Africa-Press – Guinee Bissau. Peut-on envisager de ne se soigner qu’avec des plantes ? », nous demande Sebastien Lebel sur notre page Facebook. C’est notre question de lecteur de la semaine. Merci à toutes et tous pour votre contribution.
Les plantes médicinales occupent une place fondamentale dans l’histoire humaine, comme nous l’expliquions dans notre article issu du magazine Sciences et Avenir – Les Indispensables n°207 (daté octobre/décembre 2021) « Phytothérapie: une efficacité reconnue mais difficile à prouver«. L’homme de Néandertal, il y a 48.000 ans, se soignait déjà avec des feuilles de peuplier, qui libèrent une substance semblable à l’aspirine !
L’Antiquité aussi les célébrait: Pline l’Ancien (23-79) et Galien (129-201) citent 500 plantes-remèdes. Aujourd’hui encore, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), entre 25.000 et 60.000 espèces végétales recèlent des propriétés médicinales, même si, dans les sociétés occidentales, leur usage reste minoritaire: seules 3 à 5 % des populations y recourent, contre 85 % des habitants du sud du Sahara.
Un regain d’intérêt pour les méthodes « douces » mais des études compliquées à réaliser
Le 19e siècle a marqué un tournant avec l’essor de la chimie moderne et des molécules de synthèse, souvent plus efficaces et mieux contrôlées. Les plantes oubliées, voire décriées, ont alors vu leur usage décliner, jusqu’à la suppression du diplôme d’herboriste en France en 1941. Mais un regain d’intérêt pour les méthodes « douces » s’observe depuis quelques décennies.
Pourtant, cette pratique est freinée par le manque de formation des médecins: « ils ne reçoivent aucune formation sur les plantes durant leur cursus, et considèrent que les données sont trop peu fiables », soulignait en 2021 Pierre Champy, professeur de pharmacognosie (étude des substances médicamenteuses d’origine naturelle) à l’université Paris-Saclay. De plus, « les études cliniques sont compliquées à réaliser, chères et donc très rares. Pourtant, la demande d’évaluation est aujourd’hui très forte ! Elle émane également des vétérinaires et des éleveurs désireux d’éviter les antibiotiques. » Ainsi, les patients consomment même des plantes de façon un peu cachée car certains médecins le leur déconseillent fortement, selon Pierre Champy.
Les huiles essentielles, une « véritable bombe biochimique »
Les plantes peuvent parfois se révéler efficaces, comme l’échinacée pourpre (Echinaceae purpura) pour prévenir les rhumes: l’Agence européenne des médicaments (EMA) a jugé « la balance bénéfices-risques positive pour la prévention à court terme et le traitement de rhumes sans complication ». Mais d’autres, tel le sureau noir pour son action anti-inflammatoire et diurétique, n’ont pas fait l’objet de validations suffisantes. La diversité d’actifs (alkylamides, polysaccharides…) explique en partie la complexité de leur évaluation: l’efficacité des plantes dans la stimulation du système immunitaire est difficile à prouver chez l’humain.
La réglementation tente d’encadrer le secteur, mais chaque espèce possède ses contre-indications, et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Anses) publie des mises en garde régulières, notamment sur les interactions possibles avec d’autres traitements ou sur le risque d’interférer avec certaines maladies, comme le Covid-19. Les huiles essentielles sont une « véritable bombe biochimique, car on extrait les principes actifs que la plante a concentrés pour se défendre contre les agressions extérieures », selon Valérie Coester, médecin spécialisé dans les médecines naturelles, et exigent un usage particulièrement prudent.
La perspective de se soigner exclusivement par les plantes apparaît risquée
Face à ces réalités, la perspective de se soigner exclusivement par les plantes apparaît risquée: manque de données fiables, variations dans la qualité et la concentration des actifs, risques d’effets indésirables ou d’interactions méconnues… Si la phytothérapie a toute sa place en complément de la médecine moderne, elle ne saurait, en l’état actuel des connaissances, s’y substituer totalement.
Enfin, l’engouement pour certaines espèces met en péril leur survie: il faut 5 tonnes de pétales de rose de Damas pour obtenir 1 kg d’huile essentielle… l’arnica des montagnes, la gentiane jaune ou la rhodiole déclinent dans toute l’Europe.
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