Africa-Press – Guinee Bissau. Un rayonnement gamma 200 fois plus énergétique que ce qui avait été mesuré jusqu’ici ! Le pulsar de Vela situé à 960 années-lumière de la Terre, l’un des plus puissants connus à ce jour, vient de pulvériser son propre record, selon une étude parue le 5 octobre 2023 dans la revue Nature Astronomy. L’annonce a surpris la communauté scientifique qui ne s’attendait pas une telle débauche d’énergie de la part de Vela, ni des pulsars en général…
Des cadavres d’étoiles très magnétiques
Les pulsars sont un type particulier d’étoiles à neutrons, découvert en 1967 par l’astrophysicienne britannique Jocelyn Bell-Burnell. Ces étoiles mortes issues d’une supernova (Vela s’est formé ainsi il y a 12000 ans environ), très denses (à la limite d’un trou noir), sont en rotation très rapide sur elles-mêmes, jusqu’à 1000 tours/seconde (10 tours par seconde pour Vela).
Elles émettent par chaque pôle des rayonnements radios qui balaient le ciel à la manière du pinceau d’un phare. Lorsque la Terre se trouve sur le trajet du faisceau, elle reçoit ainsi des flashs à intervalles très réguliers. Nous percevons alors des pulses radio qui ont donné son nom à ce type d’astre. Certains pulsars (environ 300) émettent également des pulsations dans le domaine des rayons gamma autour du gigaélectronvolt – 10 puissance 9 eV (électronvolts) – mais l’origine de ceux-ci pose encore bien des questions… D’où l’intérêt de ce résultat.
80 heures d’observations
Lorsque les rayons gamma les plus énergétiques arrivent dans l’atmosphère, ils sont absorbés et produisent une myriade de particules. Celles-ci émettent une lumière particulière dite “Tcherenkov” à laquelle sont sensibles les télescopes terrestres dévolus à l’étude des rayonnements à haute énergie. “Grâce à l’instrument HESS [High Energy Stereoscopic System, réseau de télescopes installés en Namibie], nous sommes ainsi parvenus à capter des photons de 20 téraélectronvolts (10 puissance 12 TeV), ce qui n’avait jamais été fait dans le cadre d’une émission périodique de type pulsar, explique à Sciences et Avenir Arache Djannati-Ataï, astrophysicien au CNRS (IN2P3) et responsable scientifique de la publication. Ces rayonnements sont difficiles à capter car plus les photons sont riches en énergie, et moins ils sont nombreux. Pour aller “chercher” ceux-ci, il a fallu 80 heures observations.” Le fait que les astrophysiciens aient “remonté dans leur filet” de tels photons les laisse quelque peu pantois, car l’origine du rayonnement des pulsars reposait sur des paradigmes remis en cause par ces mesures…
Une partie d’auto-tamponneuses cosmiques
Doté d’un puissant champ magnétique et électrique, le pulsar est un formidable accélérateur de particules. On peut se le représenter comme un gros aimant, les lignes de champs magnétiques jaillissant des pôles de l’astre. Les électrons sont accélérés par le champ électrique le long de ces lignes magnétiques jusqu’à des vitesses proches de la lumière. Lorsqu’ils rencontrent les photons présents dans l’environnement du pulsar, cela déclenche une partie “d’auto-tamponneuses” entre particules, comme l’explique Arache Djannati-Ataï. “En percutant les photons, les électrons leur communiquent presque toute leur énergie. Les photons se trouvent ainsi propulsés du domaine infrarouge à celui des rayons gammas. Mais jamais il n’avait été envisagé qu’ils atteignent une telle énergie dans le domaine gamma autour d’un pulsar.”
En effet, “les jets d’électrons se produisent à l’intérieur d’un cylindre théorique parallèle à l’axe de rotation du pulsar, “le cylindre de lumière”, détaille l’astrophysicien. Selon la vision traditionnelle, c’est dans ce cylindre ou à sa périphérie que devraient se produire les rencontres entre les électrons accélérés et les photons. Le problème, c’est que pour atteindre les énergies mesurées, les électrons devraient continuer d’accélérer bien au-delà du cylindre de lumière.”
Une nouvelle fenêtre d’observation sur les trous noirs
Faudra-t-il modifier ce mécanisme ? Ou bien se pencher vers d’autres hypothèses ? La balle est désormais dans le camp des théoriciens. Quoi qu’il en soit, cette découverte de HESS est une très bonne nouvelle pour l’astronomie des hautes énergies, qui voient sa fenêtre d’observation s’élargir aux pulsars. “Cette découverte ouvre la voie vers la détection de signaux de même type en provenance d’autres pulsars, conclut le chercheur. Avec HESS, nous sommes à la limite de la sensibilité. Mais de nouveaux instruments vont bientôt prendre le relais, comme CTA (Cherenkov Telescope Array), un réseau de télescopes qui sera installé au Chili et aux Îles Canaries [en construction, l’achèvement est prévu pour 2028]. En comprenant mieux les mécanismes d’accélération et d’émission par d’objets très magnétisés comme les pulsars, nous ferons des progrès dans la compréhension des processus autour d’objets encore plus étranges, comme les trous noirs par exemple, où l’on soupçonne également l’existence d’une magnétosphère active…”
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