Africa-Press – Guinee Bissau. Qu’elles soient longues et visqueuses, larges et bosselées, poilues ou encore fissurées, nos langues et leurs papilles sont peut-être encore plus uniques que nous le pensions.
En analysant des images 3D de langues humaines, des chercheurs britanniques ont découvert que chacun d’entre nous pourrait avoir une “empreinte de langue” unique, tout comme nous avons des empreintes digitales individuelles. Leur étude, publiée le 14 décembre 2023 dans la revue Scientific Reports, offre un aperçu sans précédent de la composition biologique de la surface de notre langue et pourrait permettre de mieux comprendre pourquoi nos préférences alimentaires sont aussi variées.
Cartographier la répartition des papilles
Longue en moyenne d’une dizaine de centimètres et dotée de 17 muscles, notre langue est un organe complexe et sophistiqué, couvert de centaines de petits bourgeons, appelés papilles. Certaines papilles – nommées “fongiformes” – contiennent les papilles gustatives et détectent les saveurs, tandis que d’autres, plus fines, nommées “filiformes”, permettent à notre langue de tâter et de percevoir la texture, la position, le mouvement, l’adhérence ou encore l’onctuosité des aliments.
Les papilles peuvent également influencer nos réactions psychologiques à la nourriture. Par exemple, la vitesse à laquelle nous mangeons semble être essentiellement dictée par notre perception du goût des aliments, tout comme notre préférence pour certains d’entre eux, tels que le chocolat. Mais si la fonction gustative des papilles a fait l’objet de nombreuses recherches, on en sait beaucoup moins sur leurs différences de taille, de forme et de configuration d’un individu à l’autre.
Pour y parvenir, la doctorante à l’Université d’Édimbourg, Rayna Andreeva, et son équipe ont entraîné un modèle informatique d’intelligence artificielle (IA) à reconnaître – à l’aide de milliers de scans microscopiques de papilles individuelles, prélevés sur des moules en silicone de la langue de 15 participants – différents types de papilles.
“En cartographiant leur taille, leurs caractéristiques et leur emplacement sur la surface de la langue, nous avons découvert que les papilles se distinguent les unes des autres”, explique à Sciences et Avenir Rik Sarkar, maître de conférences à l’Université d’Édimbourg et co-auteur de l’étude.
Une “empreinte de langue” unique
L’étude révèle qu’une seule papille pouvait permettre de prédire le sexe et l’âge d’une personne avec une précision modérée – allant de 67 % à 75 % –, et même qu’une personne spécifique pouvait être identifiée parmi les 15 participants à l’étude avec une précision d’environ 48 % (un outil de prédiction aléatoire aurait obtenu une précision de seulement 6,66 %). Il s’agit là de la première évidence démontrant que les papilles de la langue humaine constituent un élément d’identification unique.
“Nous avons été surpris de constater à quel point ces caractéristiques de la taille d’un micron (un millième de millimètre) sont uniques pour chaque individu”, s’enthousiasme Rik Sarkar.
Bien que d’autres recherches soient nécessaires pour confirmer ces résultats sur un plus grand nombre de personnes, l’étude fournit l’une des premières preuves que les papilles de la langue peuvent servir d’identificateurs uniques, estiment les chercheurs.
“La découverte du caractère unique des papilles chez l’humain est passionnante. Je pense que cela ouvrira de nouvelles pistes de recherche sur la manière dont cette singularité des papilles affecte notre perception”, complète Anwesha Sarkar, professeure à l’Université de Leeds et co-autrice de l’étude.
Prévenir les pathologies bucco-dentaires
Ces travaux sur la répartition des papilles selon les individus et les populations pourrait permettre de mieux comprendre pourquoi certaines personnes apprécient davantage certains aliments que d’autres, et d’identifier les signes précoces de diverses pathologies bucco-dentaires.
L’étude pourrait également contribuer à la conception d’aliments personnalisés. “Imaginez que l’on puisse concevoir des aliments personnalisés, adaptés aux préférences de personnes spécifiques et de populations vulnérables, et garantir ainsi qu’elles puissent bénéficier d’une nutrition adéquate tout en appréciant leur nourriture”, ajoute Rik Sarkar.
Par exemple, une meilleure compréhension des mécanismes physiques qui se produisent lorsque des personnes différentes mangent du chocolat pourrait conduire à des alternatives offrant un goût et des sensations similaires, mais avec une teneur en matières grasses plus faible.
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