Le retour des coups d’État en Afrique et la révolte des « Colonels »

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Le retour des coups d'État en Afrique et la révolte des « Colonels »
Le retour des coups d'État en Afrique et la révolte des « Colonels »

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Guinée. Le continent africain a vécu l’année dernière, en particulier, une vague de coups d’État militaires conduits par des officiers supérieurs au grade de « Colonel », à l’exception du général Mahamat Idriss Deby, qui n’avait que 37 ans lorsqu’il a pris le pouvoir au Tchad en 2021, après l’assassinat de son père, le président Idriss Deby Itno.

Au Mali, c’était le colonel Assimi Goïta, en Guinée ce fût le colonel Mamady Domboya, et au Burkina Faso, le colonel Paul Henry Damiba a renversé le régime du président Christian Roch Kaboré.

Ainsi, en moins d’un an, les militaires s’étaient emparés du pouvoir au Tchad, au Mali, en Guinée-Conakry et au Burkina Faso, tandis que la tentative du récent coup d’État perpétrée en Guinée-Bissau, quant à elle, avait échoué.

D’après les observateurs, cette tentative de coup d’État était un nouvel avertissement qu’une vague orageuse de coups d’État menaçait les fragiles démocraties des pays d’Afrique de l’Ouest, qui fait partie des pays du Sahel confrontés à une escalade de la menace terroriste, jusqu’aux pays du golfe de Guinée.

Quel est donc ce phénomène

Des officiers et des militaires en Afrique de l’Ouest auraient toujours accusé les autorités civiles de ne pas leur fournir les munitions nécessaires pour lutter contre les menaces des groupes armés, ni même pour s’entraîner, et ce de peur que ces armes et munitions ne soient utilisées contre eux dans des opérations de coup d’État.

Le phénomène des officiers de rang intermédiaire menant de coups d’État militaires en Afrique n’est pas nouveau, contrairement aux pays arabes et aux pays d’Amérique latine, où des officiers supérieurs mènent généralement des coups d’État contre des présidents élus.

Et ceci laisse poser des questions sur les raisons pour lesquelles les officiers de grades moyens prennent le pouvoir à la place des généraux, des chefs d’état-major et des ministres de la Défense.

La réponse la plus plausible à ces questions, c’est que les officiers de rang intermédiaire mènent généralement des coups d’État militaires, du fait qu’ils sont plus connectés aux soldats et connaissent leurs souffrances sur le terrain dans la lutte contre le terrorisme, et que les hauts dirigeants dans leurs bureaux ne réalisent pas l’ampleur des difficultés rencontrées par les soldats pour combattre les groupes armés, ainsi que leurs besoins logistiques cruciaux nécessaires dans toute bataille.

Absence de munitions

Si l’on retrace les véritables raisons qui ont poussé les auteurs de putschs au Mali, au Burkina Faso et, dans une moindre mesure, en Guinée à se lancer dans ces « folles aventures », on constate que l’incapacité des gouvernements à fournir des munitions en quantité suffisante, que ce soit pour affronter des groupes terroristes ou même pour leurs entraînements réguliers ou encore dans le cadre des manœuvres militaires, reste la plus importante de ces raisons qui ont incité à avancer dans une grande colère vers le renversement du régime dans leur pays.

La responsabilité ne se limite donc pas au Président et à son Gouvernement, mais s’étend également au Chef d’état-major et aux Officiers supérieurs, comme cela s’est produit au Mali et au Burkina Faso, alors que les putschistes réclamaient des changements au niveau de la direction de l’Etat-major avant le succès de leur coup d’État.

D’autant plus qu’un grand nombre de soldats au Mali et au Burkina Faso semblent avoir laissé leurs vies de la manière la plus horrible après l’épuisement de leurs munitions alors qu’ils combattaient des groupes terroristes, que ce soit dans des embuscades auxquelles ils ont été exposés ou piégés à l’intérieur de leurs casernes, sans qu’aucun soutien ne leur parvienne à temps.

C’est pourquoi les officiers de terrain et les soldats des pays de la région du Sahel africain accusent les gouvernements de leurs pays de ne pas fournir un soutien suffisant et rapide à leurs collègues, et de ne pas fournir de munitions en quantité appropriée, pour affronter les groupes armés.

La crainte des coups d’Etat

Compte tenu du grand nombre de coups d’État en Afrique, certains présidents africains ont recours à la réduction et à l’affaiblissement de l’influence de l’armée, en réduisant son budget, ou en ne fournissant pas d’armes et de munitions dans la quantité et la qualité exigées par les officiers selon des normes bien spécifiques.

Dans ce contexte, et devant l’obsession du putsch qui les hante, de nombreux dirigeants africains préfèrent nommer les officiers les plus fidèles aux postes et grades les plus élevés, même s’ils sont moins expérimentés ou n’ont aucune acceptation parmi les militaires.

A cela s’ajoute que des officiers à la loyauté douteuse sont changés, mis à la retraite ou même jugés militairement pour diverses accusations, notamment de complot contre le régime, comme cela s’est produit au Burkina Faso, ce qui peut augmenter la tension entre leurs camarades, qui peuvent chercher à renverser le président pour éviter le même sort.

Autres facteurs & Soutien de l’étranger

Il importe de noter que le conflit entre « la présidence et les militaires » est enraciné en Afrique, avec la méfiance des uns envers les autres, la méfiance mutuelle et l’échec des gouvernements à plusieurs niveaux, notamment économique et sécuritaire, ce qui donne aux officiers intermédiaires des arguments pour justifier leurs tentatives à vouloir prendre le pouvoir.

De leur côté, les médias occidentaux considèrent les coups d’État militaires survenus dans les pays d’Afrique de l’Ouest comme une expression contre l’échec de la politique française dans la région, notamment celle du président Emmanuel Macron, et que la Russie est celle qui alimente et soutient ce genre de coups d’État.

Ceci serait lié également à la montée d’une classe d’oligarchie militaire dans un certain nombre de pays d’Afrique de l’Ouest, qui avait tendance à s’allier avec la Russie après avoir perdu l’espoir d’un plus grand soutien français pour elle avec des armes face aux groupes armés.

Par ailleurs, le soutien tacite de la Russie aux putschistes en Afrique les protège de facto des sanctions de l’ONU, leur fournit des armes et des munitions à des conditions faciles, sans évoquer l’énorme différence de prix entre les armes russes « bon marché » qui correspondent aux budgets limités des pays africains, par rapport aux prix élevés des armes françaises, qui atteignent parfois 11 fois le prix de leurs similaires russes.

A cela s’ajoute entre-autres l’envoi de mercenaires russes de Wagner pour soutenir les régimes fragiles en Afrique, ce qui peut alimenter les ambitions de l’armée Ouest-africaine à prendre le pouvoir, comme la tentative qui s’est produite en Guinée Bissau.

Conclusion

Pour conclure, on peut dire que le « démon » des coups d’Etat sur le Continent africain n’est plus en hibernation, sa « hache de guerre » ayant été déterrée, et gare aux régimes civils qui « déraillent » de la voie de la démocratie et des libertés publiques et individuelles.

Rappelons dans ce contexte que les sanctions imposées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre les régimes putschistes de la région, « ne semblent pas capables de freiner les officiers de terrain, dont la plupart sont de rang intermédiaire, pour renverser les régimes dans leurs pays ».

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