Sang et Urines Révèlent Amour de la Junk Food

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Sang et Urines Révèlent Amour de la Junk Food
Sang et Urines Révèlent Amour de la Junk Food

Africa-Press – Guinee Bissau. Une équipe de scientifiques américains a mis en évidence une « signature alimentaire » dans le sang et les urines des consommateurs d’aliments ultra-transformés. Parue le 20 mai 2025 dans la revue PLOS ONE, cette étude révèle également la présence, dans ces échantillons biologiques, de molécules provenant d’emballages alimentaires.

Pour identifier cette signature alimentaire, les scientifiques de l’Institut National du Cancer américain (NCI) se sont appuyés sur une discipline apparue dans les années 2010: la métabolomique. Cette discipline a progressé grâce au perfectionnement de deux techniques complémentaires. La première, la chromatographie, permet de séparer les différentes molécules d’un mélange selon leur capacité à migrer sur un support (comme du papier ou de la gélatine). La seconde, la spectrométrie de masse, intervient ensuite pour identifier précisément ces molécules isolées en fonction de leur rapport masse/charge.

L’urine et le sang de 718 volontaires analysés

Ainsi, l’urine et le sang de 718 volontaires adultes ont été analysés à l’aide de ces méthodes sophistiquées. Plus de 1000 petites molécules, appelées métabolites, ont pu être détectées et caractérisées dans chacun de ces liquides biologiques. Parallèlement, les participants ont été contactés six fois pendant l’année pour noter tout ce qu’ils avaient mangé la veille. Ces données alimentaires détaillées ont permis aux scientifiques de quantifier la part des calories provenant des aliments ultra-transformés dans le régime de chaque volontaire. Un score personnalisé a ainsi été calculé. En moyenne, les aliments ultra-transformés représentaient 50 % de l’apport énergétique des participants, avec une grande variabilité individuelle, oscillant entre 12% et 82%.

Qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé?

C’est un aliment industriel dont la composition n’est pas uniquement un assemblage d’aliments bruts comme de la farine ou des œufs. Certains de ses ingrédients ont été modifiés par des techniques extrêmes de transformations physiques (extrusion, moulage, cuisson sous haute pression) ou chimiques (hydrogénation, hydroxylation) avec pour conséquence la modification profonde de la matrice alimentaire. Beaucoup de céréales du petit-déjeuner entrent dans cette catégorie: à la base ce sont des céréales mais elles ont perdu leur forme et leur structure.

Un aliment ultra-transformé peut aussi être composé de substances industrielles extraites d’aliments, comme des isolats de protéines ou du sirop de glucose. On trouve dans cette catégorie la plupart des substituts de viande ou les sodas. Enfin ces aliments ont presque toujours, dans la liste de leurs ingrédients, des additifs « cosmétiques » (édulcorants, exhausteurs de goût, colorants, émulsifiants) et des arômes.

Avec ce double jeu de données, les scientifiques ont identifié 28 métabolites sanguins et 33 métabolites urinaires dont les concentrations varient en fonction de la consommation d’aliments ultra-transformés. Ces molécules pourraient constituer « la signature métabolomique caractéristique » d’un régime riche en produits industriels. Les chercheurs sont même allés plus loin en élaborant un « score poly-métabolite » proportionnel à la consommation d’aliments ultra-transformés: plus la consommation est importante, plus le score est élevé, en moyenne.

« Ce score poly-métabolique est défini comme une moyenne pondérée des concentrations de métabolites identifiés comme candidats et mesurées dans le sang ou l’urine des volontaires. Les participants consommant une grande quantité d’aliments ultra-transformés ont en moyenne une valeur de ce score supérieure aux autres », explique à Sciences et Avenir Vivian Viallon, chercheur statisticien au CIRC ( Centre international de Recherche sur le Cancer), également impliqué dans un projet métabolomique.

