Africa-Press – Guinee Bissau. Des réseaux criminels profitent de l’isolement et de l’absence totale de forces de sécurité dans l’archipel des Bijagos pour en faire un sanctuaire de l’émigration clandestine, utilisant des ports improvisés par les pêcheurs locaux pour embarquer des personnes désespérées voulant atteindre l’Europe, via l’Espagne, à la recherche d’une vie meilleure.
L’archipel des Bijagos est composé de 88 îles et îlots, pour la plupart inhabités. Certaines îles sont totalement dépourvues de contrôle par les forces de sécurité, qui déplorent également un manque d’embarcations pour patrouiller, facilitant ainsi les activités des réseaux criminels.
Notre équipe de reportage a appris, auprès des autorités locales, des chefs traditionnels et des ONG opérant dans la région de Bolama, que l’archipel est utilisé de longue date comme route pour l’émigration clandestine. Ce fait a été confirmé par un responsable de l’association des pêcheurs et par le chef du village de São João, qui a affirmé que, avant la première opération sécuritaire de novembre 2023 ayant conduit à l’arrestation de plus de trente migrants clandestins, plusieurs groupes avaient déjà embarqué du port de São João.
LE RÉSEAU S’ÉTEND AU CŒUR DE L’ARCHIPEL
La brigade maritime et la garde côtière de Caravela ont intercepté, le 29 mars dernier, un groupe de 90 migrants clandestins à destination de l’Espagne. Parmi eux, 4 Guinéens, 66 Guinéens de Conakry et 20 Sénégalais.
Une source sécuritaire a indiqué que ces migrants avaient été rassemblés dans le village de Correti, à 18 km de Caravela, un lieu isolé favorisant l’embarquement clandestin. Chaque migrant aurait payé 500 000 francs CFA à la filière.
LE PORT DE BANDIM, CENTRE DE RECRUTEMENT
Selon une source de sécurité, le réseau dispose de nombreux collaborateurs recrutant dans tout le pays, notamment au port de pêche et au marché de Bandim, ciblant surtout des étrangers (Guinée-Conakry, Sénégal, Sierra Leone) et des jeunes Guinéens rêvant d’Europe.
Un membre d’une organisation de pêcheurs a confirmé que de nombreux jeunes, pêcheurs ou vendeurs de café, sont des clients de ces réseaux.
Un responsable des services de renseignement a expliqué anonymement que ces réseaux sont généralement dirigés par des étrangers collaborant avec des nationaux. En novembre 2023, une force mixte a démantelé une cellule de 40 migrants clandestins à Sandjon.
Des responsables identifiés: Ussumane (Sénégalais), Braima et Dumbia (Guinée-Conakry), auraient encaissé des millions de francs CFA.
LES MARINS PÊCHEURS RECRUTÉS
Une source de la capitainerie a révélé que les réseaux privilégient des marins expérimentés pour piloter les pirogues, souvent sans gilets de sauvetage. Ces marins sont dispensés de paiement mais risquent leur vie.
Un jeune pêcheur de Bubaque a raconté avoir été contacté pour piloter une pirogue transportant plus de 50 migrants, mais a refusé à cause de sa femme enceinte. Il a appris plus tard que le groupe avait quitté l’île.
UTILISATION DU PORT DE SÃO JOÃO
Le comité adjoint de São João, Janilson Armando Cali, a confirmé l’utilisation récente du port pour l’embarquement de migrants, précisant que les migrants arrivent en se faisant passer pour des travailleurs.
Un enseignant local a décrit la situation comme alarmante, appelant le gouvernement à renforcer la présence des gardes-côtes pour contrôler le port, notamment la nuit.
L’ISOLATION DE CARAVELA FAVORISE LES ACTIVITÉS CRIMINELLES
Babacar Sarr, activiste social, a affirmé que l’isolement de Caravela et l’absence de moyens de patrouille permettent aux réseaux criminels d’utiliser la zone.
Il a souligné que São João est un point stratégique reliant directement d’autres mers et l’île de Bolama.
Les réseaux, composés de natifs connaissant parfaitement l’archipel, utilisent des pêcheurs pour manœuvrer les pirogues.
Les pirogues sont construites localement, déplacées vers les zones d’embarquement, et utilisées pour rassembler les migrants avant de naviguer vers l’Espagne.
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