Abdourahamane CONDE
Africa-Press – Guinée. La récente déclaration d’Elhadj Cellou Dalein Diallo, annonçant sa non-participation à la présidentielle du 28 décembre 2025 et le refus de l’UFDG de soutenir l’un ou l’autre des candidats engagés, a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans une campagne qui peinait déjà à trouver son souffle.
Cette prise de position, loin d’être un simple retrait, reconfigure en profondeur l’équilibre politique, fragilise les alliances en gestation et met au jour un malaise démocratique que beaucoup tentaient d’ignorer.
Depuis plusieurs semaines, les appels au soutien se multipliaient. Certains candidats, dont Abdoulaye Yero Baldé, espéraient bâtir leur dynamique sur l’appui des grandes formations historiques (UFDG, UFR, RPG, PEDN), convaincus qu’un ralliement de ces partis pourrait légitimer l’élection et redonner un semblant d’équilibre à une compétition que beaucoup jugent verrouillée. La réponse de Cellou Dalein Diallo est venue inverser la logique: « nous ne servirons pas de caution », voilà, en substance, le message envoyé.
Un choix stratégique, mais surtout un choix de rupture
Ce refus n’est pas anodin. Il marque la volonté de l’UFDG de ne pas participer à un processus qu’il considère comme biaisé dès le départ. Pour Cellou Dalein Diallo, soutenir un candidat, quel qu’il soit, reviendrait à valider une élection organisée sous contrôle d’un pouvoir de transition qui joue à la fois les rôles d’arbitre, de joueur et de gardien du stade.
Le choix est donc politique, mais aussi moral. Il exprime l’idée que la légitimité démocratique ne se négocie pas au gré des intérêts circonstanciels.
Une décision qui soulève plusieurs problèmes majeurs
Que devient l’opposition dans un scrutin sans ses poids lourds?
La scène politique se retrouve soudainement déséquilibrée. L’absence de grands partis laisse le terrain presque entièrement à un camp qui dispose déjà de l’appareil d’État. Cela pose une question simple: peut-on parler d’élection lorsqu’une partie essentielle du jeu politique est absente?
2. Comment mobiliser un électorat démobilisé?
Le risque est celui d’une abstention record. Sans repères, sans porte-voix, plusieurs citoyens se tourneront vers l’indifférence ou le boycott actif. Dans un pays où la confiance institutionnelle est fragile, c’est un signal alarmant.
3. Une fracture durable entre deux conceptions de l’action politique
D’un côté, ceux qui estiment qu’il faut participer malgré les imperfections du processus. De l’autre, ceux pour qui la participation serait une trahison des principes. Cette fracture, si elle n’est pas gérée, peut affaiblir durablement le camp du changement démocratique.
Des conséquences pour chaque acteur
Pour les candidats en lice
L’absence de soutien d’un grand parti n’est pas seulement un manque de voix. C’est un déficit de légitimité politique et morale. Gagner sans les plus grandes forces d’opposition, c’est commencer un mandat avec une ombre au-dessus de la tête.
Pour l’UFDG et ses militants
Le risque, désormais, est la division interne. Certains comprendront la logique du retrait ; d’autres y verront un renoncement ou une stratégie trop coûteuse. Ce moment exige de la clarté, de la pédagogie et un discours cohérent pour éviter l’éparpillement.
Pour la Guinée
Le plus grand danger reste la normalisation d’un paysage politique sans compétition réelle. Une élection doit permettre le choix. Or, pour choisir, il faut pouvoir comparer, confronter, débattre. Ce débat n’aura pas lieu.
Ce qu’il faudrait faire pour limiter les dérives
Le pouvoir doit garantir un minimum de transparence: même dans un contexte difficile, certaines lignes rouges doivent être préservées, telles que la liberté des médias, l’égalité d’accès des candidats, et la neutralité des institutions. Sans cela, le pays s’enfoncera davantage dans la méfiance.
L’opposition doit réapprendre à exister autrement: il ne s’agit pas seulement de s’opposer aux élections. Il faut proposer un cadre politique alternatif, tel que: les conférences publiques, les rapports d’évaluation, les contre-projets. Une opposition utile est celle qui construit, même hors des urnes.
La société civile doit jouer son rôle de vigie: si les partis sont affaiblis, les citoyens, les associations, les mouvements de jeunes, les syndicats doivent s’emparer de l’espace public pour exiger des comptes et protéger les libertés.
Un silence qui parle davantage qu’un discours
La non-participation de Cellou Dalein Diallo et l’absence de soutien de l’UFDG ne sont pas un retrait du combat politique. C’est une manière différente d’exprimer un refus, un avertissement sur l’état actuel du jeu démocratique, et une invitation à repenser les règles, les pratiques et les ambitions.
Ce choix ne résout pas les crises guinéennes. Mais il force chacun à regarder la réalité en face: une élection ne vaut que si elle donne aux citoyens le sentiment d’être entendus, respectés et représentés. Sans cela, ce n’est plus une compétition, mais une formalité.
Et dans une démocratie déjà fragilisée, la formalité est parfois plus dangereuse que la crise elle-même.
Source: Vision Guinee
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Guinée, suivez Africa-Press





