Edulcorants : les boissons qui en contiennent auront un Nutri-Score moins favorable

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Edulcorants : les boissons qui en contiennent auront un Nutri-Score moins favorable
Edulcorants : les boissons qui en contiennent auront un Nutri-Score moins favorable

Africa-Press – Guinee Bissau. Sciences et Avenir : c’est la première fois que le Nutri-Score prend en compte un additif dans son calcul. Pourquoi avoir souhaité ajouter ce paramètre à l’algorithme qui calcule le Nutri-Score des boissons ?

Professeure Chantal Julia : Pour proposer aux consommateurs une gamme de produits avec un bon Nutri-Score (B étant la meilleure note pour les boissons en dehors de l’eau), les fabricants de boissons sucrées remplacent le sucre par des édulcorants. En l’état actuel des connaissances, si les études à court terme ne semblent pas montrer d’effet délétère sur la santé, en revanche, sur le long terme, un travail scientifique de synthèse mené par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) associe la consommation de ces additifs à un risque accru de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et même de surmortalité… D’ailleurs, dans une directive rendue publique en mai 2023, l’organisation internationale alerte et conseille vivement de limiter la consommation d’édulcorants. Le comité scientifique du Nutri-Score a jugé qu’il était nécessaire de prendre en compte ces nouvelles données et de ne pas promouvoir la consommation de boissons contenant des édulcorants.

BIO EXPRESS Chantal Julia est professeure et nutritionniste à l’Université Paris 13. Après des études de médecine, elle s’est orientée vers la recherche et a mené un projet de thèse en épidémiologie nutritionnelle, sur les relations entre nutrition et inflammation de bas grade (c’est-à-dire une inflammation interne qui ne donne pas de signe extérieur). Ensuite, elle a travaillé à la conception et à la validation du Nutri-Score. Aujourd’hui, elle représente la France au comité scientifique gérant l’algorithme du logo, qui depuis sa création a été adopté par six autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse).

“Les boissons lactées peuvent être riches en acides gras et en sucres”

L’algorithme est sévère pour les sucres présents dans les boissons. Les Français en consomment-ils trop ?

Oui, plusieurs études le montrent. Prenons l’exemple des enfants. L’étude Esteban (Etude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition), qui s’intéresse à plusieurs aspects de la santé des Français, montre que la consommation des boissons sucrées chez les enfants est élevée : plus d’un tiers des petits Français consomment plus d’un demi-verre par jour de boissons sucrées (le seuil recommandé à ne pas dépasser chez les enfants).

Or, l’effet délétère des sucres libres sur la santé n’est plus à démontrer. Avec un Nutri-Score moins favorable (C, D, E) nous espérons envoyer un message fort : les sodas et autre boissons sucrées sont à consommer très occasionnellement comme recommande le PNNS (Programme national nutrition santé). S’il n’est pas possible de s’en passer, les enfants ne doivent pas en boire plus d’un demi-verre par jour, c’est vraiment un grand maximum. Aux adolescents, on conseille un seul verre par jour, là aussi, c’est vraiment la limite… Et attention : cela concerne toutes les boissons sucrées, même les jus de fruits.

Un jus de fruits peut-il être aussi sucré qu’un coca ?

Oui, en général, les jus de fruits contiennent autant de sucre que les sodas soit environ 10 g de sucre par 100 ml. Cependant un jus de fruits pourra être mieux classé qu’un soda car il contient des fruits qui lui donnent des points bonus. Donc à teneur en sucre égal, un jus de fruits à des chances d’avoir un Nutri-Score moins mauvais, au mieux, la note C.

Il existe aussi quelques boissons au “goût de fruit” (avec un zeste de citron par exemple) comme des eaux aromatisées qui n’ont pas plus de 2 g de sucre pour 100 ml. Sur ces produits, il sera possible de trouver un Nutri-Score B.

Qu’est-ce qu’un sucre ajouté, un sucre libre ?

Le sucre ajouté est le sucre qui n’est pas naturellement présent dans un aliment. Il est ajouté lors de la préparation ou de la fabrication de l’aliment. La mention « sans sucre ajouté » ne signifie donc pas qu’il n’y a pas de sucre dans la boisson, mais seulement que le fabricant n’en a pas ajouté à ceux qui y sont naturellement présents (comme par exemple les sucres issus des fruits).

Un sucre libre est un sucre simple du point de vue moléculaire et donc assimilé rapidement par l’organisme, comme le glucose ,le fructose ou le saccharose. Ce sucre libre peut, soit être ajouté à une boisson par le fabricant (comme le saccharose), soit être naturellement présent dans une boisson aux fruits (comme le fructose).

Dans les informations nutritionnelles présentes sur un emballage, on ne trouve que la proportion de sucres totaux pour 100g dans un aliment. On ne peut donc pas savoir si ce sont des sucres naturellement présents dans l’aliment, ou s’ils ont été ajoutés par le fabricant. De même, on ne connaît pas la nature des sucres, s’ils sont libres ou pas.

L’autre nouveauté de l’algorithme, c’est la prise en compte des boissons à base de lait ?

