Africa-Press – Guinee Bissau. Il s’est montré efficace contre plus de 130 souches de bactéries multirésistantes dont certaines sont mortelles. Un nouvel antibiotique, décrit dans Nature, est parvenu à éliminer certaines souches mortelles de bactéries contre lesquelles aucun médicament n’existait jusque-là. Ce médicament prometteur sait aussi faire la différence entre les bonnes et les mauvaises bactéries de notre intestin, préservant ainsi la flore du microbiote.
Il existe deux grandes catégories de bactéries: les Gram positives et les Gram négatives. Elles portent cette appellation car certaines sont visibles grâce à une coloration (appelée coloration de Gram) quand les autres ne le sont pas. Et il existe des bonnes bactéries et des mauvaises bactéries aussi bien chez les Gram négatives que les Gram positives. Mais pour le moment, la majorité des antibiotiques sont destinés à combattre les bactéries Gram positives.
Préserver la flore intestinale
Première avancée, le nouvel antibiotique imaginé par l’Université d’Illinois parvient bien à cibler des bactéries Gram négatives, contre lesquelles il n’existait pas beaucoup de solutions. Le peu de médicaments déjà disponibles contre les infections Gram négatives tuent également d’autres bactéries Gram négatives qui sont bonnes pour l’organisme. “Au fil des ans, la recherche a montré que l’élimination des bactéries de notre intestin pouvait mener au développement et à la progression de nombreuses maladies. La dysbiose affecte aussi bien la nutrition, la digestion, le métabolisme mais aussi la réponse immunitaire de l’organisme. Surtout, cela augmente la vulnérabilité à des pathogènes opportunistes qui viennent coloniser l’intestin, comme Clostridium difficile”, explique à Sciences et Avenir le Dr Kristen Muñoz, spécialisée en biochimie à l’Université d’Illinois. L’infection à Clostridium difficile se caractérise par une colite, une inflammation de l’intestin et des diarrhées aux complications potentiellement mortelles.
Pour éviter de cibler les bactéries Gram négatives sans différencier les bonnes des mauvaises, l’équipe a cherché, en partenariat avec AstraZeneca, une cible qui serait propre aux bactéries Gram négatives. Une tâche difficile puisque les bactéries Gram positives et Gram négatives partagent de nombreuses protéines cibles et de nombreux mécanismes. “Nous recherchions en particulier une protéine qui serait essentielle à la croissance et à la viabilité de la bactérie”, poursuit le Dr Muñoz. Et ils y sont parvenus: les bactéries Gram négatives possèdent deux membranes, une de plus que les Gram positives, sur lesquelles l’antibiotique est parvenu à cibler un récepteur.
Une solution contre les bactéries multirésistantes
Dans une série d’expériences, ce nouveau composé, appelé lolamicine, s’est montré capable de cibler 130 souches de bactéries multirésistantes – dont certaines sont mortelles pour l’humain – issues de trois grandes familles de bactéries (Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, et Enterobacter cloacae). Aucun effet n’a été détecté sur les bactéries Gram positives en culture cellulaire.
A des doses élevées, la lolamicine est parvenue à éliminer 90% de ces souches. “La plupart d’entre elles sont résistantes à plus d’une trentaine d’antibiotiques utilisés en soins. Parmi ces souches multi-résistantes, on retrouve même des bactéries résistantes à la Colistin. C’est pourtant un antibiotique Gram négatif qu’on utilise à l’hôpital en dernière ligne, malgré une haute nephrotixicité (dangerosité pour les reins, ndlr) chez les patients. Et la lolamicine a été efficace contre toutes ces souches multirésistantes”, se félicite le Dr Muñoz.
En parallèle, lorsqu’elle est administrée de façon orale à des souris, la lolamicine a permis à 100% d’entre elles de guérir de septicémie et 70% ont survécu à une pneumonie. La souris, rappellent les chercheurs, possède un modèle de microbiote très proche de celui de l’humain et les antibiotiques causant des déséquilibres chez la souris ont le même effet chez nous.
Si ces avancées semblent prometteuses, la lolamicine ne sera pas commercialisée avant de nombreuses années. “Nous aimerions tester la molécule sur d’autres souches puis entamer des essais cliniques sur l’Homme”, explique à Sciences et Avenir le Pr Paul Hergenrother, chimiste à l’Université d’Illinois et auteur de l’article paru dans Nature. Comme pour tout nouvel antibiotique, les chercheurs vont également devoir déterminer en combien de temps une antibiorésistance finit par survenir.
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