Africa-Press – Guinee Bissau. Sais-tu quel animal, petit oiseau reconnaissable à sa poitrine orangée, est capable de s’orienter grâce à une boussole oculaire ? Aujourd’hui on va parler du rouge-gorge, dans Bêtes de Science.
Le rouge-gorge, petit oiseau flamboyant au coeur de l’hiver
Nous voici au cœur de la forêt par une fraîche matinée de janvier. Il a neigé pendant la nuit. Dans le sous-bois, une petite tache rouge vif attire notre regard. Elle sautille, virevolte, chantonne. Une mélodie douce et enjouée résonne. C’est un rouge-gorge ! Ah le rouge-gorge, il illumine l’hiver à lui seul… Il semblerait que lui aussi nous ait aperçu, car soudainement, il se tait. Alors, immobiles, nous retenons notre souffle pour ne pas lui faire peur. Mais n’effraie pas un rouge-gorge qui veut ! L’oiseau sautille de branche en branche, s’approche: il est curieux ! Il nous ausculte et dès l’examen passé, se remet à gazouiller. Écoute ! On dirait qu’il n’existe plus que lui, nous, et le froid mordant de janvier.
Le rouge-gorge est un petit oiseau: il mesure entre 12 et 15 centimètres et pèse tout juste 20 grammes, soit l’équivalent d’un morceau de chocolat. Le plumage de son dos, de ses courtes ailes et de sa queue est gris ou brun tandis que son ventre arrondi est blanc. Ses yeux, noirs et brillants, surmontent un petit bec fin et droit, parfait pour attraper des insectes ou picorer des graines. Sa silhouette rondelette perchée sur de fines pattes s’épaissit un peu plus lorsque l’oiseau gonfle son plumage pour se protéger du froid. Bref, le rouge-gorge est une petite boule de plume mignonne à croquer ! Mais ce qui le rend reconnaissable entre mille, c’est bien sûr la tache orangée qui illumine sa poitrine, son cou et ses joues. C’est à elle qu’il doit son joli nom commun et son nom scientifique Erithacus rubecula, qui combine le mot grec « erithakos » et le latin « rubeus » ; tous deux désignent la couleur rouge.
Le rouge-gorge appartient, comme le moineau, à l’ordre des passériformes, surnommé « l’ordre des oiseaux chanteurs ». De fait, le rouge-gorge est un véritable mélomane qui pousse la chansonnette du lever du soleil à la tombée de la nuit. Pour ce faire, il peut compter sur sa syrinx, un organe situé dans sa gorge, équivalent à notre larynx à nous, humains. Point de cordes vocales chez le rouge gorge mais un chant mélodieux à la douceur parfois trompeuse. Car si le chant permet à cet oiseau solitaire de reconnaître ses voisins, séduire une femelle ou de communiquer, il lui permet surtout…de menacer quiconque oserait s’approcher. Et oui, pour défendre son territoire, essentiel à sa survie, le rouge-gorge chante à tue tête et ne recule devant aucune prise de bec. D’ailleurs il est important de noter que la femelle chante aussi ! Et ce, même si les scientifiques ont longtemps délaissé les aptitudes musicales des femelles, pour étudier exclusivement les mâles.
Un aventurier au caractère bien trempé
Mais revenons à nos prises de becs. Si un intrus pénètre le territoire du rouge gorge, ni une ni deux, celui-ci bombe son plastron orangé pour impressionner son adversaire. Le plus souvent, cela suffit à faire décamper l’intrus. Mais si l’affrontement persiste, notre compagnon peut se montrer féroce, allant jusqu’à engager un combat acharné. Eh oui, le rouge gorge est un petit guerrier ! Pour établir son territoire, le rouge gorge choisit la forêt et les campagnes où l’on peut l’observer dans toute l’Europe, le pourtour méditerranéen et une partie de l’Asie. Mais il est aussi volontiers de passage dans nos jardins. Réputé pour être l’ami des jardiniers, le rouge gorge adore faire son marché dans la terre de nos massifs et de nos potagers. Elle abrite en effet les chenilles, fourmis, vers de terre, mille pattes et autres bestioles dont raffole cet insectivore – même s’il ne dédaigne pas les baies, les fruits ou les graines.
