Africa-Press – Guinee Bissau. Les emojis ont un attrait universel”, explique le professeur Kendrick Davis dans un commentaire publié dans JAMA Network Open. “Leur utilisation peut contourner les niveaux d’éducation, de langue et d’âge. Ils ouvrent un pont pour la communication”. Alors que les émoticônes ont progressivement envahi les échanges numériques depuis 1999, trois chercheurs de l’Université de Californie suggèrent l’utilisation de ces symboles pour communiquer plus efficacement sur la santé. Selon eux, les émojis pourraient tout aussi bien optimiser les échanges entre praticiens, que le diagnostic auprès des patients qui auraient du mal à communiquer.
“De nombreuses enquêtes, distribuées aux patients à différentes étapes de leurs soins, sont écrites dans un style qui peut introduire une barrière avec le milieu médical”, indique le chercheur. Depuis plus de 2 ans, ce dernier conçoit un outil d’évaluation basé sur les émoticônes. Il travaille par ailleurs sur une étude qui utilise les émojis pour mesurer la santé mentale des collégiens. “Bien sûr, ces dessins sont très populaires. En revanche, le sens que prend un émoji dépend de la culture de chacun. La standardisation de la signification de chaque signe n’est pas si évidente”, nuance Pierre Halté, chercheur au CNRS et spécialiste des émojis dans les interactions numériques.
Créer des émojis à l’infini ?
Le professeur Davis suggère que les autorités de santé établissent un système de langage universel basé sur les émojis. Première étape, pour permettre un diagnostic basique : la représentation fidèle de tous les organes et de toutes les parties du corps humain. Aujourd’hui, il existe près de 1800 émojis. Tous sont codés dans nos interfaces numériques par Unicode, un système qui code aussi bien les lettres que les pictogrammes ou les émoticônes. Ce sont des petites chaînes de code qui se transforment en caractères ou en dessins. Par exemple, U+2665 code pour l’émoji coeur ❤️ . Mais qui décide de créer des émoticônes ? “Les grandes entreprises de la Silicon Valley, dont les GAFAM”, explique Pierre Halté. “Elles sont regroupées au sein du Consortium Unicode et décident de quel émoji sera ajouté et disponible sur nos smartphones.”
La représentation de tous les organes ne serait toutefois pas suffisante. Une échelle pour évaluer chaque problème qui peut se poser au sein de ces organes serait également nécessaire. “Les émojis ne permettent pas une communication aussi fine que les langues. On va pouvoir référer à des objets bien précis, qui correspondent linguistiquement à des noms communs ou à des substantifs mais on ne pourra pas faire grand-chose de plus qu’indiquer l’endroit où l’on souffre et potentiellement l’intensité,” pondère Pierre Halté.
L’échelle de douleur des visages
Aujourd’hui, il existe une échelle de douleur basée sur les émoticônes, celle de Wong-Baker : 😀🙂😐🙁☹️😭. Elle repose sur les représentations de mimiques faciales, liées à des émotions. Cette association, entre expression du visage et émotion, a été développée dans les années 50, en sciences cognitives. On fait alors l’inventaire des émotions humaines, auxquelles on attribue une mimique. “Ce schéma est largement remis en question. On considère aujourd’hui que les émotions sont des constructions sociales qui ne sont pas forcément liées à des expressions faciales données. Des analyses ont révélé que certaines personnes n’avaient pas la mimique que l’on attendait par rapport à ce qu’ils ressentaient,” explique Pierre Halté.
Si les émoticônes ne disposent pas d’une richesse de représentations assez élevée pour une communication fine autour de problèmes de santé, ils pourraient toutefois s’avérer utiles dans des cas très particuliers. Pour un diagnostic chez des patients analphabètes par exemple, ou dont les soins empêcheraient une communication aisée.
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