Rumeur de Coup D’ÉTat et Spectre du Chaos en CôTe D’Ivoire

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Rumeur de Coup D’ÉTat et Spectre du Chaos en CôTe D’Ivoire
Rumeur de Coup D’ÉTat et Spectre du Chaos en CôTe D’Ivoire

Par Habiballah Mayabi

 

Africa-Press – Guinée. Dans un climat tendu entre les acteurs de la scène politique ivoirienne à l’approche des élections générales prévues en octobre prochain, des rumeurs de coup d’État militaire ont circulé sur les réseaux sociaux, accompagnées d’images et de vidéos montrant de grandes foules dans les rues et des bâtiments incendiés, prétendument situés à Abidjan.

Comme d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est connue pour les épisodes de chaos et de violence électorale qui accompagnent souvent les scrutins présidentiels.

Il y a une décennie, le pays a connu une guerre civile ou un conflit armé qui a fait plus de 3 000 morts, à la suite de l’élection présidentielle remportée par Alassane Ouattara et du refus de son prédécesseur Laurent Gbagbo de reconnaître les résultats, entraînant des affrontements sanglants entre factions de l’armée jusqu’à l’intervention des forces françaises en soutien à Ouattara.

Les rumeurs de coup d’État surviennent quelques semaines après la décision de la justice d’écarter l’opposant Tidjane Thiam de la course à la présidentielle, une décision que ses partisans considèrent comme politiquement motivée par le gouvernement.

Côte d’Ivoire: les autorités démentent les rumeurs de coup d’État

Malgré la large diffusion des rumeurs de coup d’État sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook et X, les autorités sécuritaires ont déclaré n’avoir constaté aucun acte de violence, bien que des habitants d’Abidjan aient contesté ces affirmations.

Jeudi dernier, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information a démenti tout incident sécuritaire ou tentative de putsch en Côte d’Ivoire.

Dans un communiqué relayé par des médias locaux, l’agence a déclaré: « Les publications actuellement partagées sur Facebook et X prétendant qu’un coup d’État a eu lieu dans le pays sont totalement infondées. Il s’agit d’une campagne délibérée et coordonnée de désinformation. »

Origine des rumeurs

Les rumeurs ont commencé mercredi dernier après la diffusion sur les réseaux sociaux de vidéos montrant des manifestants incendiant des centres commerciaux et de petits commerces, prétendument situés dans la capitale économique Abidjan.

Bien que le français soit la langue officielle en Côte d’Ivoire, la plupart des publications évoquant le coup d’État étaient en anglais, ce qui a suscité des interrogations sur leur origine et leur destination.

Certaines publications affirmaient que le chef d’état-major ivoirien, le général Lassina Doumbia, avait été assassiné, que le président Alassane Ouattara était porté disparu, et que plusieurs hauts responsables du régime avaient été arrêtés. Mais la présidence a fermement démenti ces allégations, qui n’ont été relayées par aucun média crédible.

Les médias nationaux, publics comme privés, n’ont diffusé aucune information concernant les violences prétendument survenues, largement relayées sur les réseaux sociaux.

Au moment même où ces rumeurs se propageaient, le président Alassane Ouattara est apparu jeudi lors de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres. Il a également assisté à une cérémonie d’hommage à l’ancien président Félix Houphouët-Boigny, en compagnie du président togolais Faure Gnassingbé.

Tensions politiques persistantes à l’approche des élections

Depuis l’annonce en début d’année de la tenue des élections générales prévues pour octobre prochain, la Côte d’Ivoire traverse une période de vifs débats politiques entre les acteurs influents de la scène nationale.

Ces tensions ont ravivé les souvenirs de la période de violence électorale et du spectre de la guerre civile qu’a connue le pays lors de l’élection de 2010, lorsque l’ancien président Laurent Gbagbo avait refusé de céder le pouvoir à son successeur Alassane Ouattara, alors vainqueur avec 54 % des voix.

La crise avait dégénéré en conflit armé, auquel des forces françaises avaient pris part pour trancher en faveur d’Ouattara. Elle s’était achevée par l’arrestation de Gbagbo en avril 2011.

Gbagbo a été jugé pour crimes de guerre devant la Cour pénale internationale, mais il a été acquitté en 2019. Ensuite, la justice nationale l’a condamné à 20 ans de prison pour détournement de fonds de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Il a été libéré grâce à une amnistie générale, mais n’a pas récupéré ses droits civiques, l’empêchant de se représenter à la présidence.

Face à ces tensions et à la crainte d’un retour du pays vers la guerre et la violence électorale, l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Leonardo Santos Simão, s’est rendu en Côte d’Ivoire en avril dernier. Il a appelé toutes les parties à faire preuve de calme et à privilégier l’intérêt supérieur de la nation.

Simão a rencontré le président Ouattara, les responsables de la commission électorale indépendante ainsi que les dirigeants des partis d’opposition, les exhortant à faire preuve de raison et de sagesse. Il leur a assuré que l’ONU suivait de près le processus politique que vivra le pays dans les mois à venir.

En décembre dernier, le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire a déclaré soutenir la candidature d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat, ce qui a accru les inquiétudes de l’opposition quant à une possible violation de la Constitution, qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux.

Des analystes estiment que de nombreux jeunes officiers de l’armée ivoirienne admirent l’exemple des putschistes dans la région du Sahel, et pourraient être tentés d’agir pour basculer le pays sous un régime militaire, si Ouattara décidait de ne pas respecter la Constitution et de briguer un nouveau mandat.

