Africa-Press – Guinée. Ils sont 67 cadres à avoir quitté la société Electricité de Guinée (EDG) en 2015, après avoir été admis à faire valoir leur droit à la retraite. Selon la « convention maison » de l’entreprise, ils devaient tous bénéficier de mesures d’accompagnement : 18 mois de salaire pour les cadres supérieurs et 24 mois de salaire pour les autres. Des montants qui leur permettraient de lancer des activités génératrices de revenus en vue de mener une retraite tranquille. Mais sept ans après leur départ à la retraite, ces anciens travailleurs d’EDG courent toujours après leur dû, a appris Guineematin. Ils accusent ceux qui dirigeaient la société à l’époque d’avoir détourné l’argent qu’ils devaient percevoir.
Parmi eux, Moustapha Deen Touré, qui était l’assistant du directeur général pendant son départ à la retraite. « En 2012, j’ai pris part à la rédaction de la « convention maison » élaborée par EDG, qui a été réactivée par le syndicat en septembre 2014, puis validée par la direction la même année, au moment où nous travaillions nos derniers mois au sein de la société. Après, on est venus même nous dire que nous avons de la chance, vu que l’application de la convention va commencer par nous. Mais en 2015, après notre départ à la retraite, on n’a rien vu comme mesures d’accompagnement. Quand on a demandé, on nous a dit non, que nous sommes des retraités de 2014, alors qu’on a travaillé du 1er janvier au 31 décembre 2014. La signature devrait normalement commencer par nous. Mais on nous a dit que pour signer, l’inspection du travail a demandé des dessous de table, et que tant qu’on ne paie pas cela, elle ne va pas signer.
Donc, nous avons compris que c’est la part qui revenait aux retraités de 2015 qu’ils ont sacrifiée pour nous dire que nous sommes de 2014. C’est ce qui nous a fâchés. Parce que pour nous, c’est le directeur général qui était là-bas à l’époque, M. Mory Kaba, et certains membres du syndicat, qui se sont partagé notre argent. Et cet argent a servi à corrompre l’inspection générale du travail pour leur dire que nous sommes de 2014, alors que nous avons bien travaillé en 2014, et nous avons même joint nos bulletins de paie de 2014 aux dossiers », a expliqué ce retraité, malvoyant, précisant qu’il devait personnellement recevoir un montant de 180 millions de francs guinéens au titre des mesures d’accompagnement. Ce qui représente la valeur des 18 mois de salaire prévus dans la convention maison pour les cadres supérieurs.
De son côté, Sékou Céwa, qui a servi pendant 24 ans au sein de l’EDG, pointe un doigt sur l’ancienne directrice des ressources humaines de la société. Pour lui, c’est elle qui a empêché qu’ils ne rentrent en possession de leur argent.
« Moi, c’est une seule personne que j’accuse dans cette affaire : c’est Mme Bintou Keïta. Parce qu’à l’époque, elle seule, elle était DRH (directrice des ressources humaines), directrice générale adjointe, et syndicaliste. Quand nous avons porté plainte pour la première fois à l’inspection générale du travail, ils ont demandé à la direction de nous payer, parce que nous sommes de 2015. L’inspection nous a demandé de revenir le jeudi qui suivait. Quand nous sommes revenus ce jeudi, après toute confrontation, l’inspection générale nous a dit d’aller nous comprendre afin de nous payer quelque chose.
Mais quand nous sommes sortis, Mme Bintou Keïta nous a clairement dit qu’on n’aura rien. Et depuis ça, nous sommes dans ce pétrin, nous vivons difficilement. Même quand on a une réunion, certains ne gagnent pas le prix du transport pour se déplacer », déplore Sékou Céwa. Il ajoute qu’ils ont mené beaucoup de démarches auprès de différents responsables du pays pour faire bouger les lignes, mais sans succès. « Le problème est que dès que Bintou Keïta se présente, c’est notre argent qu’on utilise pour lutter contre nous. C’est pourquoi on n’a toujours pas eu gain de cause. Si ce n’est pas par manque de moyens, on serait partis à la justice. Mais quelqu’un qui n’a pas eu le transport pour aller assister à une réunion, est-ce qu’il pourra supporter les frais d’un avocat ? », s’interroge ce doyen.
Avec le changement de régime intervenu en Guinée suite au coup d’Etat militaire du 5 septembre 2021, ces retraités d’EDG ont retrouvé un espoir de rentrer en possession de leur agent. Ils souhaitent que les autorités de la transition s’intéressent à ce dossier pour leur permettre d’avoir un dénouement heureux.
« Nous avons près d’une dizaine de nos amis qui n’ont pas pu tenir, qui sont décédés. Certains ont été délogés à cause de cette situation, et d’autres même ont divorcé d’avec leurs femmes par manque de moyens… Je demande aux autorités de la transition de nous aider à nous rétablir dans notre droit. Car, nous sommes devenus des misérables. Difficilement nous parvenons à avoir notre dépense. La petite pension que nous percevons aussi ne vient que trois ou quatre mois après. Quand tu prends ça aussi, tu ne pourras rien faire, sinon que rembourser les dettes antérieures », a dit Hadja Mantènè Traoré, qui était membre du syndicat des travailleurs d’EDG.
Nous reviendrons sur ce dossier dans nos prochaines publications pour livrer la part de vérité de Mme Bintou Keïta, directrice des ressources humaines d’EDG au moment des faits, qui est la principale mise en cause dans cette affaire.
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