Africa-Press – Guinée. Le cerveau est un organe qui nécessite beaucoup d’énergie pour fonctionner. Les singes, réputés pour leur intelligence et la taille de leur cerveau, ont besoin de se nourrir d’aliments à haute teneur énergétique et faciles à digérer, tels que des fruits. Ces derniers sont en effet une ressource précieuse mais leur récolte est variable. Cette condition impose des exigences cognitives aux singes qui doivent trouver les arbres fruitiers et se souvenir de leur date de maturation.
Une étude, datée d’il y a moins d’une dizaine d’années, émettait l’hypothèse que l’évolution du cerveau des primates a été principalement motivée par la sélection d’une efficacité accrue de la recherche de fruits.
La théorie avancée suggère que les animaux possédant un plus gros cerveau sont capables de trouver des fruits de manière plus efficace, et que la consommation de ces fruits stimule la croissance du cerveau, engageant l’individu dans un cercle vertueux. Cette hypothèse contredisait une précédente théorie associant l’augmentation de la taille du cerveau des primates à une grande socialité.
Mais les chercheurs d’une nouvelle étude, publiée le 29 mai 2024 dans la revue Proceedings of the Royal Society B, ont mis cette théorie à l’épreuve. “L’hypothèse d’un régime à base de fruits n’avait jamais été étayée expérimentalement”, explique dans un communiqué de presse l’auteur principal de l’étude, Ben Hirsch, associé de recherche au à l’Institut Smithsonian de recherche tropicale.
Le premier test de cette hypothèse sur le terrain
Pour tester cette hypothèse, l’équipe de chercheurs a mené une étude en cartographiant à l’aide de drones les arbres fruitiers Dipteryx d’une forêt tropicale du Panama. Ils ont ensuite suivi 42 individus de quatre espèces de mammifères frugivores vivant dans la même région. Deux espèces de primates, les capucins à face blanche et les singes-araignées, et deux espèces de procyonidés, les kinkajous et les coatis.
Chaque année, durant trois mois consécutifs, ces quatre espèces sont obligées de se nourrir exclusivement des fèves tonka que produisent les Dipteryx. “Ces animaux doivent tous simultanément résoudre le même puzzle de recherche de nourriture”, explique Meg Crofoot, directrice de l’Institut Max Planck du comportement animal et co-autrice de l’étude. “Nous disposons ainsi d’un outil puissant pour comparer leur efficacité en matière de recherche de nourriture”.
Les animaux ont été équipés de colliers GPS pour enregistrer leurs déplacements. Les chercheurs ont ensuite analysé les trajets des animaux et évalué leur efficacité à trouver des fruits.
Un gros cerveau ne signifie pas forcément une recherche de fruits efficace
Finalement, les résultats de cette étude montrent que l’efficacité du trajet, définie comme le pourcentage de temps actif passé dans les arbres fruitiers divisé par la distance de déplacement quotidienne, n’était pas significativement plus élevée chez les primates au plus grand cerveau.
Et cela même tôt le matin, lorsque la faim devrait normalement entraîner une recherche de nourriture plus efficace. “Nous n’avons trouvé aucune preuve que les animaux dotés d’un plus gros cerveau prenaient des décisions plus intelligentes en matière de recherche de nourriture”, explique Meg Crofoot. “Si les gros cerveaux rendent les animaux plus intelligents, cette intelligence n’est pas utilisée pour se diriger plus efficacement vers les arbres fruitiers de cette forêt tropicale”.
Comme il est très compliqué de comprendre un phénomène probablement multifactoriel comme celui-ci, les chercheurs ont souligné des limites dans leur étude. En effet, les modes de consommation des fruits, les capacités d’extraction des nutriments et les coûts énergétiques des déplacements diffèrent en fonction des espèces et pourraient empêcher de comprendre le phénomène dans son ensemble.
D’autres facteurs explicatifs comme la mémoire épisodique
Les chercheurs suggèrent que d’autres facteurs pourraient jouer un rôle plus important dans l’augmentation de la taille du cerveau. “Des cerveaux plus gros pourraient favoriser une meilleure mémoire épisodique, ce qui permettrait à ces espèces de mieux planifier leurs visites aux arbres afin de maximiser la quantité de fruits mûrs qu’elles trouvent”, explique Ben Hirsch. Les auteurs suggèrent également que la taille du cerveau pourrait être liée à l’utilisation d’outils, à la culture ou à la complexité de la vie en groupe.
De plus, ces résultats sont cohérents avec la structure du cerveau des singes. L’expansion du cerveau chez les primates concerne surtout le néocortex et le cervelet, pas l’hippocampe qui, lui, contrôle en grande partie les capacités de navigation. Ainsi, une taille de cerveau plus grande n’améliore pas nécessairement l’efficacité de la navigation.
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