a bénéficié de matières premières, dont le diamant, l’a bien géré. Parce que vous savez les matières premières peuvent représenter un avantage, mais aussi une malédiction. Gaborone a une dette très faible.
Je pense aussi que les lignes bougent au niveau international. Désormais, quand la dette d’un pays est non soutenable, nous devons procéder à une restructuration, c’est quelque chose qui était un peu tabou il y a quelques années.

Est-ce que ce n’est pas cette flexibilité des États africains qui finalement n’ont pas eu d’autres choix que de se tourner vers les prêteurs privés, la Chine ou encore le marché international quitte à emprunter à des taux exorbitants qui a fait bouger les lignes ? Et comment justement observez-vous le poids de tous ces acteurs ?

C’est une situation très complexe, pour les restructurations, parce que nous avons désormais beaucoup d’interlocuteurs. Avant, il y avait le Club de Paris, qui était un ensemble de créditeurs et de bailleurs limités. Aujourd’hui, c’est plus complexe avec les bailleurs privés, parce qu’il y a eu des eurobonds. Et puis les nouveaux bailleurs bilatéraux, comme la Chine ou d’autres pays. C’est un ensemble plus hétérogène, donc, évidemment, ça rend les restructurations de dettes plus compliquées.

Comment réagissez-vous à l’annonce cet été par la Chine d’annulation des dettes de plusieurs États africains ?

Le FMI encourage les bailleurs internationaux à collaborer et à se coordonner entre eux. Ce n’est pas la Chine toute seule qui décide dans les différents pays. Lorsque l’on procède à un allègement de dette, nous avons besoin que tous les créditeurs soient plus ou moins traités de la même manière. Sinon, ils jouent ce qu’on appelle le passager clandestin. Des cadres communs autour du G20, par exemple, qui ont vu le jour ces dernières années et qui permettent de se mettre d’accord sur les paramètres de réduction de la dette.
La dette doit servir au développement mais ce n’est pas une fin en soi.

L’autre sujet qui inquiète les dirigeants en Afrique subsaharienne est celle des droits de tirage spéciaux, où en est-on dans les promesses faites à l’Afrique ?

Deux actions ont été menées autour des DTS. En 2021, nous avons eu une allocation de 650 milliards de dollars, dont 23 milliards pour l’Afrique subsaharienne, en proportion du PIB de chaque pays et sans conditionnalités. Cette allocation a été déjà été décaissée, des États s’en servent pour faire face aux dépenses courantes, pour des transferts aux plus vulnérables, etc. En tout cas, tous les États africains ont déjà reçu leur part.
Deuxièmement, sur la promesse faite par les pays riches d’allouer jusqu’à 100 milliards de dollars aux pays pauvres, nous avons obtenu 73 milliards. Mais pour l’instant, il s’agit de promesses qui restent à concrétiser.
Au sein du FMI, nous avons trois modalités de transfert de ces DTS. La plus récente est un « fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité », qui doit notamment amplifier les effets de la nouvelle allocation DTS instaurée en 2021, avec un objectif de ressources d’au moins 45 milliards de dollars. À travers ces nouveaux fonds, nous réalisons des prêts beaucoup plus longs pour des problèmes plus structurels et notamment le changement climatique afin d’aider les pays à financer l’adaptation ou l’atténuation du changement climatique. Nous avons déjà un accord avec le Rwanda sur ce programme.
Enfin, il y a une troisième modalité qui est moins explorée, qui consiste à transférer les DTS aux banques de développement régionales. C’est un peu plus complexe car elles ne sont pas habilitées à recevoir des DTS. Il faut être un détenteur officiel de DTS pour avoir un compte, mais cette option présente un ensemble de complexité.

Le sujet de la diversification et de la transformation semble quasiment absent des débats des institutions multilatérales, dont la vôtre, pour qui et qu’est-ce qui doit être fait pour que les lignes bougent sur ce thème ?

Le débat autour de la transformation structurelle des économies africaines s’inscrit dans un contexte très différent aujourd’hui. Je note trois changements “tectoniques” : le changement climatique, les tensions géopolitiques et la transition démographique. La diversification doit donc se placer dans l’orbite de ces changements mondiaux majeurs.

Qu’est-ce que cela implique concrètement ?

Exemple, les pays qui sont encore uniquement basés sur les matières premières et notamment sur le pétrole, vont se retrouver dans les années qui viennent avec une demande internationale en berne et un risque très fort de baisse de leurs revenus. Dans notre rapport, nous montrons que les parts des revenus du pétrole dans les revenus totaux des pays vont passer de 60 % en 2020 à 30 % à moyen termes.
La diversification est donc une nécessité. Et c’est une bonne nouvelle pour le continent, qui peut vendre davantage de minerais et de métaux qui sont très importants pour la transition énergétique. Ces métaux sont nécessaires pour construire des voitures électriques, des turbines, des éoliennes, des panneaux solaires etc. Et l’Afrique peut aussi s’inscrire dans cette tendance mondiale.
L’un des débouchés majeurs est le gaz. Les récents changements géopolitiques font que la demande pour le gaz en Afrique a miraculeusement augmenté ces derniers mois. Nous sommes passés d’un moment où le gaz était vu comme une énergie polluante et on disait aux pays africains qu’il fallait peut-être réfléchir à s’en détouner.
Et aujourd’hui, l’Europe se tourne vers l’Afrique car 40 % des découvertes importantes ces dernières années se situent sur le continent. C’est tout le débat sur ce qu’on appelle la transition énergétique juste. Il ne s’agit pas de dire à l’Afrique de reproduire exactement le même modèle de transition énergétique que le reste du monde, elle ne contribue qu’à 2 ou 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Mais si elle s’approprie cette transition selon ses modèles, elle peut sortir gagnante de cette période. Déjà, une personne sur deux en Afrique subsaharienne n’a pas accès à électricité. Il faut aussi mesurer l’impact en termes de création d’emplois. Pour l’instant, l’appareil de production africain est encore très orienté vers le capital plus que vers l’usage du travail.
Or nous avons 20 millions de personnes qui entrent sur le marché du travail tous les ans, donc, dans ce contexte, il faut que la croissance soit plus intensive. Pour mener à bien ces projets, l’Afrique a besoin d’investissements en adaptation.
L’Afrique est à la fois riche en matières premières, dont le pétrole, qui ne sont pas les matières premières de demain. Mais sa chance est d’être également riche de matières premières de demain, celles qui sont nécessaires pour la transition énergétique.

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