La popularité contrastée du président Ouattara

Le président Alassane Ouattara est considéré comme une figure nationale de premier plan, non seulement à l’échelle locale, mais aussi dans l’ensemble de la région ouest-africaine.

Il bénéficie d’un large soutien populaire, ayant œuvré au cours de la dernière décennie à stabiliser l’économie et à enregistrer de solides taux de croissance, faisant de la Côte d’Ivoire un pôle économique régional majeur.

Sur le plan politique, il est perçu comme une personnalité rassembleuse, calme, attachée à la sécurité. On lui attribue le mérite de la stabilité politique et de l’éloignement des violences électorales, contrairement à son prédécesseur Laurent Gbagbo, souvent accusé d’avoir exacerbé les tensions ethniques et communautaires.

Les orientations de Ouattara en faveur de la stabilité politique se sont manifestées par la promulgation d’une loi d’amnistie générale pour Gbagbo, condamné à 20 ans de prison, et par son accueil au palais présidentiel en 2023 en tant qu’ancien chef d’État devant être traité avec respect et considération.

Cependant, ses opposants l’accusent de vouloir se maintenir au pouvoir par des moyens contraires à la Constitution, et d’utiliser les institutions de l’État pour écarter ses adversaires, comme ce fut le cas de l’opposant Tidjane Thiam, empêché de se présenter à cause de sa nationalité française.

De plus, ses liens étroits avec la France — perçue de plus en plus en Afrique de l’Ouest comme une « puissance coloniale prédatrice » — ont nui à sa popularité, notamment parmi les jeunes, qui représentent la majorité de la population du pays.

Qui est Tidjane Thiam et pourquoi a-t-il été écarté?

Tidjane Thiam (62 ans) est une figure technocratique de premier plan, parmi les plus compétentes et les plus influentes de la scène politique et économique en Côte d’Ivoire. Il est issu d’un milieu historiquement lié au pouvoir, étant le neveu du président fondateur Félix Houphouët-Boigny.

Sur le plan académique, Thiam est considéré comme l’un des intellectuels les plus brillants du pays. Il fut le premier Ivoirien à intégrer l’École polytechnique en France, après avoir réussi son difficile concours d’entrée.

À son retour de Paris, il a occupé le poste de ministre du Plan et du Développement entre 1997 et 1998. Toutefois, après le coup d’État contre le gouvernement civil la même année, il a refusé de participer au gouvernement proposé et s’est tourné vers l’Europe.

En Europe, il a occupé des postes de haute responsabilité, notamment à la tête du groupe britannique Prudential, puis comme président de la banque d’investissement Credit Suisse en Suisse.

En 2022, Thiam est revenu en Côte d’Ivoire et s’est lancé dans la politique. Il a rejoint le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), au pouvoir depuis l’indépendance en 1960 jusqu’au coup d’État de 1998, et qui est aujourd’hui le principal parti d’opposition.

En 2023, il a été élu président de ce parti, ce qui a attiré un grand nombre de jeunes militants séduits par son expérience internationale et son opposition de longue date aux régimes militaires.

Malgré son soutien important dans les milieux politiques, la justice a ordonné, le 22 avril dernier, son exclusion des listes de candidats au motif qu’il avait acquis la nationalité française en 1987.

Bien qu’il ait renoncé à cette nationalité en février dernier, le tribunal a estimé qu’il ne l’avait pas fait avant son inscription sur les listes électorales en 2022, ce qui le rend inéligible, y compris pour voter.

Thiam et ses avocats ont rejeté cette décision, la jugeant injuste. Ils ont fait valoir que plusieurs joueurs de l’équipe nationale ivoirienne possèdent une double nationalité sans que leur citoyenneté ivoirienne ne soit remise en question.

Dans une interview accordée à la BBC, Thiam a déclaré: « Je suis né Ivoirien et je le resterai. Ce que nous vivons est une tentative évidente d’empêcher notre parti de gagner. »

Tidjane Thiam candidat? Qui sont les autres figures en lice?

Il n’est pas encore certain que Tidjane Thiam puisse réintégrer la liste des candidats, mais il poursuit le combat sur les plans juridique et politique pour faire valoir ses droits et faire inscrire son nom sur les listes électorales.

En mai, Thiam a démissionné de la présidence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire, mais a été réélu à ce poste à 99 % par les membres du congrès national. Il n’a pas encore précisé s’il compte maintenir sa candidature.

À travers des interviews et des discours adressés au public, Thiam a promis d’attirer des investissements étrangers, comme il l’avait fait lorsqu’il était ministre en 1998. Il a également évoqué un plan économique visant à rompre le lien entre la monnaie locale et le franc CFA, historiquement rattaché à la France, ancienne puissance coloniale du pays pendant plusieurs décennies.

En plus de Thiam, plusieurs autres candidats notoires sont présents sur la scène politique. Parmi eux, Pascal Affi N’Guessan (67 ans), ancien Premier ministre sous la présidence de Laurent Gbagbo, dont il reste un proche allié.

Dans le même contexte, l’ancienne Première dame Simone Gbagbo, ex-épouse de l’ancien président, a annoncé sa candidature à la présidence de la République sous la bannière du parti « Mouvement des Générations Capables ».

Simone Gbagbo avait été condamnée en 2015 à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État et trouble à l’ordre public, mais elle a été libérée en 2018 à la faveur d’une loi d’amnistie promulguée par le président actuel, Alassane Ouattara.

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