Africa-Press – Guinée. Pendant que les tensions commerciales avec Washington pèsent sur les ventes chinoises vers les États-Unis, un autre marché connaît une dynamique inverse, soit une augmentation presque spectaculaire: l’Afrique. En 2025, le continent est devenu le moteur le plus rapide de la croissance des exportations chinoises, redessinant au passage une partie du commerce mondial.
Selon les dernières données des douanes chinoises, les exportations vers l’Afrique ont bondi de 25,9 % sur les huit premiers mois de l’année. Pékin a déjà vendu 122 milliards de dollars de biens au continent – soit davantage que sur l’ensemble de 2020 – et les projections indiquent que le total pourrait dépasser 200 milliards d’ici à la fin de l’année.
Ce qui frappe surtout, c’est la contribution africaine à la croissance chinoise: un quart de l’augmentation totale des exportations depuis janvier. En 2024, cette part était de 0,2 %. On est passé d’un détail statistique à un moteur structurel.
Les infrastructures, l’énergie, le transport
L’Afrique n’est pas seulement un marché en expansion démographique ; c’est un continent en transformation qui a un besoin massif d’équipements pour construire, produire, transporter, électrifier.
Cinq catégories concentrent aujourd’hui 55 % des importations africaines depuis la Chine: les machines et les équipements lourds ; le matériel électrique ; les automobiles ; les navires ; l’acier et les produits métalliques. Ces secteurs représentent 75 % de la croissance des exportations chinoises vers l’Afrique.
Dans le BTP, la demande explose: les pays africains ont signé, au premier semestre, plus de 30,5 milliards de dollars de contrats de construction avec des entreprises chinoises – cinq fois plus que l’an dernier. Les exportations de machines de chantier ont ainsi bondi de 63 %, tandis que celles d’acier progressent à deux chiffres.
La transition énergétique donne un second souffle: +60 % pour les panneaux solaires ; les batteries lithium-ion connaissent également une croissance à deux chiffres ; +25 % pour les équipements de conversion électrique. La Chine s’impose comme le fournisseur naturel d’un continent encore dépendant du diesel, mais qui cherche des solutions rapides et abordables pour diversifier son mix énergétique.
Pékin s’ouvre quand Washington se ferme
La dynamique actuelle est en grande partie le produit de la géopolitique. Face aux « tarifs réciproques » imposés par Washington, les exportateurs chinois cherchent des marchés moins exposés aux tensions. Dans ce contexte, l’Afrique offre une alternative presque idéale.
Pékin, de son côté, déroule le tapis rouge: exemption de 100 % des droits de douane pour 53 pays africains ; ouverture accélérée de son marché agricole à 19 d’entre eux ; accords de swap (les lignes de crédits mises à disposition par la Chine – NDLR) pour faciliter l’usage du yuan dans le commerce bilatéral.
Alors que les protections américaines fragilisent certains exportateurs africains, la Chine déroule une diplomatie commerciale qui renforce son influence tout en fluidifiant ses propres échanges.
Un boom porteur de risques
Cette accélération spectaculaire masque toutefois plusieurs fragilités. D’abord, la disparité africaine. L’Afrique du Sud, pourtant la première économie du continent, n’enregistre que +3,8 % d’importations depuis la Chine. Ses difficultés énergétiques et son chômage endémique pèsent sur la demande.
Ensuite, l’impact indirect des politiques américaines. En imposant des tarifs sur certaines exportations africaines, Washington réduit mécaniquement les revenus de ces pays – donc leur capacité à importer.
Enfin, la dépendance croissante. La plupart des pays africains exportent des matières premières et importent des biens manufacturés, creusant un déséquilibre commercial déjà massif. Le risque: une forme de dépendance structurelle à la Chine, difficile à corriger à long terme.
Une relation qui s’installe dans la durée
Pour Pékin, l’Afrique est bien plus qu’un marché: c’est un terrain où s’expérimente la montée en puissance internationale de la Chine. Les entreprises chinoises n’y vendent plus seulement des produits, mais des systèmes complets: financement, ingénierie, construction, normes techniques et équipements.
L’Afrique devient ainsi l’un des espaces où la Chine teste son modèle de développement exportable – une combinaison unique de prix bas, rapidité d’exécution et soutien étatique.
La tendance est claire: sauf rupture politique majeure, l’Afrique restera l’une des principales zones d’expansion du commerce extérieur chinois. Reste à savoir à quel prix – pour le continent comme pour la Chine.
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