Mali – Guinée Conakry – Burkina Faso vers la formation d’un « Front de libération du colonialisme » en Afrique de l’Ouest

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Mali - Guinée Conakry - Burkina Faso vers la formation d’un « Front de libération du colonialisme » en Afrique de l'Ouest
Mali - Guinée Conakry - Burkina Faso vers la formation d’un « Front de libération du colonialisme » en Afrique de l'Ouest

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Guinée. Les peuples africains en ont assez de l’épuisement continu par le colonisateur des ressources de leurs pays, et de leur vie misérable dans toutes ses dimensions, et c’est pour toutes ces raisons et en déplorant l’état de leur pays, soit en réponse ou en acquiescement au soulèvement de leur peuple, qu’ils ont pris l’initiative de se libérer, chacun de son côté et chacun à sa manière, de l’emprise du colonialisme de la France, qualifié de « néo-colonialisme », en un défi clair contre elle et ses subordonnés au sein de la « Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest » (CEDEAO), et ils ont enduré beaucoup de pressions et ont rencontré même de nombreux obstacles.

C’est d’ailleurs ce qui a incité de jeunes officiers militaires des armées du Mali, de la Guinée Conakry, et du Burkina Fasso, au début de la deuxième décennie du troisième millénaire, à se soulever dans l’ouest du continent pour renverser les dirigeants de leurs pays.

Le premier d’entre eux a été « Assimi Goïta » au Mali, puis ce fut le tour de « Mamadi Doumbouya » en Guinée Conakry qui l’a rejoint, et enfin « Ibrahim Traoré » les a suivis au Burkina Faso, et récemment quelques visions sont apparues et les premières indications ont commencé à indiquer qu’ils s’étaient mis d’accord pour débarrasser leur pays du colonialisme français chronique, et en témoigne le mini-sommet qui a réuni récemment les ministres des Affaires étrangères des trois pays voisins.

Ces développements ont soulevé de nombreuses questions.

Les plus importantes d’entre elles sont :

• Quels sont les motifs qui ont poussé la jeunesse militaire à emprunter ce chemin épineux ?
• Quels sont les principaux obstacles et risques susceptibles de contrecarrer leurs ambitions ?
• Quels sont les résultats potentiels les plus importants de cette expérience de libération ?

Une sorte de Troïka ouest-africaine est née

Olivia Rwamba, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso avec ses homologues guinéen et malien, Mauricena Kouyaté et Abdoulaye Diop, le 9 février 2023 à Ouagadougou.

Pour y voir plus clair, on doit dire que les jeunes dirigeants des pays de cette semblant de « Troïka », ont pu donc mettre au point une coordination conjointe lors de réunions bilatérales tenues entre eux, avec comme objectif la formation d’un « Front de libération du colonialisme en Afrique de l’Ouest » :

• Guinée – Mali : au cours de cette réunion le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, et la délégation ministérielle qui l’accompagnait ont rencontré le président guinéen de transition, Mamadi Doumbouya, à Conakry, puis ce dernier s’est rendu à Bamako et a rencontré le président malien de transition, Assimi Goïta,

• Burkina Faso – Mali : réunion au cours de laquelle le président burkinabé de transition, Ibrahim Traoré, a rencontré le président malien de transition, Goïta, à Bamako, et les consultations dans le cadre des relations bilatérales ont abouti à la tenue d’un mini-sommet à Ouagadougou, le 9 février 2023, réunissant Olivia Rouamba, ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères du Mali, et Morissanda Kouyaté, ministre des Affaires étrangères de la Guinée.

Tout ce qui se trame dans la tête des dirigeants des pays de ladite Troïka était de se libérer totalement de l’emprise du « colonisateur » français, comme le Mali d’abord qui avait décidé de se passer des services français, y compris de mettre fin à la présence militaire et diplomatique et l’éloignement total, ou le Burkina Faso qui avait fait savoir à l’ambassadeur de France qu’il était « persona non grata » et exigea son remplacement, ce qui a surpris la France qui n’a pas pris l’affaire au sérieux à première vue et a tenté d’encaisser le choc.

Par ailleurs, le Burkina Faso n’a pas eu froid aux yeux en lui ayant notifié d’urgence la résiliation de l’accord de présence militaire tout en exigeant le retrait de ses forces, sachant que la France a répondu tout de même avec force en fixant la fin février 2023 comme date pour achever le retrait, tout en rappelant son ambassadeur pour se concerter sur la situation actuelle, mais une décision finale de rompre les relations diplomatiques n’a pas encore été officiellement annoncée.

Pour ce qui est de la Guinée Conakry, et malgré l’apathie des relations des deux pays, la Guinée a préféré ne pas s’envenimer avec la France, ce qui jette un doute sur les intentions de « Doumbouya ».

Objectifs du sommet ministériel tripartite

Pour revenir à ce sommet ministériel, il a explicitement conduit les pays de cette Troïka à :

• condamner automatiquement les sanctions qui leur furent imposées, sans tenir compte des causes profondes et complexes des changements politiques dans leurs pays, et leur accord pour échanger leurs efforts et prendre des initiatives communes,
• de lever les mesures de suspension de l’adhésion de leurs pays,
• d’assouplir d’autres restrictions prises par l’Union Africaine et le groupe « CEDEAO ».

