La couche mystérieuse du noyau terrestre : percée scientifique dans la compréhension d’une anomalie qui intrigue les scientifiques depuis 30 ans

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La couche mystérieuse du noyau terrestre : percée scientifique dans la compréhension d’une anomalie qui intrigue les scientifiques depuis 30 ans
La couche mystérieuse du noyau terrestre : percée scientifique dans la compréhension d’une anomalie qui intrigue les scientifiques depuis 30 ans

Africa-Press – Guinee Bissau. La couche la plus externe du noyau terrestre, dans laquelle les ondes sismiques sont étonnamment lentes. Depuis sa découverte, il y a une trentaine d’années, les géophysiciens tentent d’éclairer sa formation mais se heurtent à une discordance entre les observations sismologiques et les conditions nécessaires à la constitution d’une telle couche.

Des chercheurs américains et sud-coréens semblent avoir résolu l’énigme. L’eau serait au cœur d’une réaction chimique qui redistribuerait des éléments de part et d’autre de la limite du noyau, allégeant sa périphérie. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Nature Geoscience.

Une anomalie sismique au sein du noyau

Le noyau terrestre est divisé en deux : au centre, la graine solide et autour, le noyau liquide. “C’est en périphérie du noyau liquide que s’est créée la couche E’, en interface directe avec le manteau”, indique Sang-Heon Shim, co-auteur de l’étude, pour Sciences et Avenir.

En effet, dans les 100 à 300 premiers kilomètres du noyau, certaines ondes, appelées ondes P, présentent une anomalie de vitesse, “comme si le noyau n’était pas bien homogène”, explique Henri-Claude Nataf, spécialiste de la mécanique des fluides à l’intérieur du noyau de la Terre. “Sa composition et son gradient de température ne sont pas ceux qu’on attendait”.

Que sait-on de la composition du noyau ?

Pour bien comprendre cette anomalie, arrêtons-nous quelques instants sur les propriétés du noyau. Le noyau liquide de la terre est composé principalement de fer et d’une faible quantité de nickel. “On connaît bien les propriétés de cet alliage aux températures et pressions du noyau, car on parvient à reconstituer ces conditions extrêmes dans ce qu’on appelle les ‘cellules à enclume de diamant’”, précise le géophysicien Henri-Claude Nataf à Sciences et Avenir. Dans ce dispositif, un laser chauffe la matière comprimée entre deux diamants, atteignant ainsi une température et une pression considérable. En confrontant ces résultats expérimentaux aux observations sismologiques, les scientifiques ont identifié la présence d’éléments dits “légers” dans le noyau, comme le silicium, l’oxygène, le carbone ou encore l’hydrogène.

Une première hypothèse se dessine alors pour expliquer la formation d’une couche moins dense au sommet du noyau. A mesure que la pression augmente, le fer se solidifie et des éléments légers sont relâchés. Ce sont eux qui contribuent à la circulation dans le noyau et à l’émergence d’un champ magnétique en remontant en direction du manteau.

Les scientifiques intègrent alors un élément léger à l’alliage fer-nickel dans leur expérimentation. Mais le résultat n’est pas probant, les ondes ayant tendance à accélérer et non à ralentir.

Un échange d’éléments

“Cette couche pose un problème de taille : sa densité doit être faible, pour pouvoir ‘flotter’ en haut du noyau, tout en ralentissant les ondes. C’est ce qu’on observe. Mais cette association est particulièrement difficile à obtenir”, résume Henri-Claude Nataf. De plus, il restait aussi à identifier comment cette différence de composition pouvait perdurer à l’échelle des temps géologiques sans être perturbée par le flux convectif au sein du noyau liquide.

Une nouvelle hypothèse émerge : et si noyau et manteau échangeaient des éléments à l’interface ? Ce nouvel article expose une réaction mettant en jeu du silicium et de l’hydrogène, tous deux présents dans le manteau. Mais comment l’hydrogène peut-il se trouver à la frontière du noyau, c’est-à-dire à 2 900 kilomètres de profondeur ?

Selon les chercheurs, la subduction serait la clef de ce mécanisme complexe.

Un mécanisme en cours depuis 2,5 milliards d’années

Au niveau des zones de subduction, les plaques tectoniques s’enfoncent lentement dans le manteau. Avant de plonger, elles se fracturent, laissant l’eau (H2O) et donc l’hydrogène (H) s’infiltrer dans la roche. Avec la température, la plaque se déshydrate à mesure qu’elle sombre. Mais une petite quantité d’eau parviendrait toutefois jusqu’au noyau.

Là, une réaction chimique pourrait s’opérer. “Sous l’effet de la forte température du noyau, le manteau subirait une ultime déshydratation. L’oxygène, présent dans l’eau, oxyderait une partie du silicium du noyau, qui donc en sortirait. L’hydrogène, quant à lui, s’insinuerait à sa place”, simplifie Henri-Claude Nataf.

Le noyau s’appauvrit ainsi en silicium et s’enrichit en hydrogène. Selon les auteurs, si ce mécanisme était en cours depuis 2,5 milliards d’années, il pourrait être à l’origine de la couche E’ caractérisée par la propriété étonnante d’être à la fois moins dense et d’avoir une vitesse de propagation des ondes P réduite.

D’après leurs estimations, l’incidence de ce phénomène serait légèrement inférieure à l’anomalie observée. D’autres phénomènes pourraient donc influer sur la formation de la couche. “L’année dernière, nous avons publié une étude montrant que l’eau peut également extraire du carbone du noyau et produire du diamant dans le manteau. Nous pensons que l’eau transportée à la frontière entre le noyau et le manteau peut déclencher toute une série de réactions chimiques dont nous n’avons pas encore connaissance”, conclut Sang-Heon Shim, enthousiaste.

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