Quel temps fera-t-il en 2050 ?

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Quel temps fera-t-il en 2050 ?
Quel temps fera-t-il en 2050 ?

Africa-Press – Guinee Bissau. Quel lien entre la météo du jour et le climat ? Christophe Cassou, climatologue et directeur de recherche au CNRS, répond toujours à cette question par une analogie cinématographique: “Le climat est un film dont la météo ne serait qu’une séquence: ce n’est pas parce que vous avez vu la séquence que vous connaissez tout le scénario !”

Cyclones, tempêtes, vagues de froid ou canicules sont des événements météorologiques engendrés par la circulation atmosphérique sur une échelle de quelques jours. Ils sont inscrits dans un contexte climatique qui détermine leur fréquence, leur intensité et la zone spatiale dans laquelle ils se produisent. “Il y a toujours eu des canicules sur la planète, mais leurs caractéristiques évoluent. C’est ça, le climat”, note le chercheur.

Des situations météorologiques à l’origine de catastrophes

Or le climat est déréglé. Sous l’effet des émissions de gaz à effet de serre issus de la combustion des énergies fossiles, l’atmosphère s’est globalement réchauffée de + 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, au milieu du 19e siècle. Derrière ce phénomène global existent des disparités géographiques. Les océans se réchauffent moins vite que les continents, les hautes latitudes plus vite que les basses. En France, l’écart est de + 1,8 °C. “Chaque température de chaque jour est plus élevée qu’elle ne devrait l’être. C’est très déjà sensible. Et cela rend possibles des extrêmes beaucoup plus forts”, explique Robert Vautard, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace et co-président du groupe 1 du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Ce réchauffement chronique conduit à des situations météorologiques à l’origine de catastrophes. Ainsi, début avril 2021, une vague de froid tardive a ravagé les vignes et les arbres fruitiers du centre de la France. “L’anomalie n’était pas tant le gel sévère d’avril, rendu moindre par l’effet du réchauffement, que les températures exceptionnellement élevées qui l’ont précédé en mars, précise Robert Vautard. Elles ont provoqué le débourrement des arbres et donc rendu la nature vulnérable au gel.”

En 2022, la France a connu la troisième plus longue période de sécheresse des sols de son histoire – sur les trois quarts de son territoire. Une étude du World Weather Attribution (WWA) a montré que le principal facteur de cette sécheresse agroécologique était moins l’absence de pluies que des températures restées élevées toute l’année, qui ont provoqué une forte évapotranspiration. “En utilisant des données issues de la modélisation de l’humidité des sols, nous avons pu montrer que cette sécheresse aurait eu trois fois moins de risque de se produire en l’absence de changement climatique”, explique Robert Vautard.

Certains phénomènes extrêmes sont étroitement liés au réchauffement par un coefficient de proportionnalité. Depuis 1950, en France, la fréquence des canicules a ainsi été multipliée par quatre. Leur intensité est également affectée. “Pour celles de l’été 2022 ou de septembre 2023, on a atteint des températures de 40 ou 42 °C au lieu de 38 ou 40 °C sans le changement climatique. Il faut voir le changement climatique comme un dopant” , souligne Christophe Cassou.

Par ricochet, la zone nord-ouest de la Méditerranée a subi une vague de chaleur marine très longue. Sur les trois mois d’été, la température moyenne de l’eau de surface a atteint 26,1 °C. “C’est une anomalie de + 2,6 °C par rapport à ce qu’on aurait attendu sans changement climatique, ce qui est énorme pour l’océan, explique Thibault Guinaldo, spécialiste de l’étude satellitaire des océans au Centre national de recherches météorologiques (CNRM). Sous l’eau, c’est un événement extrême, avec des conséquences sur le vivant.”

Sur la côte atlantique, l’automne dernier, six tempêtes majeures en moins d’un mois

La proportionnalité permet également de décrypter certaines caractéristiques des déluges. Il reste difficile pour les climatologues de déterminer l’impact du réchauffement sur la fréquence des tempêtes ou des épisodes cévenols, comme en septembre 2023, dans le nord de l’Hérault, ou quelques semaines plus tard sur la façade atlantique, balayée par une succession de tempêtes: Aline, Babet, Ciaran, Domingos, Elisa et Frederico.

En revanche, les pluies que ces épisodes déversent obéissent à une loi physique qui détermine la quantité de vapeur d’eau présente dans l’atmosphère à une température donnée: pour chaque degré de réchauffement de l’air, l’atmosphère peut contenir 7 % de vapeur d’eau supplémentaire. “Les observations actuelles vérifient cette loi: les fronts nuageux sont plus chargés en vapeur d’eau précipitable, ce qui explique les pluies intenses. C’est encore le principe du dopage”, souligne Christophe Cassou.

