Comme les mammifères, cet amphibien produit du lait pour ses bébés

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Comme les mammifères, cet amphibien produit du lait pour ses bébés
Comme les mammifères, cet amphibien produit du lait pour ses bébés

Africa-Press – Guinee Bissau. Dans le règne animal, la maternité peut prendre de nombreuses formes parfois étonnantes. Qu’il s’agisse des oiseaux, des reptiles, des amphibiens ou des poissons, la plupart des vertébrés se reproduisent grâce à des oeufs dont le jaune nutritif sert initialement à nourrir leur progéniture avant l’éclosion. Les choses sont toutefois radicalement différentes chez les mammifères qui nourrissent leurs petits grâce à un lait très riche. Toutefois, certaines créatures peuvent parfois transgresser les lois de la nature et adopter des comportements uniques. D’après une étude, c’est le cas de Siphonops annulatus, un animal surprenant qui nourrit sa descendance avec une substance proche du lait, chose qui n’avait jamais été observée auparavant chez un amphibien.

Un amphibien particulièrement singulier à plusieurs égards

Siphonops annulatus est une espèce de gymnophione de la famille des Siphonopidae. Cet amphibien vermiforme sans membre et muni d’yeux rudimentaires vit sous terre. Par ailleurs, il survit, se reproduit et s’observe très mal en laboratoire, ce qui complexifie grandement son étude. Cela n’empêche toutefois pas certains scientifiques passionnés par ces animaux ahurissants de poursuivre leurs recherches pour mieux les comprendre. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont des spécificités et comportements stupéfiants. Comme l’explique Carlos Jared, qui les étudie depuis près de cinquante ans à l’Institut Butantan, à São Paulo (Brésil): « c’est comme s’ils venaient d’une autre planète. Pour moi, ils sont comme des Martiens. »

Par exemple, en 2020, il avait été découvert que cet animal est venimeux. Il possède en effet des glandes à venin sous sa lèvre supérieure qui ne sont pas sans rappeler celles du serpent dans une version plus primitive. Sa bouche étant son seul instrument de chasse, il peut ainsi sécréter des toxines pour paralyser ses proies.

Toutefois, sa caractéristique la plus intrigante est que ses bébés se nourrissent de la peau de leur mère une fois par semaine. Néanmoins, un détail chiffonnait le chercheur brésilien et ses collègues: « Ils sont tellement, tellement actifs… il est impossible qu’ils ne mangent qu’une ou deux fois par semaine. » Ce mode d’alimentation trop rare ne pouvait donc pas expliquer pleinement le développement rapide de ces petits pleins d’énergie qui grandissent de 150 % dans leur première semaine de vie. Des années d’observation ont cependant permis de percer le mystère.

Siphonops annulatus produit du lait comme les mammifères

Si l’idée que cet animal produisait du lait était déjà présente dans les esprits des chercheurs depuis 1987, ce n’est que très récemment que l’équipe en a finalement reçu la confirmation. Il lui aura fallu plusieurs voyages dans les plantations de cacao nichées dans les forêts brésiliennes pour attraper seize mères de cette espèce ainsi que leurs nombreux bébés. De retour au laboratoire, ces Cécilies furent filmées pendant deux mois, de la naissance jusqu’à leur prise d’indépendance. Grâce à ces caméras, les chercheurs ont pu remarquer que la progéniture se réunissait toujours au niveau du même endroit, au niveau de la queue de la mère, au niveau de l’évent. Ils ont aussi pu identifier une substance très comparable au lait qui en sortait.

Après analyse, il en est ressorti que cet ovipare produit bel et bien un lait oviductal composé principalement de lipides et de glucides finalement pas très éloigné de celui des mammifères et produit par les glandes hypertrophiées de l’épithélium oviductal maternel. Si cela n’était pas déjà assez étonnant, les scientifiques ont aussi expliqué que la sécrétion de ce lait était une réponse directe à une stimulation tactile ou acoustique par les nouveau-nés.

Comment expliquer une caractéristique aussi fascinante chez un amphibien ?

Cette forme de nutrition, jamais observée jusqu’ici chez les ovipares pourrait être apparues pour la même raison que chez les humains. Comme l’explique Marvalee Wake, une professeure à l’Université de Californie, Berkeley, qui n’a pas participé à l’étude, les tout-petits naissent bien avant de pouvoir se débrouiller seuls. Ils sont donc vulnérables, ce qui a poussé la mère à produire du lait. On peut dans ce cas parler d’évolution convergente qui implique le développement de caractéristiques similaires chez des lignées pourtant complètement distinctes.

Pour Marta Antoniazzi, une collègue de Carlos Jared, il s’agit surtout d’un rappel que des animaux extrêmement différents, comme des chiots et amphibiens souterrains, peuvent partager de nombreux points communs. « La nature est très créative. Parfois, elle donne la même solution à différents groupes d’animaux », ajoute-t-elle.

En tous les cas, cette étude n’est qu’un début. En effet, on ne sait pour l’heure toujours pas si d’autres gymnophiones en produisent, ni comment, pourquoi, quand et où le lait d’amphibien est apparu. Néanmoins, comme le conclut David Blackburn, qui travaille au Musée d’histoire naturelle de Floride et n’a pas participé à ces travaux, l’évolution dans le monde des amphibiens est ponctuée de techniques de reproduction et d’histoires « totalement étranges ». Parfois, elles sont tellement bizarres que la science peut mettre du temps à les comprendre pleinement. Cependant, cette espèce a été identifiée pour la première fois en 1822. « Donc, cela nous a pris seulement 200 ans […], plus de 200 ans pour découvrir cela. Les Cécilies continuent de surprendre. »

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