Anticorps de Lama comme Traitement pour Schizophrénie

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Anticorps de Lama comme Traitement pour Schizophrénie
Anticorps de Lama comme Traitement pour Schizophrénie

Africa-Press – Guinee Bissau. Les lamas pourraient-ils contribuer à mieux soigner nos cerveaux? A en croire les conclusions d’une nouvelle étude originale « made in France » tout juste parue dans la prestigieuse revue Nature, la réponse est d’ores et déjà affirmative, en tout cas pour la souris.

Issue de travaux du CNRS, de l’Inserm, et de l’Université de Montpellier, l’étude s’est intéressée à la schizophrénie, cette affection psychiatrique neurodéveloppementale fréquente (1% de la population) dont les causes demeurent mal connues – double dépendance de facteurs génétiques et environnementaux – et dont les traitements, largement perfectibles, font l’objet de nombreuses recherches en cours.

« Une tempête glutamatergique »

Pour rappel, dans cette affection, la survenue de symptômes dits « positifs » (hallucinations, délire, agitation) et « négatifs » (retrait, apathie, dépersonnalisation…) dépend de subtils mécanismes neurobiologiques (excitation, inhibition, modulation…) liés à de complexes interactions entre les différents neurotransmetteurs que sont la dopamine, la sérotonine mais aussi « le glutamate, un neurotransmetteur utilisé par 80% des synapses de notre cerveau », précise à Sciences et Avenir Jean-Philippe Pin, directeur de recherche au CNRS (Université de Montpellier, Institut de génomique fonctionnelle à Montpellier), l’un des signataires de l’étude.

« Au début de la pathologie, c’est-à-dire en général à la fin de l’adolescence, le système glutamatergique excitateur est tout particulièrement affecté chez les schizophrènes, avec ce que l’on appelle en anglais ‘glutamatergic storm’, la tempête glutamatergique, marquée par la présence de taux de glutamate élevés dans le cerveau associés à une hyperactivité neuronale », poursuit le chercheur. C’est bien évidemment la raison pour laquelle, ces dernières années, différentes recherches ont été conduites pour mettre au point des molécules visant à réguler ces récepteurs – il en existe de nombreux sous types -, comme tout particulièrement le mglu2, dit métabotropique car identifié comme pouvant diminuer cette tempête glutamatergique. « Mais les résultats à ce jour des différents essais de phase 3 se sont avérés négatifs, trop peu de patients seulement étant considérés comme répondeurs », précise le scientifique. D’où la nécessité de faire mieux.

« Une découverte fortuite par une équipe belge il y a près de 30 ans »

Avec ce récent travail mené sur des rongeurs, les chercheurs ont eu l’idée de changer d’échelle et de « ruser » en utilisant des anticorps issus de lama dits « nanocorps » justement en raison de leur petite taille. « Cette caractéristique a été découverte de manière totalement fortuite par une équipe belge il y a près de 30 ans, détaille le spécialiste. Les biologistes se sont rendu compte que les camélidés possédaient le même système immunitaire que nous mais qu’ils possédaient, en plus des anticorps particuliers à partir desquels il est possible d’isoler la partie qui reconnaît sa cible, ces nanocorps ayant un poids de 15 kilodaltons (kDa) au lieu de 160 kDa (un dalton correspondant à environ la masse d’un atome d’hydrogène, ndlr). »

Une particularité qui rend d’une part leur production facile en laboratoire mais leur confère aussi une plus grande précision dans leur affinité, ce qui se traduit sur le plan pharmacologique par moins d’effets secondaires. Mais surtout, ces nanocorps peuvent aussi contrôler l’activité de leur cible, soit en l’activant, soit en l’inhibant.

Des anticorps qui pénètrent dans le cerveau

Toutefois, un dogme persistait. Malgré leur petitesse, ils étaient toujours considérés comme ne pouvant pas franchir la fameuse barrière hématoencéphalique (BHE), cet ensemble de cellules et de vaisseaux sanguins protégeant le cerveau. « Or, ce dogme vient de tomber car notre travail démontre qu’ils sont non seulement très spécifiques et agissent rapidement de manière bénéfique sur les symptômes cognitifs des rongeurs mais aussi qu’ils franchissent la BHE et pénètrent dans le cerveau, tout en y persistant même huit jours après une première injection, que celle-ci soit réalisée par voie veineuse ou intra péritonéale », détaille le chercheur.

Une action retardée dans le temps qui laisse entrevoir un usage plus aisé qu’une prise quotidienne, un aspect tout particulièrement intéressant dans une affection où il est important d’améliorer l’adhésion des patients et d’éviter les ruptures thérapeutiques.

Evidemment des essais devront être désormais conduits sur des patients pour confirmer ces résultats, les chercheurs prévoyant déjà de créer leur propre start-up. « Mais notre travail va plus loin, prévoit Jean-Philippe Pin, car il ouvre aussi la porte au développement des nanocorps pour le traitement d’autres maladies du cerveau ». Les lamas ne cracheront évidemment pas sur ces succès potentiels.

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