Les femmes sont-elles plus susceptibles de donner leurs organes que les hommes ?

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Les femmes sont-elles plus susceptibles de donner leurs organes que les hommes ?
Les femmes sont-elles plus susceptibles de donner leurs organes que les hommes ?

Africa-Press – Guinée. De nombreuses études scientifiques montrent que les femmes vont plus souvent donner leur rein à un proche que les hommes. Cette différence est-elle vraie partout ? Quelles en sont les raisons ? Explications.

Le chiffre n’est pas le même selon les pays, mais la conclusion reste globalement similaire. À quelques exceptions près, les femmes donnent plus leurs organes que les hommes. « Aux États-Unis, 60% des donneurs vivants (rein, partie de foie) sont des femmes », analyse en 2021 le Journal of the American Heart Association. La même année, une étude publiée dans la Nephrology Dialysis Transplantation répertorie les disparités spécifiques au sexe selon les pays pour les dons de reins issus de vivants. Les femmes représentent 69% des donneurs en Chine, 65% en Suisse, 66% en Inde, etc.

Une réalité globale

Les statistiques d’Eurotransplant, une organisation internationale responsable de la coordination des transplantations d’organes dans huit pays européens (la Belgique, l’Autriche, la Croatie, l’Allemagne, la Hongrie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie), va dans le même sens. En 2021, pour 1069 dons de reins, 204 venaient de la mère du patient transplanté, contre 123 du père. Globalement, il existe un biais genré dans le don d’organes entre vifs.

L’étude du Nephrology Dialysis Transplantation note toutefois une exception : l’Iran. Là-bas, les femmes représentent 22% des donneurs de rein vifs. Comment l’expliquer ? « C’est le seul pays qui organise étatiquement un marché des organes », explique Marie-Xavière Catto, maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et spécialiste des questions de bioéthique. Autrement dit, « on peut vendre tout à fait officiellement son organe aux services hospitaliers. » Cependant, la juriste ne trouve pas d’explication plausible à cette donnée.

Les femmes encouragées à donner par la société

Comment expliquer cette différence selon le sexe du donneur ? En citant une étude publiée en 2018 dans le Journal of Evaluation in Clinical Practice, Marie-Xavière Catto estime que « l’impact sociétal du don » peut expliquer cette différence. « Les auteurs de l’étude l’expliquent à la fois par un sentiment d’altruisme ou une sensibilité plus importante », détaille la juriste. « Une plus grande empathie, un meilleur sens des responsabilités ou l’impulsivité avec une plus grande réponse empathique, » sont des raisons pouvant expliquer la plus forte proportion de donneuses d’organes, note l’étude du Journal of Evaluation in Clinical Practice.

« Les femmes se disent plus concernées, elles transmettent d’avantage leur position sur le don d’organe, analyse le directeur associé de l’institut Viva Voice Arnaud Zegierman. À travers nos différentes études, on se rend compte qu’il y a quand même un côté un peu traditionnel qui perdure dans la famille en France, décrit-il. Ce sont les femmes qui jouent le rôle de celle qui amène le plus chez le médecin, qui s’occupent davantage des problématiques de santé de la famille. »

Autre explication possible : des facteurs socio-économiques. Dans un article du Times of India, les docteurs expliquent que « les hommes ont peur qu’un don d’organe affecte leur santé et de ce fait, leur capacité à gagner leur vie. La peur de la douleur et la volonté d’avoir une vie normale sont d’autres raisons. Cependant, en France, il n’y a pas d’enjeux économiques et on fait quand même le même constat », note Marie-Xavière Catto. Son avis est partagé par Arnaud Zegierman : « les freins au don ne relèvent pas du tout de ça. »

« Cependant, il y a une nuance à apporter », avertit l’Agence de biomédecine, l’organisme public spécialisé sur les questions de prélèvement et greffe en France. « La personne qui donne son organe va être celle qui est sélectionnée médicalement, précise-t-elle. Ce n’est pas forcément la personne qui se propose en premier. Ainsi, ce n’est pas toujours la personne qui s’était proposée d’emblée qui va être prélevée, note l’agence. Ce n’est pas parce qu’on veut donner un rein qu’on peut le donner », conclut-elle. Chargement du lecteur…

Au-delà des organes

Par ailleurs, il n’y a pas que les dons d’organes vivants qui soient soumis à ce biais genré. L’Agence de biomédecine explique que « quel que soit le type de don médical, les femmes donnent plus de manière générale. » L’agence de biomédecine pratique également le don de moelle osseuse et de gamètes. « Pour la moelle osseuse, on est obligés de centrer notre communication sur les hommes pour avoir des hommes qui donnent », affirme-t-elle. Les dons de moelle osseuse sont utilisés pour traiter certains cancers ou soigner les maladies du sang.

Mais pourquoi les greffons masculins de moelle osseuse sont-ils indispensable ? « Les femmes s’immunisent avec les grossesses, explique l’Agence de biomédecine De ce fait, leur moelle osseuse devient moins facilement compatible avec un malade avec le temps. C’est pour cela qu’il est indispensable d’avoir des dons masculins. »

Le même phénomène est constaté pour le don de gamètes. Pour les hommes, il s’agit d’un don de sperme, pour lequel le sperme est recueilli en laboratoire après masturbation. Pour les femmes, il s’agit d’obtenir des ovocytes, situés au sein des ovaires. Pour se faire, il faut passer par des injections d’hormones pendant une dizaine de jours, des prises de sang, puis un recueil des ovocytes par ponction folliculaire. « Il y a entre deux et trois fois plus de femmes qui donnent leurs gamètes que les hommes, alors que le geste est plus invasif pour elles, analyse la juriste Marie-Xavière Catto, qui a travaillé sur la question. C’est un don qui est extrêmement peu connu », note Arnaud Zegierman. Il explique qu’au-delà du nombre de dons, le problème de la diversité des dons se pose aussi. « Par exemple, une famille asiatique va avoir besoin de gamètes du même phénotype, c’est-à-dire d’un patrimoine génétique similaire. » Il reste toutefois optimiste car « jusqu’à présent, la question ne se posait pas car on était au tout début de la réflexion et de la communication sur le sujet. »

Pour le sociologue Arnaud Zegierman, « plus on est informés sur cette thématique, plus on va être d’accord pour donner. » Il estime que c’est ce facteur qui segmente le plus la population. « Les dons d’organes vivants sont extrêmement peu connus, » analyse-t-il. « Mon intuition, c’est que plus on est renseigné, plus on est favorable au don, et les femmes sont plus renseignées », décrit le directeur adjoint de l’institut Viva Voice. Mieux communiquer sur ces problématiques permettrait selon lui de résoudre ces disparités. Mais attention cela ne signifierait pas que la population globale soit plus favorable, « mais qu’elle agisse en connaissance de cause. »

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