Peut-on prévoir la météo du futur ? “C’est exactement notre but lorsque nous faisons tourner des modèles climatiques en fonction des différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, poursuit le climatologue. On ne peut pas dire quel temps il fera le 1er janvier 2050, mais on peut décrire le domaine des possibles.” Ainsi, dans le scénario tendanciel, c’est-à-dire aligné sur les promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre et les politiques publiques mises en place, le réchauffement global à la fin du siècle sera de l’ordre de + 3 °C par rapport à l’ère préindustrielle. La traduction régionale pour la France s’établira à + 4 °C. Et la traduction saisonnière de ce réchauffement régional atteindra + 5,3 °C en été.

“À la fin du siècle, reprend Christophe Cassou, chaque été en France aura trois chances sur quatre d’être plus chaud que l’été 2022… qui apparaîtra rétrospectivement comme un été frais. Un été chaud, dans ce climat-là, sera autour de + 7 °C en moyenne entre juin et août, et il est très probable que le seuil de 50 °C sera franchi quelque part en métropole, sans que l’on puisse encore dire où. On ne connaît pas la temporalité des futurs météorologiques, mais on connaît leur statistique. C’est une traduction du réchauffement global en entités météorologiques locales que sont les canicules.”

La météo des mers n’échappera pas à cette règle. En 2022, au large de Marseille, quatre vagues de chaleur marine se sont succédé entre avril et août, avec un pic à + 5 °C au-delà de la température attendue sans réchauffement. “Un tel phénomène sera la norme dans le climat de 2050. Il faut imaginer, d’ici vingt ans, des canicules marines en Méditerranée qui pourront être deux à trois fois plus longues, 30 % plus étendues et de 1 °C plus intenses à leur pic qu’à la fin du 20e siècle. Mais si les émissions se poursuivent au rythme actuel, elles pourraient, à la fin du siècle, être présentes tous les ans, démarrer en juin et finir en octobre, être de 3 à 4 °C plus intenses, s’étendre sur l’ensemble de la mer Méditerranée et l’ensemble de l’été”, analyse Samuel Somot, chercheur en modélisation climatique en Méditerranée au CNRM.

D’ici à 2050, le niveau de la mer devrait augmenter de 30 centimètres environ

Même logique pour le risque de submersion marine. Le niveau de la mer s’est élevé de 20 centimètres par rapport au début du siècle, par apport de la fonte des glaces continentales et par dilatation de l’eau. Quand une tempête passe, la diminution de la pression atmosphérique fait provisoirement augmenter le niveau de la mer, à raison de 1 centimètre de plus par hectopascal en moins dans l’atmosphère. Ce phénomène temporaire vient s’ajouter au phénomène chronique.

Lors de la tempête Xynthia, en février 2010, sur le littoral de Vendée et de Charente, la surcote a dépassé 4 mètres de hauteur. Dans le climat de 2010, la probabilité d’un tel événement était de 1 sur 200. Projetons-nous à présent dans la période 2050-2060, où le niveau de la mer aura encore augmenté de 30 centimètres environ. “Sous l’effet de la hausse chronique, la probabilité que ce type d’aléa survienne passe à 1 sur 50: il devient quatre fois plus probable. À la fin du siècle, avec une hausse du niveau de la mer autour de 90 centimètres à 1 mètre, il passe à une chance sur deux, il devient normal.”

Mais il n’y a pas de fatalité. En 2023, la mairie de Paris a demandé à Robert Vautard si, dans les prochaines décennies, la capitale pourrait subir une canicule défiant le code couleur des cartes estivales et atteignant 50 °C, comme ce fut le cas en Colombie-Britannique (Canada) pendant l’été 2021. C’est possible, a répondu le chercheur, qui pointe un résultat intéressant: “50 °C à Paris reste très peu probable dans les simulations climatiques, tant que le réchauffement global reste inférieur à 2 °C. Si les pays acceptent de collaborer pour diminuer drastiquement les émissions, le scénario peut changer.” Le bulletin météo du 1er août 2100 n’est pas encore écrit.

Le système Terre au cœur des modèles

Les différents scénarios du réchauffement climatique, qui figurent notamment dans les rapports du Giec, sont le fruit de modèles. Mais la “maille” (le degré de précision d’un modèle) qu’ils utilisent est bien plus grande que celle des modèles météo dont ils dérivent: 100 kilomètres de côté. Ils incluent aussi beaucoup plus de phénomènes: les interactions de l’atmosphère avec l’océan, les glaces de mer, le manteau neigeux… et même les rivières, le couvert végétal, le cycle du carbone – dont les micro-organismes des océans, qui jouent le rôle de pompe à carbone. Autrement dit: le système Terre. Autre différence avec la météo: pas besoin de partir d’un état initial pour prédire des trajectoires climatiques. Enfin, les modèles climatiques incluent les “forçages”: des événements naturels imprévus (éruptions, etc.), mais aussi l’influence humaine, avec notamment les émissions de CO2, basée sur les projections des économistes et démographes.

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