Africa-Press – Guinee Bissau. Des chercheurs révèlent des différences significatives dans le fonctionnement des cellules cérébrales de souris femelles et mâles, en particulier face au stress chronique. Cette étude s’inscrit dans un mouvement récent en recherche fondamentale, qui prône l’inclusion d’individus de sexe féminin dans les essais cliniques. Ses résultats ont été publiés dans la revue la revue Cell Reports.
Le stress, une cascade d’hormones
Le stress chronique est en constante augmentation et peut causer d’importants troubles mentaux. Il touche aussi bien les femmes que les hommes, mais pas forcément de la même façon. C’est ce qu’ont démontré des chercheurs de l’institut des Sciences Weizmann sur des souris. Mais d’abord, comment le stress se traduit-il à l’échelle du cerveau ? “Lorsqu’on est exposé à une situation anxiogène, les sensations de stress sont recueillies par différentes régions du cerveau, puis communiquées à l’hypothalamus, une structure du système nerveux central”, simplifie Elena Brivio, première autrice de l’étude, pour Sciences et Avenir. S’ensuit une production de molécules en cascade.
L’hypothalamus communique ainsi avec l’hypophyse, située juste en dessous du cerveau. Puis c’est au tour de cette glande de produire une hormone appelée corticotrope, qu’elle délivre juste au-dessus des reins, dans les glandes surrénales. Tout le corps est alors mis en alerte. Les molécules se diffusent directement dans le sang et agissent sur différents organes : la respiration s’accélère, le cœur bat plus vite, certains muscles se tendent…
En temps normal, ces hormones sont retransmises au cerveau une fois la situation anxiogène passée, et la boucle s’interrompt. Mais lorsqu’un individu est exposé au stress de manière continue pendant une période prolongée, situation de stress chronique, ce système n’est plus correctement régulé. “Des hormones continuent d’être produites, activant une réponse au stress dans le cerveau, mais ce dernier perd la capacité de reconnaître son activation et d’arrêter le système”, précise Elena Brivio.
Une sensibilité différente
Les mécanismes que génère le stress sont similaires entre mâles et femelles, mais leur sensibilité ne l’est pas. Les femelles produisent davantage d’hormones. Résultat ? Le circuit du stress s’active plus fortement chez elles, et tarde à s’arrêter. Certaines hormones féminines multiplient même les effets des molécules de stress. “On pense que ces différences pourraient expliquer pourquoi les femmes développent plus facilement des troubles liés au stress, mais cela reste encore à démontrer”, avance la chercheuse. Pour arriver à ces résultats, l’équipe de biologistes a examiné l’ARN (par séquençage) de cellules cérébrales de souris femelles et mâles. “L’ARN est une manifestation directe du fonctionnement d’une cellule. Il nous a permis de vérifier si la réponse cellulaire changeait en fonction du sexe” justifie Elena Brivio. Cette technique a également mis en évidence une autre différence majeure : les cellules qui réagissent au stress ne sont pas les mêmes dans les cerveaux des mâles et des femelles.
Les oligodendrocytes sont des cellules qui aident et soutiennent les neurones, contribuant ainsi au bien-être du cerveau. Elles sont particulièrement sensibles au stress et en cas de stress chronique, c’est toute leur structure qui change, depuis l’expression des gènes jusqu’à ses intéractions avec les autres cellules. “Ce qui est étonnant, c’est que ces cellules ne s’activent que chez les mâles”, constate l’autrice. “Toutefois, nous ne connaissons pas encore les conséquences de ces modifications sur le cerveau”.
“On a longtemps supposé que ce qui était vrai pour l’homme l’était aussi pour la femme”
Ces différences considérables de sensibilité au stress en fonction du sexe accentuent l’importance d’inclure des individus féminins dans les essais cliniques. “La majorité de ce que nous savons en biologie, et en particulier sur le cerveau, a été découvert chez les hommes, et nous avons ensuite supposé que c’était également vrai pour les femmes. Mais ce n’est pas forcément le cas”, déplore Elena Brivio.
Alors qu’une grande partie des essais et études cliniques concernant les traitements et les maladies sont effectuées sur des hommes et des femmes, la recherche fondamentale peine à se mettre au pas. Dans les années 1980, les femmes ont commencé à être incluses dans les essais cliniques et depuis lors, les scientifiques découvrent régulièrement que des troubles se manifestent différemment selon le sexe et que tous les médicaments n’agissent pas de la même manière.
Selon Elena Brivio, il est donc probable que les mécanismes moléculaires qui sous-tendent ces troubles soient légèrement différents. “Pour le découvrir, il faut absolument que les femmes fassent aussi partie des essais cliniques en recherche fondamentale”, explique-t-elle. Comprendre ces différences à l’échelle cellulaire permettrait en effet une meilleure appréhension des maladies et de leurs traitements. Cette nouvelle étude pourrait permettre d’identifier de nouvelles cibles pour les médicaments à venir, mais d’autres recherches seront nécessaires. “Si nous découvrons, par exemple, que les modifications des oligodendrocytes sont protecteurs pour le cerveau, nous pourrons développer des traitements qui “forcent” ces changements dans ces cellules spécifiques, rendant ainsi le cerveau plus résistant au stress”, détaille la chercheuse. Les professionnels de santé seraient ainsi en mesure d’adapter le traitement en fonction du sexe du patient pour améliorer son efficacité.
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