Dans le cadre de la lutte contre le phénomène d’insécurité dans le secteur sahélo-saharien, il a été souligné la nécessité de concentrer les efforts concertés de leurs pays, ainsi que des pays de la région, dans la lutte contre le fléau du terrorisme et du crime organisé.

A noter que le communiqué publié à l’issue du sommet comprenait également l’annonce d’une longue liste de projets communs, dont :

• la fourniture de carburant et d’électricité,
• le développement du commerce,
• le transport depuis le port de Conakry,
• l’organisation conjointe de l’exploitation minière,
• la construction d’une voie ferrée reliant les trois capitales,
• et la construction de nouvelles voies de transport, qui laisse présager de la détermination des nouveaux dirigeants à barrer jusqu’au bout la voie de la libération, et qu’elle pourra les réunir prochainement pour un sommet présidentiel.

Haro sur la corruption

Selon les observateurs et les spécialistes des affaires africaines, la loyauté et la corruption des élites politiques et des hauts commandants des armées, en Afrique en général, et dans les pays de la « nouvelle Troïka » en particulier, étaient la plus grande garantie du maintien en place du contrôle du « colonisateur » dans la politique de l’État, en quelque sorte qui sécurise ses intérêts économiques, qui visent en définitive :

• l’acquisition des ressources et richesses de l’État gratuitement ou au prix le plus bas,
• l’acquisition du marché local pour écouler ses produits,
• le monopole des opportunités d’investissement pour son capital avec des contrats déloyaux et des retours imaginaires.

La France soutenait donc un tel groupe d’hommes politiques et de militaires, les aidait à occuper des postes et assurait leur survie le plus longtemps possible, ce qui a déclenché le régime alimentaire d’une nouvelle génération de jeunes soldats, et non ceux impliqués dans de tels actions, en vue de débarrasser leur pays de cette dépendance.

D’où encore la préoccupation des élites politiques d’accéder au pouvoir, puis de consolider ses fondements et de le perpétuer entre leurs mains, d’assurer la sécurité nationale et humaine, qui a également provoqué l’enracinement d’un état chronique de chaos sécuritaire, la propagation du chaos, de la violence, du terrorisme, et le crime organisé, à une époque où les armées souffrent d’un manque inquiétant d’armement et de formation, de développement et de modernisation, à l’exception de ceux liés au maintien de la sécurité des systèmes, qui ont fait peser une lourde charge sur les membres de l’affrontement issus de ces armées , y compris les soldats, les officiers subalternes et les commandants, et leur ont infligé de lourdes pertes dans leurs affrontements opérationnels, sans parler de la négligence de toutes les fonctions de l’État, et donc du déclin de tous les services gouvernementaux, tels que la santé, l’éducation, les routes, les équipements, etc., ce qui a accru l’état de colère et de mécontentement des peuples et a incité la nouvelle génération de soldats subalternes à chercher une issue pour arrêter cette grande détérioration chronique.

Obstacles et dangers devant l’envie de la libération de l’emprise du « colonisateur »

Ce que peut impliquer l’expérience émergente de la libération n’est plus un secret pour personne. Il n’est donc pas possible, bien qu’on l’imagine en partie, de s’attendre à la réaction de l’Occident, et au cœur de celui-ci la France, dans le cas des pays de la « Troïka de libération » qui regroupe le Mali, le Burkina Faso, et la Guinée Conakry, et qui sont des États naturellement fragiles.

Le moins qu’on puisse décrire, c’est que ces trois pays sont incapables d’étendre leur autorité sur l’ensemble de leur territoire, et n’ont pas également les capacités matérielles, logistiques, militaires, technologiques ou de renseignement qui leur permettraient d’affronter la France, si elle se décidait à le faire, et elle l’a fait quand même, pour semer le chaos et la destruction dans tout le pays, dans le but d’assujettir les régimes émergents qui ne lui sont pas fidèles, et encore moins hostiles.

Il n’est pas surprenant aussi que cela soit considéré comme une hostilité pure et simple, car on n’exagère pas si l’on considère que la source de la force et du progrès de l’Occident dépend à plus de 75% des richesses, des ressources et des marchés et opportunités de l’Afrique, et la poursuite de ses relations avec l’Afrique dans son état de dépendance et de soumission représente pour lui des intérêts vitaux, voire fatidiques dans plusieurs cas, en plus d’alimenter les conflits ethniques déjà exacerbés dans ces pays.

On relève, dans ce contexte, que les exemples les plus clairs en sont :

• opposer les mouvements de l’Azawad du nord du Mali aux nouvelles autorités,
• les inciter à se retirer du dialogue national, voire à prendre les armes contre l’État,
• et cela comprend également le soutien et l’activation d’organisations terroristes, qui se poursuivent.

De nombreux rapports font état de son association avec la présence française en Afrique de l’Ouest et au Sahel.