En hiver, son régime alimentaire le pousse parfois à migrer vers le sud, en quête de nourriture et de températures plus douces. D’année en année, lorsque l’automne pointe le bout de son nez, certains rouges-gorges s’envolent parfois jusqu’au nord du continent africain où ils retrouvent leurs quartiers d’hiver préférés avec une précision qui fascine les scientifiques. D’autant qu’ils voyagent seuls et de nuit ! Cependant, tous les rouges-gorges ne migrent pas, c’est pourquoi on les qualifie d’oiseaux « semi-migrateurs ». Ainsi il est tout à fait possible que notre compagnon du jour ait quitté le froid du nord de l’Europe, seul, une nuit d’automne, et qu’il ait parcouru plusieurs centaines de kilomètres, pour venir passer ses vacances d’hiver en notre compagnie. Incroyable n’est-ce pas ? Le voici d’ailleurs qui s’envole, peut-être pour aller défendre son territoire avec ténacité; qui sait ? De notre côté, on a beau le laisser filer, nous n’en avons pas tout à fait fini avec ce petit guerrier de la forêt. Car tu vas voir que notre compagnon au chant mélodieux et à la poitrine de feu, est loin de nous avoir livré tous ses secrets.
Une boussole oculaire (et quantique !) pour s’orienter
L’esprit aventurier et le plumage flamboyant du rouge-gorge lui valent une place particulière dans le cœur des humains. De nombreuses légendes font état de son courage ou de sa résistance face au froid hivernal. En Angleterre il est même devenu un symbole de la saison des fêtes: on le représente sur les cartes de vœux, perché sur une branche enneigée ou une lettre au bec depuis le 19e siècle. Il faut dire que son plastron rouge rappelle l’uniforme des facteurs anglais de l’époque victorienne dont le surnom n’était autre que « redbreasts », les poitrines rouges ! Sa proximité avec les humains s’étend jusque dans les laboratoires où le rouge gorge est très étudié par les scientifiques pour répondre à une question qui demeure sans réponse: comment les oiseaux parviennent-ils à s’orienter ?
Car les longues migrations des oiseaux et leur capacité à retrouver leur chemin à travers les continents fascine les humains depuis fort longtemps. Aujourd’hui on sait que les oiseaux utilisent leur vue, et repèrent les chaines de montages, les fleuves, mais aussi les routes et les infrastructures humaines; on sait également qu’ils utilisent leur odorat, bien plus puissant que celui des humains; et qu’ils peuvent s’appuyer sur la position des étoiles, de la lune ou encore du soleil pour trouver leur chemin. Les scientifiques ont aussi découvert que les oiseaux migrateurs ont une sorte de boussole interne qui leur permet de situer le nord à tout moment lorsqu’ils survolent la planète Terre. Mais pour ce qui est de comprendre comment tout cela fonctionne: c’est le mystère !
Enfin, le mystère, oui et non…car les scientifiques, qui ne s’avouent jamais vaincus, ont fait passer plusieurs tests à de nombreuses espèces d’oiseaux, parmi lesquels, notre cher compagnon: le rouge gorge ! Ils ont testé sa capacité à s’orienter le jour, la nuit, en fonction du soleil ou de la lune, et après de nombreuses années d’études, ils ont fait une découverte fascinante. Les scientifiques ont découvert une boussole biologique dans les yeux du rouge-gorge. Et pas n’importe quelle boussole ! Une boussole sensible au champ magnétique terrestre, cette espèce de bouclier invisible qui protège notre planète du vent solaire. Cette boussole fonctionnerait grâce à un mécanisme infiniment petit (un mécanisme quantique que nous ne nous aventurerons pas à détailler ici ) qui rendrait les yeux du rouge-gorge sensibles au champ magnétique terrestre et lui permettrait de toujours savoir où il se trouve sur la carte du monde. Incroyable n’est-ce pas ? Cette boussole ne ressemble en rien à nos boussoles à nous humains. On ne comprend pas encore tout à fait comment elle fonctionne, ni comment les petits rouges-gorges apprennent à s’en servir. Mais ce que l’on sait à présent, c’est qu’au cœur de l’hiver ce petit oiseau flamboyant nous regarde de ses yeux pour le moins…fascinants. Alors si bête le rouge gorge !
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