Africa-Press – Guinee Bissau. Il y a 1,07 million d’années, une météorite formait un cratère au Ghana. Les roches qui ont résulté de cet impact ont été éjectées en Côte d’Ivoire voisine. Alors qu’elles ont longtemps été sous-étudiées, une équipe de chercheurs ivoiriens et français a repris ce fastidieux travail.
Une région sous-étudiée
Les tectites, nommées ivorites en Côte d’Ivoire (les tectites prennent le nom de leur région d’origine), sont des corps vitreux formés par la fusion à haute température de roches frappées lors de l’impact à grande vitesse d’une météorite sur la surface de la Terre. Rares, les tectites sont éjectées à plusieurs centaines, voire des milliers de kilomètres, formant une sorte de champ où il est possible de les trouver.
En Côte d’Ivoire, ces tectites proviennent de l’impact de la météorite Bosumtwi, un cratère d’un diamètre de 10,5 kilomètres. Cette zone a été largement boudée par les chercheurs. “Contrairement à d’autres champs de dispersion de tectites dans le monde, celui-ci est resté sous-exploré après les travaux pionniers d’Alfred Lacroix dans les années 1930 qui a signalé les premières tectites sur le continent africain, suivi de quelques explorateurs dans les années 1960”, explique l’équipe franco-ivoirienne dans des travaux présentés dans la revue Journal of African Earth Sciences.
Seulement une vingtaine d’ivorites ont été analysées alors que le champ devait former une ellipse de près de 1500 km2 autour des villes de Ouellé et Daoukro. Les scientifiques ont donc réalisé six missions exploratoires en Côte d’Ivoire entre 2019 et 2023 afin de découvrir d’autres précieux corps vitreux dans une zone d’étude couvrant 20.000 km2.
Une zone bien plus grande que prévu
L’équipe a finalement fait coup double. Elle signale désormais 174 nouvelles tectites, retrouvées surtout avec l’aide des villageois. En effet, “la plupart de ces objets ont été trouvés par hasard par des populations locales qui ont prêté attention à ce matériau particulier lors de leurs activités, notamment l’agriculture, l’élevage, ou l’extraction artisanale de l’or, rapporte l’étude. Certaines de ces nouvelles ivorites ont également été collectées par les habitants locaux alors qu’ils creusaient le sol pour les fondations de leurs maisons ou lors de l’ouverture de nouvelles routes”.
Les chercheurs ont aussi largement revu à la hausse la surface du champ. La zone ne couvrirait pas 1500 km2, mais 4100 km2 ! “La découverte la plus éloignée considérée comme faisant partie du champ de dispersion se trouve à plus de 45 km au sud des limites précédentes”, illustrent les chercheurs. “La conclusion majeure de cette étude est qu’on peut encore trouver des tectites en nombre aujourd’hui en Côte d’Ivoire et que le champ de dispersion est nettement plus étendu que celui défini dans les années 60”, explique à Sciences et Avenir le Pr Pierre Rochette, co-auteur de l’étude.
Des formes de larmes, d’haltères, de sphères et ellipsoïdes
Les ivorites découvertes ont des formes de larmes, d’haltères, de sphères et ellipsoïdes. Leur poids est compris entre un gramme pour la plus légère, jusqu’à 96,7 grammes pour la plus lourde. Une analyse géochimique de 172 de ces tectites – ainsi que de 87 ivorites présentes dans un musée d’Abidjan – a montré que leur composition est “clairement distincte de celle des tectites d’autres champs de dispersion”. Mais elles sont moins homogènes dans leur composition que ce que laissaient entendre les précédentes études.
Le travail d’analyse est toujours en cours et devrait conduire à une autre publication scientifique. Le Pr Rochette ne peut donc pas donner plus de détails à ce stade, “si ce n’est que cela va permettre de mieux cerner les hétérogénéités présentes dans la cible de l’impact qui a fondu pour donner ces tectites”.
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