Dans le même ordre d’idées, l’activité des réseaux criminels organisés pénétrant dans les institutions de ces pays va s’accroître, tandis que la France poussera, de par son poids stratégique dans les couloirs de l’Union africaine et de la CEDEAO (et cela n’est pas un secret) vers l’utilisation de tous les outils de pression sur ces régimes émergents, sous des prétextes légitimes, cependant, elle ne tient pas compte de la spécificité des cas étudiés, et il est également probable qu’elle utilisera l’arme de la dette et le taux de change, notamment au vu de la relative corrélation entre le franc français et les monnaies utilisées en Afrique de l’Ouest et du Centre.

L’urgence d’affronter ces dangers peut conduire à tomber dans des dangers de même qualité ou plus dangereux, qui se dirigent vers l’est et tombent sous l’emprise d’un autre colonisateur comme la Russie et la Chine, et ils ne diffèrent pas du tout dans les objectifs de traitant des pays africains, même s’ils diffèrent dans les méthodes et les moyens de l’Occident.

Quel sort pour les tendances libérales des pays de la Troïka à l’avenir

Il est trop tôt pour tenter d’anticiper l’issue des tendances libérales des pays de la Troïka (en cours d’étude), car l’avenir de l’expérience dépend de quatre variables principales :

1 –Le comportement de la France et sa réaction face à son sentiment de danger, en conséquence de sa perte de contrôle sur les pays de la Troïka, et il ne restera certainement pas les bras croisés, d’autant plus que les opportunités sont ouvertes pour répandre l’infection de la nouvelle libération dans d’autres pays,

2 –La capacité des nouveaux dirigeants à faire face aux risques potentiels de leur libération de l’hégémonie française et de leur coopération avec la Russie, qu’il est aujourd’hui difficile d’évaluer,

3 –La capacité de la Russie à combler le vide créé par les nouvelles transformations, et sa capacité à dissiper les craintes d’une coopération avec elle et à obtenir de meilleurs résultats, qui sont des enjeux difficiles à estimer aujourd’hui également,

4 –La position des États-Unis, du reste des pays européens et des puissances internationales et régionales montantes, qui ne resteront certainement pas les bras croisés face à ces transformations radicales.

Inutile de préciser, soulignent les observateurs : « S’enthousiasmer pour ce courant libéral ne signifie pas nécessairement saluer l’alternance anticonstitutionnelle du pouvoir, et que se libérer des crocs de l’Occident ne signifie pas nécessairement accepter de tomber dans les griffes de l’Est, car tout cela est comme la mort pour les contraints et pour ceux qui se défendent contre le danger de périr ».

La Troïka et ses relations avec la CEDEAO

Il importe de noter que les ministres des affaires étrangères des trois pays (Mali – Burkina Faso – Guinée Conakry) ont dénoncé, lors de leur réunion, les « sanctions imposées automatiquement qui ne tiennent pas compte des causes profondes et complexes des changements politiques ».

Le communiqué rendu public par les trois ministres, a indiqué que ces sanctions « affectent des populations déjà touchées par l’insécurité et l’instabilité politique, et privent la CEDEAO et l’Union africaine de la contribution nécessaire des trois pays pour faire face aux défis majeurs ».

La même source a ajouté que les concernés ont également estimé que ces sanctions « affectent la solidarité » de cette région d’Afrique, qui « constitue le principe de base de l’intégration régionale et de la coopération continentale », appelant à apporter « un appui technique et financier tangible et significatif aux efforts de sécurisation et d’appui au processus de retour à l’ordre constitutionnel », théoriquement prévu en 2024 au Mali et au Burkina Faso et en 2025 en Guinée.

Quant au ministre guinéen des Affaires étrangères, il a déclaré : « Nous appartenons à des instances, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’Union africaine, et ce n’est pas quelque chose de nouveau ».

Pour sa part, son homologue malien a souligné : « Il est inacceptable que nous soyons encore tous les trois ici pour discuter de ces questions, notamment après soixante ans d’indépendance ».

Pour rappel, ladite réunion s’est tenue à Ouagadougou, deux jours seulement après que le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov s’est rendu au Mali, où il a promis de fournir une assistance « à la région du Sahel et du Sahara et même aux pays bordant le golfe de Guinée ».

Il importe également de mettre l’accent sur le fait que les gouvernements militaires du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée Conakry ont exigé le rétablissement de leur appartenance à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et à l’Union africaine.

Sans aucun doute, ce sont la série de coups d’État survenus au Mali, en Guinée et au Burkina Faso et l’instabilité de la région du Sahel, qui connaît la violence des groupes djihadistes malgré le déploiement des forces internationales, qui ont ouvert la voie à la présence russe.

Le Burkina Faso, le Mali et la Guinée ont donc annoncé officiellement qu’ils avaient demandé la fin de la suspension de leur adhésion à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest « CEDEAO » et à l’Union africaine.

On se demande donc : Que va-t-il advenir à l’avenir ? Serait-ce le préambule de l’éclatement de la CEDEAO ???

Nous appuyons notre dosser avec quatre enregistrements vidéo revenant sur la question de cette nouvelle Troïka ouest-africain :

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