Africa-Press – Guinée. L’écrivaine franco-libanaise Dominique Eddé a affirmé que le pire se produit sous nos yeux: de la paralysie de l’Europe à la domination de l’argent, incarnée puissamment par le président américain Donald Trump, ce qui équivaut à la disparition de la communauté internationale.
Dans un entretien accordé à un journal suisse, l’auteure et intellectuelle engagée a déclaré que les images en provenance de Gaza avaient consumé ses nerfs. Elle a dénoncé la « brutalité sans limite », la mauvaise foi de la politique israélienne, la passivité des puissants et l’évolution vers un acte « génocidaire », tout en critiquant également les partis islamistes armés tels que le Hezbollah et le mouvement Hamas.
Ayant accompagné le conflit israélo-palestinien durant des décennies, elle a exprimé, avec une voix empreinte de clarté, de détermination et d’empathie, les souffrances qu’elle perçoit dans les images de cadavres, d’hommes épuisés et de femmes brisées. Elle a particulièrement évoqué l’image d’un vieil homme poussant une charrette remplie de morts, s’effondrant soudain à genoux sous l’effet d’une vague de douleur, affirmant que cette scène avait brûlé ses nerfs plus que toutes les autres.
Gaza, là où meurent les Conventions de Genève
Dominique Eddé a déclaré – selon le rapport de Luis Lima sur l’entretien – « Vous me demandez ce que dit le silence du monde à ce sujet? » Elle a répondu: « Il parle de l’effroi d’un monde qui s’éloigne de son humanité. C’est l’échec, ou plutôt la disparition, de ce qu’on appelait la communauté internationale. L’effondrement, sous nos yeux, de tout ce sur quoi reposait ce droit. »
Eddé, d’origine libanaise, a rappelé que l’Union européenne a continué à envoyer des armes à Israël, même après que la Cour internationale de justice a mis en garde contre un risque de génocide. Elle a demandé comment qualifier ce qui s’est passé depuis, sinon comme un génocide? Elle a ajouté que l’Europe vit aujourd’hui un état de paralysie pitoyable, n’agit pas, et ne change presque rien.
Interrogée sur le « droit à la légitime défense » devenu le justificatif d’Israël pour ses actes et un outil de répression contre toute critique, Eddé a estimé que ce droit, comme prévu et vu la nature du régime israélien, est devenu le droit de tout faire: bombardements aveugles, assassinats de familles entières, destruction d’hôpitaux, d’écoles et de lieux de culte, limitation du nombre de camions alimentaires autorisés à entrer, droit d’envahir une partie de la Syrie et de détruire son armée, d’occuper une partie du Liban, et de profiter de manière inimaginable de la défaite maléfique des régimes arabes.
L’écrivaine s’est interrogée: « Quel est le but du gouvernement israélien? La disparition de la Palestine dans une région fragmentée et colonisée? » Elle a rappelé que la majorité de la société israélienne vit dans un état d’aveuglement volontaire à un certain degré, soulignant que le nationalisme soutenu, encadré par la peur et accompagné d’un sentiment de supériorité, constitue le pire ennemi de l’humanité.
Eddé a estimé que le principal obstacle auquel Israël fait face est le mensonge fondateur du sionisme, résumé dans la célèbre formule de l’ancienne Première ministre Golda Meir: « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Mais au lieu de corriger ce mensonge, de le reconnaître et de donner aux Palestiniens les moyens de surmonter la tragédie qu’ils ont subie, Israël le renforce.
Concepts désuets et faillite morale mondiale
L’écrivaine a affirmé que le sionisme et l’antisionisme sont des concepts dépassés, ou du moins qu’ils nécessitent une réévaluation. Elle a déclaré qu’Israël, en tant qu’État juif pur, est une idée indéfendable, mais qu’il est peut-être trop tard, car la puissance de l’argent dicte désormais sans limite toutes les politiques intérieures et extérieures des dirigeants mondiaux, surtout que l’intelligence artificielle l’alimente, la renforce et l’accélère.
Trump, selon Eddé, incarne triomphalement cette emprise de l’argent sur la politique: tout se vend et s’achète, même les pays. C’est donc le pire moment pour présenter des idées, à moins qu’un péril environnemental global ne relance un jour la pensée et ne mette fin à cette ère de prédation, dont l’effondrement de Gaza est devenu le symbole d’une faillite mondiale totale.
Bien que l’Europe fonde en partie sa légitimité sur la défense de certaines valeurs humaines et du droit, elle a échoué à s’unir, affirme-t-elle. Pourtant, elle aurait pu, pour sauver les valeurs qu’elle prétend défendre, cesser toutes livraisons d’armes, imposer des sanctions, dénoncer les accords de partenariat avec Israël, et traiter le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, comme un criminel de guerre, tel que l’a qualifié la Cour pénale internationale.
Elle a toutefois souligné que l’Europe est noyée dans une culpabilité historique profonde. Mais ce sentiment de culpabilité – bien que compréhensible à cause de l’horreur de la Shoah – est très mal interprété et géré, estime-t-elle. L’Allemagne, par exemple, feint de croire qu’elle s’éloigne de son passé nazi en soutenant un régime d’extrême droite simplement parce qu’il est juif, ce qui, au contraire, la rapproche de ce passé. Car l’identité n’a pas sa place dans les critères de justice: combattre quelqu’un parce qu’il est juif, musulman, noir ou blanc est du racisme, mais le défendre pour les mêmes raisons l’est aussi.
Eddé a conclu que les notions de participation et de citoyenneté doivent prévaloir sur celles de communauté. Sortir du gouffre requiert désormais un immense effort d’imagination et d’innovation. Elle a souligné que la proposition israélo-palestinienne « Une terre pour tous », qui prône une solution à deux États avec des frontières ouvertes, mérite d’être envisagée, mais que le monde actuel en est encore très éloigné.
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