Africa-Press – Guinee Bissau. Le développement d’un cancer se décide dans la tumeur du malade mais aussi… dans la chair qui l’entoure. Les tissus et les vaisseaux de cette zone, appelée le micro-environnement tumoral, ont la capacité de freiner ou d’accélérer le développement du cancer, révèle une étude publiée dans la revue Science.
“Cet environnement peut faire plusieurs centimètres autour des tumeurs”
Chaque cellule de notre corps contient le même ADN. Mais certains gènes peuvent être plus ou moins exprimés, ce qui influence le comportement de la cellule. Les cellules qui se trouvent autour d’une tumeur, dans le micro-environnement tumoral, n’échappent pas à cette règle. Elles peuvent influencer le développement d’un cancer selon les gènes qu’elles expriment. Ce micro-environnement tumoral complexe varie d’un individu à l’autre.
“On y retrouve des cellules tumorales mais aussi des cellules qui ont l’air normales, qu’on voit dans d’autres tissus, sans mutation. Ce ratio peut énormément varier. Cet environnement peut faire plusieurs centimètres autour des grosses tumeurs ou être plus petit. C’est un véritable écosystème”, explique à Sciences et Avenir Mikaël Pittet, notamment professeur ordinaire à la Faculté de médecine de l’Université de Genève (Suisse), titulaire de la Chaire ISREC en immuno-oncologie et directeur du Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie.
Son équipe vient de mettre le doigt sur deux gènes cruciaux : CXCL9 et SPP1. Les malades chez qui CXCL9 est plus exprimé ont de meilleures chances face au cancer. À l’inverse, ceux chez qui le gène SPP1 est plus exprimé en ont moins. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements anticancéreux.
Inciter les cellules à tuer la tumeur
Pour essayer de comprendre les variations de cancer entre les individus, l’équipe a observé 52 tumeurs de la tête et du cou afin de les comparer. À la lumière de la génétique, ils ont remarqué que les gènes CXCL9 et SPP1 influençaient le comportement des macrophages qui les expriment. Ces grosses cellules sont connues pour pouvoir phagocyter (détruire) les éléments étrangers dans l’organisme, comme les virus ou les bactéries. Mais sous l’effet de ces deux gènes, les macrophages adoptent toute une série de comportements favorables ou défavorables au développement de la tumeur.
“Les macrophages peuvent bien sûr phagocyter les cellules de la tumeur mais pas seulement. Ils produisent tout un tas de facteurs qui vont permettre de la tuer et influencer les autres cellules dans ce sens. À l’inverse, les macrophages peuvent aussi promouvoir la tumeur : favoriser la création de vaisseaux sanguins qui vont la nourrir et la faire croître ou même aider les cellules à naviguer pour aller créer des métastases”, détaille Mikael Pittet.
Les travaux montrent même que les composants de l’écosystème tumoral sont influencés par l’expression de cette paire de gènes. Si CXCL9 est plus exprimé que SPP1 dans les macrophages, alors les autres cellules du micro-environnement tumoral vont combattre la tumeur. Si le rapport est inversé, alors elles favorisent son développement. “Toute cette coordination entre les cellules a vraiment été une surprise pour nous. On connaissait ces mécanismes isolément, mais finalement, tout est connecté”, confie Mikael Pittet.
Contourner les résistances
Avant que de nouveaux traitements ne reposent sur cette découverte, de plus amples travaux vont être nécessaires. Cette étude fondamentale ne dit pas, par exemple, s’il est possible de manipuler ces gènes pour tenter de ralentir le cancer. Une nouvelle étude est déjà en cours afin d’essayer de prédire les réponses des malades aux traitements selon les gènes exprimés dans leur environnement tumoral.
“Nous espérons pouvoir comprendre d’où viennent les résistances des patients à certains traitements, peu importe le site où la tumeur est localisée. À terme, différentes drogues pourraient permettre de contourner cette résistance et améliorer les chances de chacun. Le premier volet de l’étude est terminé et nous recrutons à nouveau des patients”, explique Mikael Pittet. On sait déjà largement que le système immunitaire peut avoir un impact sur le cancer. L’immunothérapie permet de le stimuler pour cibler les tumeurs. Mais cette technique ne fonctionne pas chez tout le monde. Cette fois, le chercheur espère réussir à comprendre comment manipuler les composants du micro-environnement pour éliminer la tumeur. Et faire en sorte que cette bataille ne se joue plus toute seule dans les gènes.
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