Ces maladies infectieuses favorisées par le réchauffement climatique

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Ces maladies infectieuses favorisées par le réchauffement climatique
Ces maladies infectieuses favorisées par le réchauffement climatique

Africa-Press – Guinee Bissau. Sciences et Avenir: Avec le changement climatique, de plus en plus de pathologies exotiques arrivent en Europe.

Anna-Bella Failloux: Pour la France hexagonale, j’insisterai sur l’importance du moustique-tigre (Aedes Albopictus), espèce invasive arrivée en 2004 dans le sud-est et qui couvre aujourd’hui quasiment tout le pays, capable de transmettre jusqu’à 26 arbovirus – des virus qui ont besoin des insectes pour cette transmission.

Il est à l’origine de cas autochtones de dengue, dont certains en région parisienne en 2023, ce qui est inhabituel puisque l’essentiel des cas se signalaient jusqu’à présent sur le pourtour méditerranéen.

Il y a aussi eu, par le passé, de premiers cas de chikungunya en 2010 et de zika en 2019. Parallèlement, un autre moustique (Culex Pipiens) est à l’origine de la transmission de deux autres virus, West Nile et Usutu, qui affectent essentiellement les oiseaux, et sont à l’origine d’encéphalites chez l’Homme.

A noter le partage des tâches entre les Aedes et les Culex, les premiers piquant pendant la journée et les seconds essentiellement la nuit.

Il est très important de regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde car d’autres virus, profitant des déplacements des humains, peuvent arriver sur le territoire depuis les zones confrontées toute l’année aux moustiques. Pour l’instant, dans l’Hexagone, la dengue (par exemple) se limite à la saison des moustiques, une période limitée d’environ quatre mois, autour de l’été. Il faut faire attention de ne pas être piqué pendant ces quatre mois.

Moustique d’eaux propres, moustique d’eaux sales
Comment ces moustiques prolifèrent-ils ?

Le moustique-tigre Aedes colonise des gîtes artificiels créés par l’Homme, des contenants peu chargés en matières organiques, seaux, pneus, gouttières, une chaussure de tennis qui se remplit d’eau. C’est le moustique des eaux propres.

Le moustique Culex colonise des gîtes de plus grande taille, d’origine naturelle et chargés en matières organiques, caniveaux, stations d’épuration. C’est le moustique des eaux sales.

Dans la région parisienne fortement peuplée, le premier prolifère comme évoqué ci-dessus, car il y trouve quelque sorte « le gîte et le couvert » ! On observe cette configuration dans les pays tropicaux, dans les mégapoles telle la ville de Rio par exemple, où les moustiques prolifèrent dans les favelas à forte densité humaine et où les gens stockent de l’eau, vu les problèmes d’adduction et d’évacuation de cette eau.

Comment se fait la transmission des maladies ?

La femelle moustique (il n’y a qu’elle qui pique) trouve dans le sang qu’elle ingère tout ce qu’il lui faut pour développer ses œufs. Quand elle pique une personne et lui prend du sang, elle peut également ingérer des virus qui se trouvent dans ce sang, si la personne est infectée et a développé une virémie.

S’il n’y a pas de compatibilité entre le virus ingéré et le moustique, le virus est digéré. C’est le cas, par exemple, du virus Sars-Cov-2 de la Covid, qui n’est pas reconnu par le moustique, est digéré, et n’est donc pas transmis par lui.

En revanche, dans le cas du virus de la dengue, du chikungunya, de zika… plus de 25 virus qui peuvent être transmis par le moustique-tigre, ceux-ci sont reconnus et traversent la paroi de l’estomac de l’insecte, échappant ainsi à leur dégradation par digestion.

Ils se retrouvent dans le corps du moustique et se multiplient dans tous les organes, notamment dans les glandes salivaires. Quand le moustique pique à nouveau en émettant de la salive – une salive qui contient un anticoagulant favorisant la fluidité du sang – il libère du virus dans celui qu’il pique. C’est ainsi que se passe la transmission.

Seulement 15% des 3500 espèces de moustiques sont capables de piquer l’être humain
Comment se fait l’importation des maladies ?

Il faut qu’une personne infectée arrive sur le territoire, ce qui dépend de la situation épidémiologique en dehors de la France hexagonale.

Pendant les vacances scolaires, si une épidémie de chikungunya par exemple s’est développée dans une région où se rendent les voyageurs, il y a risque d’une introduction dans l’Hexagone. Et si c’est une saison où la densité de moustiques est forte, les ingrédients sont réunis pour que se développent des cas autochtones.

Bien d’autres virus circulent mais dans des cycles “sauvages”, en Amérique du Sud, en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-est, des virus qui ne sont pas encore passés totalement à l’Homme, mais affectent principalement des animaux.

Il faut rappeler qu’il y a seulement 15% des 3500 espèces de moustiques qui sont capables de piquer l’Homme. Les autres piquent les animaux.

