Africa-Press – Guinee Bissau. La révolution des vaccins à ARN n’est pas prête de s’estomper ! Cette technique qui a vu le jour durant la pandémie du Covid-19 et nous a aidés à contrôler ce satané coronavirus, a valu le prix Nobel à ses concepteurs, Katalin Karikó et Drew Weissman.
Cependant, ces vaccins n’étaient pas exempts de défauts. La fragilité de l’ARN messager, qui est détruit rapidement une fois libéré dans les cellules, coupe la durée d’efficacité de ces vaccins, rendant nécessaires les rappels réguliers. Et, comme expliqué précédemment dans Sciences et Avenir, augmenter la dose n’est pas une solution, car cela pourrait augmenter le risque d’effets secondaires indésirables.
Mais une nouvelle version de ces vaccins, capable de se multiplier une fois dans le corps, pourrait remédier à ces problèmes en conservant l’efficacité des vaccins dans le temps, tout en diminuant la dose initiale, et donc le risque d’effets indésirables. Un de ces vaccins réplicatifs vient d’être validé pour la première fois par une autorité sanitaire, au Japon, suite à des résultats montrant son efficacité accrue.
L’ARN du virus est multiplié dans la cellule par une réplicase à ARN
Les vaccins à ARN contiennent les instructions (l’ARN messager) pour que les cellules fabriquent une protéine virale (la protéine Spike dans le cas du coronavirus). Tant que l’ARN messager est présent, la machinerie cellulaire fabriquera ces protéines virales, ce qui entrainera la fabrication d’anticorps contre cette protéine étrangère au corps.
Mais cette production s’arrête dès que l’ARN messager a été dégradé et ensuite le nombre d’anticorps décline, réduisant leur protection contre le virus. Les vaccins à ARN auto-amplifiants évitent ce problème en ajoutant, en plus de l’ARN de la protéine virale, l’ARN codant pour une réplicase, protéine qui a la capacité de répliquer l’ARN viral. Ainsi, l’ARN messager du virus est multiplié dans la cellule, ce qui permettrait une production à long terme de la protéine virale, et donc une génération continue d’anticorps contre le virus pendant une plus longue période.
Le ministère de la Santé japonais a annoncé le 27 novembre 2023 avoir validé le premier de ces vaccins à ARN auto-amplifiant contre le Covid, produit par la compagnie pharmaceutique américaine Arcturus Therapeutics. Ce vaccin nommé ARCT-154 est composé de l’ARN codant pour la protéine Spike et de celui codant pour la réplicase d’un virus, le virus de l’encéphalite équine vénézuélienne. Ce virus peut être mortel pour les humains, mais les concepteurs du vaccin ont retiré tous les gènes qui rendent ce virus dangereux et n’ont gardé que ceux nécessaires à la réplication de l’ARN viral.
Une dose plus basse, mais une protection plus élevée
Pour cette validation, les autorités japonaises se sont basées sur les résultats de deux études sur ce vaccin. La première, mise en ligne en tant que preprint le 13 juillet 2023 (étude pas encore revue par les pairs), a comparé la production d’anticorps suite à un rappel effectué avec ce vaccin ou celui de Pfizer. Un total de 828 participants de plus de 18 ans ont reçu l’un des deux vaccins dans cet essai randomisé, réalisé entre décembre 2022 et février 2023 au Japon. Et grâce à sa capacité réplicative, le vaccin ARCT-154 pouvait être injecté à une dose six fois plus basse que celle de son concurrent (5 microgrammes contre 30 pour le vaccin de Pfizer-BioNTech).
Quatre semaines après l’injection, le nombre d’anticorps contre le coronavirus a grimpé dans les deux groupes, mais de façon plus significative avec le vaccin auto-amplifiant: cette quantité a été multipliée par 6,7 dans ce groupe, contre seulement 4,4 dans le groupe Pfizer, malgré la dose beaucoup plus élevée de ce vaccin. “Cette nouvelle plateforme d’ARN messager auto-amplifiant semble induire des réponses plus élevées, une caractéristique très souhaitable dans une période d’évolution virale continue”, concluent les auteurs.
Et ce sans causer plus d’effets secondaires. Dans les deux groupes, la grande majorité des effets étaient bénins (douleur au site de l’injection ou mal de tête passager, par exemple) et il n’y a pas eu d’effet secondaire grave nécessitant l’intervention d’un médecin. L’étude continuera à suivre les participants durant 12 mois pour analyser la durabilité de la protection octroyée par ces vaccins, ainsi que détecter l’apparition de tout effet secondaire à moyen ou long terme.
La deuxième étude, publiée aussi comme preprint le 20 septembre 2023, a été réalisée au Vietnam avec plus de 8.000 participants et a analysé la protection du vaccin ARCT-154 contre les formes graves du Covid. La protection contre l’infection était relativement faible (56,6%), mais la protection contre les formes graves de la maladie était de 95,3 %.
Une validation en Europe est attendue en 2024
Ce vaccin semble donc aussi efficace que les autres vaccins à ARN contre le Covid-19, au moins à court terme. Il reste à savoir si sa capacité réplicative conservera cette efficacité plus longtemps que ces concurrents, évitant le besoin de rappels incessants. S’appuyant sur ces résultats, l’Agence européenne des médicaments a validé ce vaccin auto-amplifiant en septembre 2023, en attendant une validation définitive par la Commission européenne, qui pourrait prendre sa décision en 2024.
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