Oui, c’est aussi une nouveauté. Le lait et ses dérivés ne seront plus pris en compte par l’algorithme qui attribue des notes aux aliments solides, mais par celui qui classe les boissons. Le lait et les boissons lactées ne sont pas neutres en termes de qualité nutritionnelle, bien qu’elles bénéficient auprès du grand public d’une image d’aliment sain. Elles peuvent être riches en acides gras et en sucres.

“La plupart des boissons énergisantes seront classées E”

Mais du coup, le lait qui contient naturellement des sucres (lactose) sera automatiquement mal noté.

Non, nous avons veillé justement à ne pas pénaliser ce type de sucre. Car ces sucres n’ont pas le même effet délétère sur la santé que les sucres libres comme le glucose ou le fructose. Ainsi, s’il y a peu de sucre dans une boisson lactée, l’algorithme ne pénalisera pas le produit. De plus, comme le lait contient des protéines, il aura des points bonus. Il y aura donc bien une différence de notation entre une boisson lactée et un autre type de boisson contenant la même quantité de sucre. Celle qui contient du lait sera mieux notée. La présence de lactose dans le lait n’aura donc pas de conséquence sur sa notation.

Mais, vigilance : beaucoup des boissons à base de lait sont artificiellement sucrées, comme les boissons chocolatées. Celles- ci ne pourront pas avoir un bon Nutri-Score. Seuls des laits écrémés ou demi-écrémés pourront prétendre, au Nutri-Score B. Le lait entier riche en acide gras aura un Nutri-Score C.

Une seule boisson sera classée A, c’est l’eau, la seule boisson indispensable à l’organisme qu’il est possible de boire tous les jours et à tous les repas.

Et les boissons énergisantes, très à la mode et souvent chères, comment seront-elles classées ?

La plupart des boissons énergisantes seront classées E, car elles contiennent toutes beaucoup de sucre, et certaines contiennent à la fois du sucre et des édulcorants ! Leur intérêt nutritionnel est vraiment limité.

Quand ces nouvelles règles entreront-elles en application ?

Le Nutri-Score a été adopté par décret en France en 2017. La modification de l’algorithme nécessite une notification à la commission européenne. Pendant trois mois les différents pays européens peuvent donner des avis sur le projet de décret, auxquels la France devra répondre. Il faut environ six mois pour que la procédure arrive à son terme. Donc, le nouvel algorithme devrait entrer en application à la fin de l’année.

On observe de plus en plus la présence du Nutri-Score sur les aliments solides mais très peu sur les boissons. Y a-t-il des grands fabricants de boissons qui ont adopté le Nutri-Score ?

D’abord, il faut rappeler que le Nutri-Score n’est pas encore obligatoire… Mais quand un fabricant décide de l’adopter, il doit l’apposer sur l’ensemble de ses produits. Cela peut expliquer que des firmes comme Coca Cola ou PepsiCo ne le mettent pas sur leurs produits : leur portefeuille de boissons contient peut-être beaucoup trop de boissons sucrées. De même Danone, avec une gamme importante de produits laitiers, n’a pas adopté le Nutri-Score pour les boissons. Cependant, comme l’algorithme est public, des applications comme Open Food Facts, gérée par une association, donne accès au Nutri-Score de la plupart des boissons vendues dans le commerce.

Pour que le Nutri-Score devienne vraiment efficace, faudrait-il qu’il devienne obligatoire sur tous les produits ?

Oui, mais c’est une décision qui ne peut être adoptée qu’au niveau européen. Or pour l’instant la commission européenne reste attentiste : elle avait dit qu’elle prendrait une décision au premier semestre 2023, cela a été reporté au deuxième semestre 2023, et depuis pas de nouvelles…

En France, il reste des marges de manœuvre, par exemple en légiférant sur la publicité. Un rapport récent de Santé publique France a montré qu’aux heures de grande écoute, à la télévision, 50% des spots publicitaires pour les aliments concernaient des produits classés Nutri-Score D ou E. Il serait possible de rendre le logo obligatoire sur ces publicités, ou du moins de limiter leur diffusion aux heures de plus grande écoute des enfants. Là aussi, toutes les tentatives pour légiférer se sont soldées par des échecs. En France et en Europe, il semble que l’on manque de courage politique pour ce type de décision.

Chili et Mexique : deux pays qui ont rendu obligatoires les logos nutritionnels

Le Chili a rendu obligatoires 4 logos nutritionnels sur les produits alimentaires emballés : Ils signalent si les aliments sont trop énergétiques, trop sucrés, trop gras, trop salés.

Le gouvernement mexicain a repris l’idée de l’étiquetage chilien mais il y a ajouté trois autres logos pour signaler la présence de caféine, d’édulcorants, ou d’acides gras trans. En plus de ces logos nutritionnels, les responsables politiques mexicains ont développé une éducation à la nutrition. Ils ont aussi décidé de taxer les boissons sucrées, et certaines régions ont interdit la vente de gâteaux, de chips et de boissons sucrées aux plus jeunes.

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