Ces cycles se déroulent de façon autonome sauf si l’Homme vient en incursion dans ces sanctuaires, à cause d’un changement lié aux pratiques agricoles, à la déforestation… Par hasard, un humain se fait piquer par un moustique – qui ne devrait pas le piquer, cette personne infectée revient dans son village ou dans sa ville et tombe malade. Là, elle se retrouve piquée par des moustiques qui ne piquent que l’homme, tels le moustique-tigre ou l’Aedes egypti et une épidémie démarre.

Parce qu’il y a une grande proportion de cas asymptomatiques, des gens infectés mais qui ne sont pas malades et donc sont susceptibles de voyager, la diffusion des virus va au-delà de sa zone d’émergence, et une pandémie peut se déclarer. Ce n’est pas le moustique qui voyage, mais les gens qui voyagent après s’être infectés dans une zoneoù se trouve un moustique compétent pour la transmission du virus.

Vaccins contre la dengue

Contre la dengue, 400 millions de personnes infectées tous les ans, la maladie arbovirale la plus meurtrière, qui fait environ 40.000 morts par an, Sanofi-Pasteur fabrique un vaccin nommé Dengvaxia, qui ne peut être injecté qu’aux personnes entre 9 et 49 ans et ayant déjà eu la maladie. Un autre vaccin, TK-003, élaboré par l’entreprise japonaise Takeda, a été approuvé récemment par l’agence européenne du médicament.

Faut-il redouter le chikungunya ?

Le virus est capable de se multiplier beaucoup plus vite que celui de la dengue. En laboratoire, on le retrouve deux jours après dans la salive du moustique, contre dix jours pour le virus de la dengue. Cela donne un caractère fulgurant à l’épidémie. Ce qui a été le cas en 2007, en Emilie-Romagne (Italie), avec 1 cas importé venant d’Inde, resté quatre heures dans un village, qui a généré à lui tout seul plus de 300 cas !

En 2017, il y a eu une nouvelle épidémie près de Rome, avec 300 à 400 cas. Il est très difficile de réagir et de mener une lutte anti-vectorielle efficace quand les cas de maladie se développent aussi vite. Voilà pourquoi il faut se prémunir du moustique-tigre qui peut être à l’origine de toutes les épidémies du monde…

Comment s’en prémunir ?

On va devoir vivre avec lui ! S’il couvre quasiment la France entière aujourd’hui, après être arrivé en 2004, cela signifie qu’on n’est pas capable d’arrêter sa progression, même dans un pays développé comme la France.

Pourquoi ?

Parce que ce moustique est une espèce invasive aux caractéristiques biologiques particulières. Ses œufs, enveloppés d’une coque imperméable à base de chitine, sont capables de supporter la sécheresse pendant des mois, voire une année.

Si les femelles meurent, à la fin de la saison des moustiques, à cause d’une baisse de température, les œufs pondus dans des contenants artificiels – par exemple sur les parois de vos bacs à fleurs, vont résister, d’autant plus que vous les aurez mis au sec pendant l’hiver. Et puis, quand vous les ressortirez et y verserez de l’eau, les œufs vont éclore. Comme dit plus haut, il faut faire très attention à l’accumulation d’eau.

Le mystère de l’absence de fièvre jaune en Asie
Est-ce que l’augmentation de la température pourrait aussi faire disparaître les moustiques ?

Si la température augmente trop, on peut effectivement se retrouver avec moins de moustiques – dans le Sahara, il n’y en a pas !

Mais alors, ils migrent vers des zones moins chaudes, les oasis et leurs plans d’eau, ou alors ils s’adaptent. En se reproduisant toutes les trois ou quatre semaines, ils ont une capacité d’adaptation énorme.

Les moustiques sont apparus sur terre il y a 240 millions d’années, je pense qu’ils seront toujours là après que le genre humain aura disparu !

Avec la fonte du pergélisol, y a-t-il le risque de voir de nouvelles maladies se propager ?

Si le permafrost libère toute son histoire de pathogènes, aujourd’hui, je ne suis pas sûre qu’on soit préparés pour toutes les pathologies.

Cela étant, nous humains sommes les survivants de tout ce qui s’est passé avant, nous avons été sélectionnés depuis des millénaires pour pouvoir supporter l’environnement d’aujourd’hui. Il faut faire attention, mais je ne suis pas trop inquiète.

Pourrait-on voir apparaître du paludisme ?

La maladie a moins de caractère épidémique que celles dont on vient de parler.

Elle vient d’un parasite qui s’est très bien adapté à l’Homme. Mais il faut savoir que chaque région du monde a son propre paludisme, son propre parasite et son propre moustique et qu’il n’y a pas d’espèce de moustique qui favorise la transmission dans le monde entier.

L’anophèle dont les œufs ne supportent pas la sécheresse, n’est pas une espèce invasive. Le paludisme est plus difficilement transportable.

Y a-t-il un danger méconnu ?

l y a un mystère, c’est l’absence de fièvre jaune en Asie. Pourtant, il s’y trouve une quinzaine de moustiques qui peuvent transporter le virus et on ne comprend pas les raisons de cette absence.

Si brusquement, cela changeait et que survienne une épidémie, dans une région aussi peuplée, la situation pourrait être difficile. Une des frayeurs de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de ne pas disposer d’assez de vaccin.

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