« Les produits ultra-transformés sont presque toujours emballés »

Pour ce scientifique, ces résultats « sont d’autant plus intéressants que l’équipe américaine a ensuite évalué la pertinence du score poly-métabolique sur un autre groupe de 20 volontaires ayant accepté de suivre un régime alimentaire entièrement contrôlé par l’équipe d’épidémiologistes ». Pendant un mois, ces vingt adultes en bonne santé ont vécu dans un centre hospitalier, alternant deux semaines où 80 % de leurs apports caloriques provenaient d’aliments ultra-transformés, puis deux semaines sans aucun de ces produits. Les chercheurs ont pu établir que les valeurs du score poly-métabolique étaient en moyenne plus élevées après le régime alimentaire riche en aliments ultra-transformés.

Autre preuve de la fiabilité du score poly-métabolique développé par les chercheurs: chez les personnes ayant une alimentation riche en produits ultra-transformés, on retrouve dans le sang très peu de métabolites associés à la consommation de fruits et légumes.

Ce lien entre alimentation et composition du sang ou des urines n’est pas une découverte en soi. Des études antérieures avaient déjà permis d’identifier dans ces fluides biologiques des biomarqueurs spécifiques à certains aliments: produits de la mer, poissons, produits laitiers, fruits, sucre, alcool, café, ou même des légumes comme le brocoli. Mais ici, la démarche est différente. Contrairement aux recherches précédentes, « les scientifiques n’ont pas ciblé dès le départ les métabolites à analyser. Ils ont mesuré plusieurs milliers de biomarqueurs simultanément, à l’aveugle, ce qui permet de découvrir des métabolites inattendus », explique Tasnime Akbaraly, chargée de recherche à l’Inserm, à l’Institut Desbrest d’épidémiologie et de santé publique (Université de Montpellier).

Cette chercheuse souligne également une autre originalité de l’étude: l’identification de métabolites associés aux emballages alimentaires. « Les produits ultra-transformés sont presque toujours emballés. Retrouver des traces de ces matériaux dans le sang ou l’urine est donc très parlant », souligne-t-elle. Un point appuyé par Vivian Viallon: « Cela conforte la fiabilité de la démarche, car tout repose ici sur des corrélations statistiques ».

Pour les épidémiologistes, valider ces scores métabolomiques permettrait de faire progresser la recherche en nutrition. Une grande partie des travaux actuels repose sur les déclarations des volontaires concernant leur alimentation — des données souvent imprécises ou biaisées. « Disposer de mesures biologiques objectives permettrait de mieux évaluer l’exposition réelle des individus aux différents types d’aliments ou de nutriments, et donc d’établir des liens plus fiables entre alimentation et santé », complète le statisticien du CIRC.

La classification NOVA

Pour identifier les aliments ultra-transformés dans les déclarations des volontaires, les épidémiologistes s’appuient le plus souvent sur la classification NOVA, élaborée par le chercheur brésilien Carlos Monteiro.

Celle-ci distingue quatre groupes d’aliments:
• Groupe 1: Aliments non transformés ou peu transformés (fruits, légumes, viande, lait, etc.)

• Groupe 2: Ingrédients culinaires utilisés dans la préparation des repas (huile, sucre, beurre, etc.)

• Groupe 3: Aliments transformés par des procédés simples (pain, conserves, fromages, etc.)

• Groupe 4: Aliments ultra-transformés, issus de formulations industrielles complexes (snacks, sodas, plats préparés, etc.).

Cependant cette façon de classer les aliments pour la recherche a été récemment discutée par l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation). Cette agence souligne notamment certaines imprécisions, liées à la diversité des critères utilisés pour définir un aliment ultra-transformé. Ces flous pourraient conduire à des divergences d’interprétation entre les équipes de recherche.

Cependant, la chercheuse montpelliéraine estime que des travaux complémentaires seront nécessaires, notamment le développement de scores métabolomiques adaptés à chaque type d’aliments ultra-transformés. « Ces produits sont très hétérogènes », souligne-t-elle. « Certains, comme les sucreries ou les boissons, sont riches en additifs et colorants, tandis que d’autres, comme certaines céréales du petit déjeuner, sont issus de procédés industriels ». Et d’ajouter: « Comme leur consommation régulière est nocive pour la santé, il serait intéressant de comprendre, famille par famille, les mécanismes qui expliquent leurs effets délétères. »

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